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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Le Congrès du Fateh, dernier sursis de Abbas

Le président de l'Autorité palestinienne cherche à assurer sa succession, plus incertaine que jamais.

Le président palestinien Mahmoud Abbas, lors de l’élection le 3 décembre des membres du comité central du Fateh. Ahmad Gharabli/AFP

Sans réelle surprise, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ressort – en apparence – renforcé du Congrès du Fateh, qui s'est tenu du 29 novembre au 4 décembre. Septième congrès du parti depuis sa création en 1959, sa dernière édition remonte à 2009. Depuis, de profondes dissensions au sein du parti, ainsi qu'avec le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, ont empêché la tenue d'un congrès qui aurait permis l'élection de membres du comité central du Fateh. Mahmoud Abbas, qui a aujourd'hui 81 ans et a subi en octobre une opération cardiovasculaire, cherche à assurer sa succession. De plus en plus contesté, selon plusieurs sondages récents, par la rue palestinienne, il a toutefois été réélu à la tête du parti à l'unanimité pour cinq ans encore, sans scrutin, mais à l'applaudimètre.

Mais il aura, pour ce faire, fallu écarter les voix dissonantes au sein du parti. Le président de l'AP a donc fait passer le nombre de délégués siégeant au congrès de 2 500, en 2009, à 1 400, donnant à ses dissidents le moins de marge de manœuvre possible. Sur les 18 sièges du comité central du parti, 16 sont allés à des partisans du président Abbas. Restent cinq autres membres qui seront choisis à une date ultérieure. Quelque 80 membres du Conseil révolutionnaire ont également été élus, et 40 autres personnes doivent être prochainement nommées par la direction du parti, sans qu'une date n'ait été fixée.

En attendant, deux possibles successeurs, élus haut la main au comité central, sortent du lot : Marwan Barghouti, qui cumule cinq peines de prison à vie en Israël pour sa participation à la seconde intifada (2000-2005), et l'ancien chef des services de sécurité de Cisjordanie et actuel patron de la Fédération palestinienne du football, Jibril Rajoub.

Sans réelle nouveauté en termes de membres, ce congrès aura néanmoins réussi à officialiser la mise à l'écart d'opposants gênants, à commencer par l'ancien chef de la sécurité, Mohammad Dahlane, en exil à Abou Dhabi, ainsi que ses sympathisants, dont plusieurs ont été exclus du parti dès septembre. Plusieurs pays arabes, surnommés le quartette arabe (l'Égypte, la Jordanie, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis), avaient pourtant fait pression sur Mahmoud Abbas pour faire revenir Mohammad Dahlane en Cisjordanie, sans succès.

 

(Pour mémoire : Le Fateh dévoile sa nouvelle direction, de possibles successeurs d'Abbas émergent)

 

Dangers futurs
Le président de l'AP prend ainsi le risque de s'attirer les foudres de ces pays, dont l'aide (financière) est précieuse, alors que les Palestiniens sont plus divisés que jamais. L'Arabie saoudite aurait par exemple déjà réduit son aide financière à l'AP. Les négociations de paix avec Israël sont au point mort et la légitimité de l'administration Abbas, et ses rapports avec l'État hébreu, sont largement critiqués par la population, dont l'âge moyen oscille autour de 18 ans. Les jeunes générations ne se sentent aucune affinité avec ces résistants d'un autre âge. Aucun programme n'a été présenté, pendant le congrès, ni aucune réflexion proposée et effectuée, dans le but d'insuffler un souffle nouveau à une politique périmée et qui n'a pas fait ses preuves.

En écartant ainsi ses dissidents, Mahmoud Abbas prend également le risque de pousser Mohammad Dahlane et ses partisans, de plus en plus nombreux, à la création d'un nouveau parti palestinien et qui lui ferait concurrence. Un congrès parallèle à celui du Fateh devait d'ailleurs être organisé par l'ancien chef de la sécurité au Caire, après que deux conférences similaires excluant tous les partisans du président Abbas eurent été organisées en octobre et en novembre à Aïn el-Sokhna, en Égypte, sur l'avenir du Fateh. La politique de l'AP a aussi contribué à pousser de nombreux Palestiniens habitant certains camps de déplacés comme à Qalandiya, Jénine, ou encore Askar, dans les bras de Mohammad Dahlane, qui a su tirer profit de ce vivier inespéré de sympathisants, depuis longtemps négligés par les pro-Abbas.

La consécration de Jibril Rajoub au sein du Fateh est un coup de plus porté à Mohammad Dahlane. L'hostilité entre les deux hommes remonte à 2002, pendant l'opération israélienne Bouclier défensif, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. À Beitounia, le quartier général construit par Jibril Rajoub des membres du Service de sécurité préventive est pris par les forces israéliennes, et de nombreux membres du Hamas arrêtés.

Depuis, Jibril Rajoub et Mohammad Dahlane s'accusent – entre autres – mutuellement d'être responsables de cette défaite. Une réconciliation, dans l'immédiat en tout cas, entre les deux hommes est donc peu probable.
Le congrès du Fateh, « couronnement » ultime de Mahmoud Abbas, n'aura engendré de fait que peu d'enthousiasme au sein de la population palestinienne, et aura été peu couvert par les médias. La désillusion est palpable et du sang neuf devient crucial. Reste à savoir si Mohammad Dahlane peut répondre aux besoins d'une population totalement déçue par une élite politique qui semble être sur le déclin, alors qu'un Fateh uni et solide est l'une des clés qui permettraient la reprise des pourparlers de paix entre Palestiniens et Israéliens.

 

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