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Culture - Jeune talent

Inspiré par le brouhaha et embarrassé par le silence

C'est pour la rue et dans la rue que Vincent Bassil, artiste citadin, crée. Avec l'art comme leitmotiv, la peinture comme credo.

L’atelier de Vincent Bassil est un désordre organisé, structuré, réfléchi, conçu de ses mains.

C'est dans le vacarme de Mar Mikhaël, entre deux ruelles, sous un soleil flambant, que Vincent Bassil se présente, un brin tendu à l'idée, peut-être, de se soumettre à l'exercice, nouveau, de l'entrevue journalistique.
Le jeune artiste n'est pas de ceux qui parlent beaucoup. Mais dès l'instant où la peinture s'invite dans la discussion, la passion l'envahit et c'est un personnage fougueux qui se dévoile. Souligné par les rails d'un appareil dentaire, son sourire désarmant d'adolescent s'éclaire. Ses yeux pétillent et quelques perles de sueur se distillent sur son front avant de mourir sur l'arcade de ses sourcils.

Le lieu qu'il habite et qui l'habite est chargé d'âme et de couleurs vives, de formes géométriques parfois déconstruites, d'écritures calligraphiques aux courbures arabes, de toiles abouties, d'autres inachevées, toutes abstraites. C'est un désordre organisé, structuré, réfléchi, conçu de ses mains. Chaque jour, et depuis neuf ans, ce décor est différent, confie l'artiste qui avoue être « en guerre perpétuelle » avec lui-même. Aussi ne se résout-il pas facilement à terminer une œuvre. Sempiternelle, celle-ci ne cesse jamais d'évoluer, toujours incomplète, jamais achevée. « Chaque jour, je transforme, j'ajoute, je déchire, je reconstruis et je défais encore et encore... »

Indécision ou perfectionnisme, oscillation ou minutie... Qu'importe, pourvu qu'en naisse de l'émotion. Sa dilection pour la peinture qu'il qualifie d'« industrielle » est réplique à une mélancolie, un vide, un manque à combler. Vincent Bassil raconte avec dérision ses errances sur le chemin du conventionnalisme : « J'ai tenté la médecine. J'ai été "normal" pendant un an. Et puis... » Et puis, il a eu besoin de dire. Cette volonté de s'exprimer a guidé ses ambitions vers d'autres horizons. Aujourd'hui, en septième année d'architecture à l'Académie libanaise des beaux-arts (Alba), le jeune artiste a su harmoniser études et passion, les a apprivoisées pour mieux les combiner. « L'architecture m'a enseigné comment voir, comment voir bien, comment voir grand. Ce fut la structure et la base nécessaires à ma perception des détails. »

La vie hors les murs
Vincent Bassil est l'un des rares étudiants de l'Alba à autofinancer leurs frais d'inscription, et ce grâce à son art. Une exposition fructueuse en juin à Saïfi, des œuvres vendues outre-mer à des expatriés libanais... L'artiste s'est déjà forgé une réputation, tant dans son pays natal qu'à l'étranger. Toujours en quête, il souhaite démocratiser son art et le rendre accessible à une clientèle moins privilégiée. Pour cela, il customise des vêtements, traduisant son désir urgent « d'apporter l'art dans la rue ».

C'est alors pour la rue et dans la rue que Vincent Bassil crée. Il est de ces artistes citadins, inspirés par le brouhaha et embarrassés par le silence ; de ceux que le chahut conforte et que le vide dérange. Son atelier – ou sa chambre ou son salon, on ne sait pas trop – est mal isolé. La fenêtre est cassée, mais il s'en moque, elle reste ainsi, brèche ouverte sur la vie hors des murs, laissant pénétrer le zèle agité des ferveurs nocturnes de Mar Mikhaël. « J'adore le chaos, le bruit, les poubelles ; Beyrouth m'inspire ! »

A contrario, il déteste tout ce qui bouge, « les voitures, les enfants, les oiseaux... Je hais les oiseaux ! Deux jours à la montagne et puis khalas ! Les oiseaux sont de mauvais goût. »
Pour Vincent Bassil, l'art est une lutte, « mais avec moi-même d'abord ». Il parle de Zaha Hadid : « Une force de caractère, un modèle de liberté, d'émancipation. Une femme de talent qui a affronté le monde pour sa passion. » L'artiste citadin veut dégager une audace semblable, qu'il adosse à un mode de vie très sain. Sirotant un jus sans sucre, il confie être végétarien et prier chaque matin, trouvant une quiétude et un bonheur stable dans ses choix et ses croyances. « Je n'ai jamais été si heureux. Et demain, je le serai encore plus. »

L'art comme leitmotiv, la peinture comme credo, Vincent Bassil se dessine comme un inconditionnel amoureux de Beyrouth. « A day of art is a day closer to my heart. »

C'est dans le vacarme de Mar Mikhaël, entre deux ruelles, sous un soleil flambant, que Vincent Bassil se présente, un brin tendu à l'idée, peut-être, de se soumettre à l'exercice, nouveau, de l'entrevue journalistique.Le jeune artiste n'est pas de ceux qui parlent beaucoup. Mais dès l'instant où la peinture s'invite dans la discussion, la passion l'envahit et c'est un...

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