Hanna Mitri, ou la pâtisserie as-Salam, est une toute petite échoppe à la renommée internationale. Ici, on vend de la glace, mais pas n'importe laquelle : une glace artisanale dont la recette n'a jamais été dévoilée et qui a été transmise de Hanna, décédé en 2012, à son fils Mitri, qui travaillait dans une banque, mais qui a décidé de quitter son bureau pour préserver l'héritage laissé par son père. Un héritage qui n'est pas des moindres : Hanna Mitri Moussa a été probablement le premier glacier au Liban à inventer une glace naturelle orientale sans colorants, utilisant uniquement des produits frais.
« Mon père a commencé à travailler à l'âge de 9 ans. Il était pâtissier, à la pâtisserie Saab, très connue à l'époque. Il n'avait jamais pris un jour de congé. Il travaillait tous les jours. Le jour du mariage de sa sœur, il s'était absenté du travail pour prendre part à la cérémonie et à la fête. Son employeur n'était pas content et mon père est parti. Il avait vingt ans. Il a reçu une indemnité. Et tout de suite, les clients l'ont suivi à la maison. C'était en 1949. Il a commencé à travailler sur commande dans sa propre cuisine. Puis il a eu l'idée d'utiliser ses indemnités pour ouvrir une pâtisserie, louant les lieux dans lesquels nous nous trouvons toujours actuellement. Le connaissant, le propriétaire de l'immeuble lui a même assuré des facilités de paiement », raconte Mitri Moussa.
« J'ai grandi dans la pâtisserie. Mon père travaillait selon les saisons, faisant du maamoul, des maakrouns et du mchabbak pour les fêtes. Il confectionnait des baklavas, une recette que je n'ai jamais apprise, et de la nammoura. C'est seulement en été qu'il confectionnait de la glace, utilisant des produits frais, sans jamais ajouter de colorants. Il offrait les parfums classiques : citron, fraise, rose, abricot, pistache, amande, et lait, bien sûr. Il y avait des parfums qu'il assurait selon leur disponibilité sur le marché, comme la mangue, l'orange et la framboise », dit-il. « Moi-même, j'ai ajouté l'orange sanguine, une mixture fraise-banane et aussi une glace au nescafé avec pépites de chocolat noir », poursuit-il.
Reportages
« Petit, j'aidais mon père durant mes jours de congé. Je me sentais aussi privilégié. Mon père était pâtissier et marchand de glace et je passais par la pâtisserie presque tous les jours à la sortie de l'école pour savourer un dessert », sourit-il. Un brin de fierté dans la voix, Mitri Moussa énumère les revues et les télévisions étrangères qui ont consacré des reportages à la pâtisserie as-Salam. « Nous avons été classés par une revue néerlandaise deuxième glaciers du monde. Le parisien Berthillon figure à la sixième place du classement », rapporte-t-il, ajoutant que son père « avait commencé à confectionner de la glace tout le long de l'année durant les années quatre-vingt-dix. Cette tendance est venue d'Europe, où les gens mangent de la glace même en hiver, et parce qu'on avait commencé à avoir des clients qui nous de demandaient de le faire », explique-t-il.
Hanna Mitri était connu pour son caractère pas toujours facile. Son fils tient un peu de lui. Il suffit d'entendre une réponse qu'il a assénée à une cliente suggérant de moderniser la façon de remplir les bacs d'un demi-kilo... Mais cela n'empêche pas que la petite pâtisserie, aux horaires quasi immuables, a vu défiler des clients venant tout le Liban, ainsi que de nombreuses personnalités politiques.
Aujourd'hui, l'immeuble qui abrite la pâtisserie as-Salam tombe en ruine. « Le bâtiment est situé sur l'emplacement d'un ancien projet de route et on ignore ce qu'il deviendra », rapporte Mitri Moussa, qui prévoit déjà l'ouverture d'une pâtisserie et d'une glacerie dans un autre endroit d'Achrafieh, en respectant toujours la tradition dans la confection.
Pour mémoire
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A Jounieh, avant et après la guerre, il y avait une unique boutique de glace appartenant à Ibrahim El-Hage Sfeir, sise à la Place-Gemmayzé. Il y avait deux marchands ambulants, Antoun pour la glace aux citrons et un autre Mansour pour la glace au lait. Aucun des trois n'employait des colorants artificiels. Il n'y avait aucune concurrence entre les trois.
Un Libanais
17 h 24, le 27 novembre 2016