Il ne paraît pas possible de faire de projection pour les semaines à venir au Liban, même si la fréquence des plaidoyers du Hezbollah en faveur d'une entente interne et les échos d'une nouvelle mobilisation diplomatique franco-russe au Liban entretiennent l'expectative d'un déblocage prochain.
La seule projection plausible porterait, à en croire une source parlementaire du 14 Mars, sur la quête d'un candidat consensuel à la présidentielle (certains noms seraient discrètement envisagés). Mais il serait exagéré d'évoquer des efforts diplomatiques concertés dans ce sens. Surtout que l'équation d'un accord éventuel continue de souffrir d'au moins deux inconnues : la stratégie du courant du Futur par rapport au Hezbollah, d'une part, et la disposition du parti chiite pour un compromis interne, de l'autre.
Rappelons d'abord que le leader du courant du Futur, Saad Hariri, oscillerait toujours entre trois options. Celle d'abord de maintenir la candidature du député de Sleiman Frangié, c'est-à-dire se résigner au statu quo de l'usure. L'autre option – de moins en moins probable semble-t-il – serait d'appuyer la candidature du chef du bloc du Changement et de la Réforme, le général Michel Aoun : au pire, ce dernier serait élu dans le cadre d'une solution d'ensemble, au mieux le courant du Futur aurait testé définitivement les intentions réelles du Hezbollah à l'égard de son allié chrétien. Ce choix reste visiblement aventureux, et risque surtout de coûter cher à Saad Hariri : des membres du courant du Futur hostiles à l'option Aoun auraient d'ailleurs déjà fait part officiellement à M. Hariri de leur intention de démissionner du parti s'il venait à adhérer à cette option, selon une source de cette formation, laquelle plaide pour le troisième choix qui s'offre à son leader, à savoir la confrontation politique ouverte avec le Hezbollah.
Cette confrontation qu'enclencherait un retrait du dialogue bilatéral aurait pour objectif de contrecarrer l'influence iranienne au Liban, et surtout d'inverser progressivement le processus de containment, ou « la politique de compromission », qui dure depuis la formation du gouvernement actuel, selon une source du 14 Mars. Une politique avec laquelle a désormais rompu l'Arabie, dont l'attitude actuelle à l'égard Liban serait celle de l'indifférence. Accusée hier encore par le Hezbollah de bloquer une solution au Liban, sans que cela ne suscite de réaction vive et palpable de la part du camp adverse, l'Arabie serait confortée dans sa conviction que le Liban est désormais « sous influence iranienne ».
Ceux qui, au sein du courant du Futur, appuient l'option de la confrontation, arguent de la nécessité de « mettre à nu le chantage du Hezbollah qui consiste à imposer ses diktats politiques en maintenant sur nos têtes la menace d'une implosion sécuritaire », selon une source du Futur, qui argue aussi de la perspective des prochaines législatives. Mais afin de mesurer la portée de cette option, encore faut-il avoir cerné la grande inconnue des projets internes du Hezbollah : est-il enclin à avaliser un compromis indépendamment du conflit syrien, et dans quelle mesure pourrait-il recourir à la force pour imposer ses conditions ?
Les avis sont divisés sur la question au sein du 14 Mars : ceux qui plaident pour une confrontation politique ne s'autorisent pas à donner le bénéfice du doute au Hezbollah. Selon cet avis, la politique de la main tendue du courant du Futur et l'appui de deux candidats du 8 Mars par des composantes du 14 Mars constituent un cadre privilégié pour le Hezbollah. Son refus de se rendre à la séance électorale aurait pour seule explication que « Téhéran n'est pas encore prêt à jouer la carte du Liban ». Un avis plus souple invoque la difficulté grandissante pour le Hezbollah de gérer la situation de vacance au Liban, laquelle risque à tout moment de dégénérer.
Le parti chiite n'aurait nul intérêt à s'aventurer dans un conflit parallèle au conflit syrien, dans un Liban qui accueille près de deux millions de déplacés syriens, et plusieurs centaines de milliers de réfugiés palestiniens. Cet équilibre précaire de la terreur sur le terrain pourrait essouffler le Hezbollah et convaincre Téhéran de débloquer éventuellement la situation au Liban.
Un signe concret de cet essoufflement serait la désolidarisation effective du Hezbollah avec l'escalade annoncée par le Courant patriotique libre, comme le rapportent des sources concordantes. Une désolidarisation qui devrait permettre un nouveau report du départ à la retraite du commandant en chef de l'armée, indépendamment de la tenue d'un Conseil des ministres le 29 septembre courant. Le Premier ministre, rentré de New York, reprend dès aujourd'hui les contacts à cette fin.
Au rythme de crises vite contenues, la marche de l'exécutif est maintenue par une volonté du Hezbollah de préserver le statu quo, cautionné par le courant du Futur. Les appels verbaux du parti chiite à une entente interne ne s'accompagnent d'aucun signal positif de Téhéran pour un déblocage. Alors que le cheminement se fait timidement vers un « candidat d'unanimité nationale » à la présidentielle, des médias proches du Hezbollah ont mené hier une campagne ouverte, par le biais d'un quotidien local gravitant dans l'orbite du parti, contre l'un des candidats de compromis potentiels, le commandant en chef de l'armée, le général Jean Kahwagi.
Du reste, l'on retiendra une phrase, orpheline, que le chef du bloc du Hezbollah avait glissée dans l'un de ses discours il y a une semaine : « Le véritable nœud du conflit (autour de la présidentielle) porte sur l'enjeu de maintenir ou non les armes de la résistance »...
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commentaires (8)
Je suis un farouche partisan d'une candidature consensuelle. Le Liban n'est pas un pays comme les autres. Les défis, les bravades et les provocations n'ont pas de place dans notre pays. Or, osons le dire, les deux candidats actuels ne sont pas consensuels. Allons pour un candidat indépendant, libre, intègre, honnête loin de toutes les combines politiiennes et financières.
Un Libanais
08 h 14, le 25 septembre 2016