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Liban - Privatisations

« Le projet de centre balnéaire ne verra pas le jour » à Kfarabida

Les habitants de la localité côtière de Batroun comptent bien maintenir la pression pour empêcher la destruction du site maritime.

L’un des plus beaux sites côtiers du Liban est menacé de destruction. Photo Anthony Hayek

À Kfarabida, dans le caza de Batroun, le tableau qui s'offre à l'œil est encore d'un grand naturel. La mer est d'un bleu transparent, le ciel couleur azur. La côte de Batroun, plutôt rocheuse, s'apparente à l'ensemble. Seules quelques algues ici et là, des bouteilles de bière entre les mains des jeunes confèrent une note verdâtre au paysage. Ce tableau qui s'apparente à une œuvre d'art est aujourd'hui menacé.
Un projet privé, de grande envergure, composé de deux parties, est envisagé pour la crique de Kfarabida. Une partie terrestre englobant des dizaines de villas et de chalets, un tunnel reliant le projet à une bande côtière rocheuse de 3 000 mètres, et une partie maritime comprenant des piscines naturelles, une plage de sable, un brise-lames pour protéger la plage d'une longueur de 100 mètres et une jetée de 120 mètres où pourront venir accoster les bateaux.

Les habitants du village, qui préfèrent le tableau naturel qui leur est tant familier, ont organisé un sit-in sur la crique même pour protester contre le projet qui va détruire une des plus belles plages du Liban. Contrairement au sit-in que connaît le pays actuellement, une énergie positive se dégage du rassemblement auquel se sont joints de nombreux habitués des lieux, venus de Beyrouth.
Les protestataires arborent un grand sourire et sont tous en maillot. Des barques et des bateaux s'approchent du rivage. Exceptionnellement, leurs propriétaires sont munis de pancartes où l'on peut lire, même de loin, « L'accès à la mer est un droit public » ou encore « La construction maritime est une pollution durable ». La musique dansante s'harmonise avec le va-et-vient des vagues qui se brisent sur les rochers, et berce les protestataires qui comptent passer la nuit sur la côte.

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Sauvons Kfarabida...
Anthony Badaoui, jeune habitant de Kfarabida, raconte avoir créé sur Facebook la page « Sauvons Kfarabida », un soir avant de dormir. Il se réveille le lendemain pour découvrir à sa grande surprise, depuis son smartphone, que la page a été partagée par plus de 350 personnes. Le samedi 10 septembre, vers 16h, l'effet boule de neige est déjà assez gros pour atteindre la mer. Les protestataires sont venus de toutes parts : de Beyrouth, Jbeil, Batroun et Tripoli, entre autres, dans l'espoir justement que leur voix soit entendue pour sauver Kfarabida.
« Nous sommes aujourd'hui là, à cet endroit, pour montrer à tout le monde que ce lieu appartient à cette ambiance précise, estivale, ouverte au grand public, et hétérogène. Elle appartient à nous, habitants de Kfarabida, mais également aux amoureux de cette étendue bleue », a lancé M. Badaoui, avant d'ajouter : « Ce sit-in sera suivi d'autres formes de mobilisation pour assurer que le projet envisagé pour la région ne verra pas le jour. »

Un peu plus loin, une table en plastique et deux chaises sont placées sur la terrasse centrale. Les protestataires approchent, se penchent sur la table, et tour à tour signent la pétition contre le projet. Les noms et les prénoms noircissent le papier pour atteindre, rien que jusqu'à 18h, plus de 400 signatures. Nathalie Abi Salloum, assise sur l'une des deux chaises, est en charge des papiers. Pour la dame blonde au bonnet de marin, l'affaire est bien trop simple. « Il s'agit de préserver la côte, de la transmettre à nos enfants et petits-enfants. Ils en sont les héritiers et disposent donc pleinement de ce droit », dit-elle.


(Pour mémoire : Qu'il fait bon de profiter des espaces publics à Beyrouth...)

 

Clara el-Khoury, activiste et membre du noyau de l'opposition au projet, est du même avis. « Nous avons le droit de dire non à la privatisation des biens maritimes publics », soutient la jeune femme. Selon elle, le projet avait fait l'objet d'une opposition en 2007 et avait été arrêté. « Sauf que, le 25 août dernier, le décret ministériel autorisant la construction d'un centre balnéaire l'a remis sur le tapis et a fait ressurgir en même temps l'opposition », martèle Clara el-Khoury, qui n'a pas manqué de souligner que « les projets d'une grandeur pareille sont souvent concoctés en catimini, loin des regards – pourtant bienveillants – des habitants et des personnes concernées ».
L'activiste et son groupe de jeunes comptent créer un comité des habitants de Kfarabida, chargé de suivre la cause de près, et de recourir en cas de besoin à l'escalade, à toute forme de mobilisation civile et à la justice. « Une seule chose est sûre et certaine, la mer est la nôtre, elle détient dans ses profondeurs les souvenirs de notre enfance. Tout ce qu'on a appris en tant qu'enfants, nous l'avons appris ici. Tant que nous sommes vivants, nous autres, la crique sera là telle que nous l'avons connue », insiste la jeune femme.

La vraie menace réside dans les profondeurs...
Pour sa part, Bachir Abi Salloum, docteur en sciences agricoles et spécialiste de la gestion des régions côtières, n'est pas entièrement contre le projet. « Je ne suis pas contre la partie terrestre, mais contre la partie maritime qui menace l'environnement marin et la biodiversité marine », explique-t-il.
« Les roches de la côte de Batroun sont rares au Moyen-Orient et sur la mer Méditerranée. Leur destruction, ainsi que celle des terrasses naturelles, est d'une dangerosité qu'il ne faudrait surtout pas sous-estimer », souligne l'expert. Et d'ajouter : « Le projet ne touchera pas seulement à la côte de Kfarabida, mais à celles des régions proches également. Une construction maritime causerait une déviation de la trajectoire maritime et provoquerait par la suite la disparition des tortues marines et d'autres créatures. »

 

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À Kfarabida, dans le caza de Batroun, le tableau qui s'offre à l'œil est encore d'un grand naturel. La mer est d'un bleu transparent, le ciel couleur azur. La côte de Batroun, plutôt rocheuse, s'apparente à l'ensemble. Seules quelques algues ici et là, des bouteilles de bière entre les mains des jeunes confèrent une note verdâtre au paysage. Ce tableau qui s'apparente à une œuvre...

commentaires (2)

Bon ben tant pis on continuera à aller à St Malo ou à Biarritz...

FRIK-A-FRAK

18 h 36, le 13 septembre 2016

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Commentaires (2)

  • Bon ben tant pis on continuera à aller à St Malo ou à Biarritz...

    FRIK-A-FRAK

    18 h 36, le 13 septembre 2016

  • Ayant assisté à la confiscation illégale du rivage à partir de Nahr-el-Kalb jusqu'à Maameltein par les chabbihas et autres voleurs du domaine public, Je signe par la voie des airs et sans aucune hésitation la pétition de Clara el-Khoury et ses amis.

    Un Libanais

    11 h 40, le 12 septembre 2016

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