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Liban - Enseignement / ESA

Rue Clemenceau, chronique de la colline aux quatre vies

Jean-Paul Eyrard et George Krebs ont présenté hier leur ouvrage qui retrace l'histoire du site de l'École supérieure des affaires depuis 150 ans.

C'est dans un auditorium sobrement décoré que l'ambassadeur de France, Emmanuel Bonne, le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, et une centaine d'invités se sont laissé conter l'histoire du site de l'École supérieure des affaires (ESA), rue Clemenceau. Après un long travail de recherches historiques, Jean-Paul Eyrard et George Krebs y ont présenté leur ouvrage Chroniques de la colline aux quatre vies, le campus de l'École supérieure des affaires de Beyrouth et son histoire (1866-2016), paru aux éditions ESA Beyrouth.

 

Quatre vies
Déjà auteurs de l'ouvrage Le protestantisme français et le Levant, l'historien Jean-Paul Eyrard et le président de l'association Présence protestante française au Liban (PPFL), George Krebs, mettent en lumière un pan important de la présence protestante au Liban. En effet, c'est la communauté protestante allemande qui écrit les premières pages du lieu, en 1866.
L'histoire du site tout entière est dictée par des personnalités ou par des événements locaux autant que par les dynamiques géopolitiques et confessionnelles, mêlant ainsi la petite et la grande histoire : c'est en réaction aux massacres du Levant de 1860 que les deux confréries protestantes allemandes présentes au Liban alertent les autorités prussiennes. L'ordre de Saint-Jean, une confrérie protestante proche de la famille royale des Hohenzollern, obtient du ministre ottoman Fouad Pacha un terrain, sur l'actuelle rue Clemenceau, pour construire un hôpital gratuit. Le bâtiment est inauguré en 1866 et intègre comme infirmières les quatre membres d'une autre confrérie protestante, les diaconesses de Kaiserswerth. Sevré de médecins à cause de la guerre de 1870, l'hôpital Saint-Jean accueille les étudiants du nouveau collège syrien-protestant (qui deviendra l'Université américaine de Beyrouth) qui s'y forment à la médecine. Il s'étend jusqu'à 1917, moment où la présence de médecins américains dans un hôpital allemand devient problématique.

C'est après la Première Guerre mondiale que le site entame sa deuxième vie. Les Français débarqués en masse au Liban s'emparent de l'hôpital déserté par les Allemands. Octroyé en 1924 à la PPFL, il est racheté par la France en 1929. D'importants travaux d'agrandissement y sont effectués et l'hôpital Saint-Jean devient le principal hôpital militaire français dans la région. À partir de 1941 et l'invasion des troupes alliées, il devient même l'hôpital principal de la France libre (l'Afrique du Nord étant encore sous le régime de Vichy) et soigne entre autres les blessés de Bir Hakeim.
La troisième vie du lieu est encore une fois liée à la « grande histoire »: à l'indépendance libanaise, la France doit établir une ambassade à Beyrouth. C'est tout naturellement que l'ancien hôpital, toujours propriété française, devient l'ambassade française. Mais la situation se complique une nouvelle fois avec la guerre civile. À proximité de la ligne de front et des grands hôtels, la sécurité du site est menacée. Après l'assassinat de l'ambassadeur français Louis Delamare en 1980 et l'attentat à la voiture piégée du 24 mai 1982 sur le site, tuant 11 personnes, l'ambassade quitte la rue Clemenceau. Le site restera désert jusqu'en 1995.

La dernière page de l'histoire s'écrit sous les regards bienveillants de l'ancien président français Jacques Chirac et de l'ancien Premier ministre assassiné Rafic Hariri. Avec l'aide de la Chambre de commerce de Paris et de la BDL est créée l'École supérieure des affaires de Beyrouth. Grande école de gestion francophone depuis 20 ans, elle forme de futurs cadres et entretient un fort lien avec la France. L'ESA a récemment lancé un incubateur de start-up, à partir duquel l'histoire de la rue Clemenceau pourrait bien s'étoffer encore un peu.

 

Dévouement et amitié
Pour le directeur de l'établissement, Stéphane Attali, ce projet historique est avant tout « une occasion de corriger nombre d'erreurs et de rétablir la vérité historique ». « Ce site exceptionnel, a-t-il affirmé dans son discours, suscite beaucoup de questions. Or parfois, nous ne connaissons même pas les réponses. Ce projet nous permet aussi de sensibiliser nos étudiants à l'histoire du lieu, car c'est eux qui, plus tard, seront à la manœuvre. » « Or, a-t-il ajouté, c'est en connaissant son passé que l'on bâtit l'avenir. »

Riad Obegi, président de la banque Bemo, mécène du projet, a tenu à rappeler dans son discours que le site est un lieu d'amitié franco-libanaise depuis des décennies, l'un de ces « nombreux confettis que la France a disséminés çà et là et qui lui permettent de rester un grand pays ». Des « confettis » que le Liban a également répandus, selon lui, à travers le monde grâce à son influente diaspora. Riad Obegi n'a pas manqué de mentionner les différentes fonctions du site (hôpital, ambassade et école) pour soutenir qu'un « souffle de dévouement » a toujours émané de la rue Clemenceau. Jouant lui aussi à l'historien, il a souhaité rappeler que les Phéniciens « n'étaient pas que des marchands, mais aussi des savants ». Une érudition que le Liban se doit de retrouver : pour cela, il faut « se mettre à l'école des meilleurs. L'ESA et la France en font partie », a-t-il observé.

 

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