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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Les psychoses, la schizophrénie et la psychothérapie institutionnelle (suite)

Parce que la France était le berceau du lacanisme, d'une psychiatrie relationnelle et de la psychothérapie institutionnelle née pendant la Seconde Guerre mondiale, les expériences alternatives à la psychiatrie furent nombreuses. Mai 68 donna un second souffle à toutes ces expériences.
Le terme de « psychothérapie institutionnelle » est né en 1952 sous la plume du psychiatre George Daumézon (1912-1979). Cette pratique remonte aux années de la Seconde Guerre mondiale, entre 1939 et 1945 où l'hôpital psychiatrique de Saint-Alban, en Lozère, était tenu par des « nonnes ». Il accueillit toutes sortes de clandestins, de maquisards et de résistants qui s'opposaient tant au régime nazi qu'au régime franquiste. Beaucoup de grands noms de la psychiatrie française y occupent le poste de médecin-chef, ce qui enrichit la psychiatrie d'un grand nombre d'expériences alternatives, surtout celle d'un « Secteur de psychiatrie » en France. Conçu par Lucien Bonnafé (1912-2003), psychiatre membre du Parti communiste, le secteur psychiatrique en France permet aux patients non seulement d'être soignés dans les hôpitaux psychiatriques qui relèvent de leur lieu de vie, mais également dans des dispensaires, des hôpitaux de jour et des appartements thérapeutiques. Renommé pour être un lieu de résistance, l'hôpital de Saint-Alban accueillit des antifranquistes, des intellectuels, des médecins et des hommes de lettres comme Paul Éluard, Tristan Tzara ou Frantz Fanon, des philosophes comme Georges Canguilhem et des psychiatres psychanalystes comme François Tosquelles (1912-1994) ou Jean Oury (1924-2014).
La résistance aux nazis, les bombardements subits par l'hôpital et le comportement quasi « normal » des patients amenèrent à une redéfinition permanente des rapports entre les patients, les soignants et la société. Un grand brassage d'idées s'ensuivit autour de l'humanisation des conditions d'hospitalisation des « aliénés » et, surtout, à leur potentiel thérapeutique les uns vis-à-vis des autres. La principale idée qui commençait à circuler, « Il faut soigner l'hôpital avant de soigner les gens », était en rapport avec les avancées de Sandor Ferenczi, principal élève de Freud : « Il faut s'occuper des résistances des analystes avant de s'occuper des résistances des patients en analyse. » Cette idée révolutionnaire entraîna la mise à l'index, dès la moitié des années 20, de Ferenczi et de son œuvre. Dans les années 50, Michaël Balint (1896-1970) et Donald Winnicott (1896-1971) surtout réhabilitèrent Ferenczi outre-Atlantique. En France, c'est surtout Lacan qui le fit. C'est pour cette raison que l'œuvre de Lacan accompagne les psychiatres de Saint-Alban, et la psychothérapie institutionnelle était dès le départ nourrie des avancées psychanalytiques lacaniennes. La psychiatrie anciennement asilaire devenait égalitaire et communautaire. Et c'est pour cette raison que l'hôpital de Saint-Alban ne laissa périr aucun patient, alors que pendant la guerre 40 000 malades mentaux, la moitié des patients en psychiatrie en France, moururent de faim et de froid.
Dès 1949, le rôle des infirmiers en psychiatrie prenait de plus en plus d'importance dans les soins aux patients. Ils n'étaient plus des auxiliaires aux médecins, mais des soignants à part entière. Avec eux l'hôpital se structura : groupes de parole conjoints avec les patients, activités artistiques comme le théâtre, la musique et la peinture, des ateliers thérapeutiques, impression de journaux internes comme Trait d'union, où chacun, infirmier, médecin, patient ou membre de l'administration, pouvait s'exprimer librement. Des thèmes furent mis à l'étude : « fantasme et institution, le transfert en institution, la place de l'argent, le rapport aux familles », etc. Ce journal était un « outil thérapeutique » capable de soigner autant l'hôpital que les patients. La psychiatrie institutionnelle devenait attentive à la complexité des différences entre les hommes et faisait de cette différence une des conditions de vie et de soins à l'hôpital. Le concept d'Autre, élaboré par la suite par Lacan, prenait déjà toute sa consistance. Les salons où se retrouvaient les patients en témoignaient. Pour dépasser certains effets nuisibles de la hiérarchie et de la communication verticale, Félix Guattari (1930-1992), philosophe et psychanalyste qui fonda avec Jean Oury la Clinique de Laborde et qui publia en 1972 L'Anti-Œdipe avec le philosophe Gilles Deleuze (1925-1995), développa la notion de « Transversalité ». Cette notion fut très utile pour la réorganisation des rapports entre patients, infirmiers, psychiatres et administrateurs qui étaient bâtis sur la langue de bois de la hiérarchie.

Parce que la France était le berceau du lacanisme, d'une psychiatrie relationnelle et de la psychothérapie institutionnelle née pendant la Seconde Guerre mondiale, les expériences alternatives à la psychiatrie furent nombreuses. Mai 68 donna un second souffle à toutes ces expériences.Le terme de « psychothérapie institutionnelle » est né en 1952 sous la plume du psychiatre George...

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