Dans son avant-projet de loi de finances pour l'exercice 2017, déposé le 26 août dernier à la présidence du Conseil des ministres, le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, propose l'adoption d'une vingtaine de mesures fiscales. Selon le document que L'Orient-Le Jour a pu consulter, leur introduction a pour objectif revendiqué de permettre le financement de la nouvelle grille des salaires des agents du secteur public – qui n'a toujours pas été consentie depuis quatre ans – tout en limitant la dégradation des finances publiques.
Taxer les plus-values immobilières
Parmi les 27 mesures proposées, la majorité l'a déjà été dans des avant-projets déposés par M. Khalil, mais non entérinés par le gouvernement. La principale innovation – et la plus rentable – est le relèvement d'un point du taux de TVA – à 11 % – qui, selon le ministère des Finances, devrait permettre de rapporter à elle seule 171 millions de dollars supplémentaires en 2017. Autres mesures à forte portée symbolique – même si elle a déjà été proposée les deux années précédentes – l'introduction au Liban d'un impôt – à hauteur de 15 % – sur les plus-values immobilières réalisées par les particuliers. Outre le relèvement de plusieurs droits de timbre, les principales mesures envisagées portent notamment sur la hausse de deux points de la taxe sur les intérêts bancaires (à 7 %) et de l'impôt sur les bénéfices des sociétés de capitaux (à 17 %) ; l'introduction d'une taxe de 2 % sur les transactions immobilières ; l'introduction d'une taxe forfaitaire (5 000 livres) sur les sorties terrestres ou aériennes de voyageurs ; ou encore l'adoption d'amendes sur l'occupation illégale de biens-fonds publics maritimes, dont le montant a été par ailleurs revu à la hausse par rapport aux projets précédents.
Tablant sur une croissance du PIB à 2,6 % en 2017 – contre une prévision à 2,3 % par la Banque mondiale – et une inflation de 1,88 %, le ministère estime que l'ensemble de ces mesures devrait permettre de générer 2 436 milliards de livres (1,61 milliard de dollars) de recettes fiscales supplémentaires par rapport à ce qu'il avait prévu pour 2016. Le coût induit par le relèvement de la grille des salaires est, lui, estimé à 1 200 milliards de livres (796 millions dollars) sur l'exercice 2017.
(Pour mémoire : Budget : Khalil mise sur « une manœuvre constitutionnelle »)
Déficit toujours galopant
Si le montant de ces nouvelles recettes est donc supérieur au coût de la grille, l'adoption des mesures préconisées par M. Khalil n'enrayerait pas pour autant une nouvelle dégradation des finances publiques. Le ministère des Finances prévoit ainsi que l'ensemble des revenus de l'État s'élèveront à 16 858 milliards de livres (11,18 milliards de dollars), en hausse de 16,7 % par rapport à ceux collectés en 2015. Augmentant de 26 % par rapport à 2015, les recettes fiscales représenteraient 77 % de ces revenus (contre 72 % en 2015), tandis que les recettes non fiscales connaîtraient une légère hausse (+ 4,5 % par rapport à 2015).
De leur côté, les dépenses totales devraient continuer de croître plus rapidement que les recettes, atteignant ainsi 24 702 milliards de livres (16,38 milliards de dollars), soit une augmentation de 21,8 % par rapport 2015. Cela porterait le déficit public à 5,2 milliards de dollars, en hausse de 31,6 % par rapport à 2015. Importante en valeur absolue, cette dégradation le serait tout autant en termes relatifs : selon le ministère, le déficit représenterait ainsi 9,54 % du PIB espéré – contre 7,8 % l'an dernier – et 31,8 % des dépenses totales (contre 29,2 % en 2015).
S'il ne s'agit donc pas d'un budget de rigueur, le texte ne traduit pas non plus une volonté politique de soutenir l'économie par des investissements publics. Certes, les 1,42 milliard de dollars budgétés pour les dépenses d'investissement traduisent une hausse par rapport aux projets antérieurs. Mais la gabegie à l'œuvre depuis des décennies dans la gestion publique pèse lourd : « Trois types de dépenses courantes essentielles ne permettent aucunement de par leur nature d'envisager leur diminution », concède ainsi M. Khalil dans la présentation du texte. Les dépenses de personnels (traitements, pensions de retraite et indemnités de fin de service), le service de la dette et les transferts destinés à combler le déficit chronique d'EDL continueront à gonfler la facture de dépenses courantes qui devraient peser 91,3 % du total des dépenses publiques.
(Pour mémoire : Khalil appelle à redresser les finances publiques et à voter le budget)
Hypothèses optimistes
Une situation d'autant plus préoccupante que cet avant-projet repose sur des hypothèses conjoncturelles plutôt optimistes, et que la volonté politique pour adopter l'ensemble des mesures fiscales préconisées ne semble pas être de mise dans l'immédiat. L'essentiel de ces mesures a déjà fait l'objet de contestations nourries de la part des milieux patronaux ou financiers, notamment lors des débats autour du financement grille des salaires. En outre, la perspective d'une hausse de la TVA peut paraître problématique à l'heure où la consommation des ménages constitue l'un des principaux soutiens à l'activité économique.
Surtout, en dépit des déclarations des responsables politiques de tout bord, rien ne permet d'espérer que les blocages politiciens qui ont empêché le vote d'un budget depuis 2005 puissent cette fois être contournés, au niveau du gouvernement puis du Parlement. Car cette dernière hypothèse suppose au préalable l'élection d'un président de la République et le vote du bilan des exercices précédents (le dernier voté est celui de 2003).
En cas de blocage parlementaire, M. Khalil a suggéré de promulguer le budget par décret, conformément à l'article 86 de la Constitution. Une proposition accueillie favorablement par certains responsables, comme l'a par exemple indiqué le ministre (démissionnaire) de l'Économie, Alain Hakim. Cependant, plusieurs constitutionnalistes ont déjà contesté l'exercice de cette modalité en cas de vacance présidentielle. La poursuite de cette anomalie pour une onzième année consécutive semble donc être le scénario le plus probable, avec des conséquences notables pour les finances publiques et la vie démocratique.
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BRAVO ! Pour cette dernière trouvaille formidable: plumer le petit, le plus vulnérable, celui qui ne sait déjà pas comment manger tous les jours !!! Et que l'on peut coincer si facilement...n'est-ce pas, en augmentant cette taxe TVA ?! Alors que les "grands" de cette magnifique République connaissent et appliquent toutes les combines pour ne pas payer leurs impôts, taxes et autres obligations envers leur Etat ! Les autres Nations avancent...le Liban descend en direction de l'enfer... MERCI, NOS IRRESPONSABLES ! Irène Saïd
18 h 24, le 24 septembre 2016