Rechercher
Rechercher

Économie - Finance

Le « de-risking » des banques étrangères, une menace difficile à évaluer au Liban

Alors que de nombreux banquiers de la région alertent sur la diminution de leurs relations avec leurs correspondants à l'étranger, au Liban, les discours se veulent rassurants.

Selon une étude récente, les banques correspondantes américaines sont les premières à mettre fin à leurs relations avec les banques arabes (à 40 %). Ben Stansall/AFP

Maillon essentiel de la chaîne des transferts de fonds internationaux en devises, les relations entre les banques arabes et leurs correspondantes dans les pays émetteurs de la devise concernée sont au centre de toutes les attentions. Du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, au secrétaire général de l'Union des banques arabes, Wissam Fattouh, en passant par le président de l'Association des banques du Liban, Joseph Torbey ; nombreux sont les responsables financiers libanais qui ont abordé cette question à l'occasion des réunions annuelles de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI) la semaine dernière à Washington.

Lors d'une conférence tenue en marge de ces réunions le 5 octobre, Wissam Fattouh s'était par exemple inquiété des conséquences d'une hausse de l'aversion excessive au risque qui pousse les banques internationales à mettre fin à leurs relations avec des banques d'un pays ou d'une région donnés. Un phénomène appelé « de-risking » dans le jargon financier. « Le "de-risking" des banques correspondantes a évolué en une forme de discrimination financière », avait-il alors déclaré. « Ce phénomène peut s'avérer préoccupant, car il peut conduire au ralentissement des opérations bancaires internationales », ajoute-t-il à L'Orient Le Jour. Il a également rappelé que 55 % des autorités bancaires dans le monde ont vu leurs relations avec les banques correspondantes (CBRs en anglais) diminuer, selon une étude publiée par le FMI en juin 2016.

Logique de profits
Et une étude publiée en septembre par le FMI et la BM en collaboration avec le Fonds monétaire arabe montre que la région n'est pas épargnée. Selon l'étude, quelque 39 % des 216 banques – de 17 pays de la zone Mena – interrogées ont vu leur CBRs diminuer de manière significative entre 2012 et 2015. De plus, l'étude note une augmentation du nombre de comptes fermés par les banques correspondantes, alors que 63 % des banques arabes ont subi des fermetures de comptes en 2015, contre 33 % en 2012. Ces comptes ont été en majorité fermés par les banques américaines (à 40 %), suivies par celles du Royaume-Uni (29 %) et de l'Allemagne (16 %). Surtout, suite à l'arrêt de leurs CBRs, 21 % des banques arabes sont toujours incapables de trouver une solution de substitution.

Selon les banques arabes interrogées, les principaux facteurs qui auraient poussé leurs banques correspondantes à mettre fin à leurs relations sont en premier lieu la baisse du niveau de risque que la banque correspondante est prête à accepter (pour 41,7 % des banques sondées), les incidences des changements des exigences réglementaires que les banques correspondantes ont pour obligation de suivre (30,9 %) et le manque de rentabilité (29,8 %).

Étonnamment, les préoccupations concernant les contrôles des banques commerciales pour la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent n'arrivent qu'en huitième position (15,5 %). « Nous avons remarqué que la logique de profit semble être l'une des raisons derrière l'arrêt des CBRs et non pas seulement le risque de blanchiment d'argent, les banques correspondantes ne constatant pas de revenus élevés par rapport aux coûts engendrés par les exigences de "due diligence" », explique Wissam Fattouh à L'Orient-Le Jour. Il avait d'ailleurs demandé lors de son allocution à ce que « les autorités de réglementation financière des États-Unis et de l'Union européenne évaluent l'impact social, économique et financier sur les pays qui sont exposés à l'arrêt de leurs CBRs, par rapport au réel danger encouru par ces banques correspondantes », plaidant également pour « une initiative visant à établir des tribunaux financiers internationaux afin de limiter les interruptions arbitraires des relations des banques correspondantes ».

Spécificités nationales
Paradoxalement, s'il y a unanimité pour s'alarmer des risques du « de-risking », ni l'étude précitée ni les interlocuteurs interrogés n'ont vraiment été en mesure d'approfondir sur l'ampleur du phénomène au Liban et ses spécificités nationales. Plusieurs banquiers interrogés ont ainsi décliné tout commentaire, même sous couvert d'anonymat. Dans un entretien publié lundi sur le site Arab Economic News, Riad Salamé a de son côté pu affirmer qu'« il n'y a aucune crainte de "de-risking" de la part des banques correspondantes au Liban (...). Le Liban n'a aucune lacune législative susceptible d'alimenter les craintes ».

« Le Liban n'a aucun problème avec ses banques correspondantes, étant donné que nous avons mis en place les législations nécessaires de lutte contre le blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. Nous respectons les résolutions de l'Onu concernant les sanctions internationales, nous sommes également membres d'Egmond Group, un réseau international d'intelligence financière de coopération dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, et du Groupe d'action financière (Gafi) », renchérit une source financière haut placée. Pourtant, selon une autre source bancaire, « ce n'est pas une question de législation. Au Liban, beaucoup de banques correspondantes ont fermé leurs comptes dans des banques libanaises très sérieuses. Ces fermetures sont liées à un problème de "de-risking" couplé à un problème de rentabilité, car en sus des sanctions contre le Hezbollah, nous avons des liens avec deux pays qui font l'objet de sanctions américaines, la Syrie et l'Iran. Ce phénomène de rupture des CBRs touche en premier lieu les petites banques, si celles-ci n'engendrent pas un revenu qui justifie ces risques ainsi que les coûts engendrés par les pratiques d'investigation sur les clients de leurs clients ».

 

 

Lire aussi
Vingt-six banques libanaises dans le top 150 des banques arabes

S&P relève la perspective de trois banques libanaises

La BDL forme les banques libanaises à la gouvernance

Maillon essentiel de la chaîne des transferts de fonds internationaux en devises, les relations entre les banques arabes et leurs correspondantes dans les pays émetteurs de la devise concernée sont au centre de toutes les attentions. Du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, au secrétaire général de l'Union des banques arabes, Wissam Fattouh, en passant par le président de...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut