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Liban - Développement

Le Liban, bon dernier de la classe arabe pour la mobilité sociale

Un rapport du Pnud met en lumière l'exclusion des jeunes des politiques menées dans les pays de la région.

Philippe Lazzarini prononçant son allocution.

Un tiers de la population du monde arabe, soit 105 millions de personnes, est formée de jeunes âgés entre 15 et 29 ans. Beaucoup plus, soit 60 % de la population, si l'on compte avec ces jeunes les enfants âgés entre 0 et 15 ans. Ils sont exclus des politiques adoptées par les 22 gouvernements de la Ligue arabe et vivent dans un environnement qui manque de libertés politiques et d'expression.

La compétitivité économique faible et le manque de bonne gouvernance, particulièrement en ce qui concerne la transparence, réduisent les perspectives des jeunes et les mènent à adopter des idéologies d'extrémisme, surtout qu'un nombre de pays de la région sont fragiles ou sont le théâtre de conflits armés. Quant aux jeunes Libanais, s'ils s'en sortent mieux que les autres pays de la région pour ce qui est de leur expérience du pluralisme, ils n'en restent pas moins particulièrement affectés par l'absence de mobilité sociale, domaine où le Liban est à la traîne, même par rapport au monde arabe.
C'est ce qui ressort d'un rapport sur le développement humain 2016 publié par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et ayant pour thème cette année « Les jeunes et les perspectives du développement humain dans un monde en mutation ». Le document a été rendu public hier lors d'une conférence à l'Université américaine de Beyrouth.

« Plusieurs choses sont à retenir de ce rapport. Il fait savoir avant tout que le tiers de la population du monde arabe – qui s'élève à 305 millions d'habitants –, soit 105 millions de personnes, est constitué de jeunes âgés entre 15 et 29 ans. Cette tendance ne changera pas jusqu'en 2050 parce que le taux de natalité dans le monde arabe demeurera élevé. Seuls le Liban et la Tunisie affichent un taux assez bas pour la région et qui est de 2,5 enfants par femme », souligne dans un entretien avec L'Orient-Le Jour Adel Abdellatif, conseiller pour la région monde arabe auprès du Pnud.
« Il convient de signaler également que 30 % des jeunes Arabes sont au chômage. Et ce taux est de 40 % si l'on compte les jeunes femmes qui ne travaillent pas », poursuit-il.

Jad Chaaban, directeur du rapport, explique pour sa part que l'étude a « pris en considération la marginalisation des femmes dans le monde arabe, notamment en ce qui concerne les us et coutumes ainsi que les lois discriminatoires ». « Il n'en reste pas moins que de nombreuses femmes arabes qui suivent des études universitaires choisissent elles-mêmes de ne jamais entrer dans le marché du travail en attendant de se marier », explique-t-il à L'Orient-Le Jour.

 

(Pour mémoire : Le Pnud se défend des accusations de corruption)

 

M. Abdellatif, de son côté, met l'accent notamment sur le fait que les pays arabes ne connaissent pas la stabilité. « S'ils ne sont pas en guerre, ces pays ne sont pas véritablement stables. Il faut aussi noter que les conflits dans cette région du monde prennent du temps pour être résolus. C'est le cas par exemple de la Syrie, qui est en guerre depuis cinq ans, ou du Sahara occidental », où le conflit traîne depuis plusieurs décennies, dit-il. Ces conflits mobilisent certes de nombreux jeunes qui basculent dans l'extrémisme. « L'État islamique et d'autres groupes fondamentalistes ont attiré les jeunes Arabes parce qu'ils leur proposent un emploi, une femme et les moyens par exemple de se marier ou d'avoir une voix », note M. Chaaban.

Le rapport, effectué à partir d'un échantillon de 1 000 jeunes dans chaque pays arabe, et qui a également eu recours à de nombreuses études et divers sondages se rapportant, durant les huit années écoulées, aux jeunes de la région, souligne que « 80 % d'entre eux accordent une grande importance à la religion dans leur vie ». On ignore cependant si cela a une incidence sur la montée du fondamentalisme ou du jihadisme dans la région. Un chiffre dans ce cadre est à mettre en avant : 4 % des jeunes personnes interrogées disent soutenir les groupes jihadistes. « Ce taux est bien élevé si l'on considère le nombre des jeunes dans la région », souligne M. Chabaan.

 

Le pluralisme libanais
Selon ce dernier, le Liban est le pays qui a « le moins de mobilité sociale pour les jeunes ». « Leur vie à venir dépend du milieu dans lequel ils naissent », dit-il. C'est aussi, selon lui, l'un des pays qui comptent le plus de disparités sociales entre riches et pauvres et l'un des premiers du monde arabe en matière de fuite des cerveaux. 50 % de ses jeunes diplômés, une fois leurs études terminées, partent travailler à l'étranger, dans les pays du Golfe ou en Occident.

Le Liban est aussi le pays qui compte le plus de jeunes femmes diplômées, « mais cela n'a malheureusement pas une incidence sur le marché de l'emploi. Nombreuses parmi elles ne cherchent pas à travailler. Le marché de l'emploi au Liban compte uniquement 25 % de femmes », poursuit-il.
Toutefois, même s'ils accordent de l'importance à la religion, les jeunes Libanais sont naturellement « les plus exposés au pluriconfessionalisme, au pluralisme et à la démocratie. Mais, poursuit M. Chaaban, leur participation à des manifestations ou à des mouvements de revendication ne les pousse pas à adhérer à des partis politiques. C'est le cas également des autres jeunes du monde arabe qui ne s'intéressent pas de près à la politique », ajoute-t-il.

« Les gouvernements des pays arabes devraient adopter au plus tôt une politique qui inclut les jeunes dans la vie sociale et politique », déclare Sophie de Caen, directrice adjointe du Pnud. Lors de la séance inaugurale de la conférence à l'AUB, elle a noté que « la vague de soulèvements dans le monde arabe en 2011 a montré qu'on ne peut plus traiter passivement la jeunesse de la région et la garder en attente ».
Philippe Lazzarini, représentant du Pnud au Liban, a souligné l'importance de ce rapport dont la publication a nécessité la mobilisation de plus d'une cinquantaine de chercheurs. Ahmad Hindaoui, émissaire de Ban-Ki moon pour les affaires des jeunes, s'est demandé pourquoi les révolutions dans les pays arabes ne mènent pas à des résultats similaires aux réformes qui ont abouti à l'émergence des Tigres asiatiques ou aux manifestations en Europe de l'Est en 1990 qui ont contribué à la chute du rideau de fer. De son côté, le président de l'AUB, Fadlo R. Khuri, a mis l'accent sur l'enseignement, la démocratie, la liberté d'expression et la sécularisation pour mener à bon port la jeunesse du monde arabe.

 

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