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Moyen Orient et Monde - Entretien express

« Je m’attends à ce que les tensions baissent entre l’Arabie saoudite et l’Iran »

Le cheikh Mohammad Nokkari, juge chérié et universitaire libanais, s'exprime sur les vives tensions entre le royaume wahhabite et la République islamique.

Photo d’archives montrant des corps de pèlerins, morts lors d’une bousculade qui a fait plus de 700 morts le 24 septembre 2015. Photo AFP

À quelques jours du début du hajj, les échanges virulents se poursuivent entre l'Arabie saoudite et l'Iran. Cette année, les Iraniens ne pourront pas se rendre dans le royaume, après l'échec en avril et en mai des discussions entamées à deux reprises entre les deux puissances pour tenter de s'entendre sur le pèlerinage des fidèles iraniens à La Mecque.

Les deux parties s'accusent mutuellement d'avoir posé des conditions « inacceptables » concernant la participation des Iraniens au hajj. D'une part, l'Arabie saoudite accuse l'Iran de vouloir semer le chaos en demandant, entre autres, le droit d'organiser des manifestations (organisées annuellement dans leur lieu de résidence à La Mecque).

D'autre part, Téhéran reproche à Riyad de ne pas avoir prévu d'arrangements satisfaisants pour assurer la sécurité des fidèles iraniens. Pour rappel, une gigantesque bousculade a fait l'année dernière quelque 2 300 morts, dont 464 Iraniens, menant à de nombreuses polémiques sur l'organisation du hajj. Depuis, les relations entre les deux pays sont plus que tendues, exacerbées par le contexte régional.

Le mufti d'Arabie saoudite, le cheikh Abdel Aziz ben al-Cheikh, a estimé hier que les Iraniens ne sont « pas des musulmans ». Qu'en pensez-vous ?
J'estime qu'il est extrêmement regrettable que ce genre de polémique ait lieu entre les deux puissances, et que la religion en soit le sujet. D'un côté, le fait que l'Iran critique, depuis longtemps déjà, la gestion saoudienne des lieux saints de l'islam est une atteinte directe à la souveraineté de ce pays, indépendant et reconnu par la communauté internationale. Aucun État n'a le droit de revendiquer la gestion de lieux saints situés dans d'autres pays, non seulement en Arabie saoudite, mais également en Irak, en Iran, au Liban...

D'un autre côté, je suis tout à fait contre la déclaration saoudienne selon laquelle les Iraniens ne sont pas des musulmans. Depuis plus de 1 400 ans, les chiites sont considérés comme faisant partie intégrante des nombreuses familles de l'islam. Il est nécessaire aujourd'hui de contribuer à l'apaisement des tensions existant entre deux tendances il est vrai divergentes, mais dont le conflit ne sert les intérêts de personne.

 

(Lire aussi : Après le drame de 2015, un hajj sous haute surveillance)

 

Les déclarations du mufti sont particulièrement virulentes. Doit-on se demander si elles ont l'aval ou pas de la famille régnante ?
Le système saoudien est principalement fondé sur deux autorités, civile et religieuse. La première relève de l'autorité des Saoud, la seconde de celle des descendants de Mohammad ben Abdel Wahab, soit des clercs. Je pense donc qu'il s'agit dans ce cas d'une sorte d'approbation morale, implicite, plus qu'autre chose. Les commentaires du prince héritier Mohammad ben Nayef hier étaient adressés à une entité politique qui a certaines ambitions religieuses (en référence à la gestion des lieux saints).

En outre, ces échanges interviennent quelques jours après la conférence de Grozny (au cours de laquelle quelque 200 dignitaires religieux du monde arabe, dont l'imam d'al-Azhar Ahmad el-Tayyeb, ont « exclu » les salafistes et wahhabites de l'islam sunnite, en une allusion claire à l'Arabie saoudite, qui a exprimé sa fureur dès le lendemain). Cette conférence a contribué à exacerber les tensions entre sunnites, salafistes et wahhabites.

Jusqu'où pourrait aller cette guerre des mots entre l'Arabie saoudite et l'Iran ?
Les choses sont allées très loin, mais je m'attends à ce que les tensions baissent entre Riyad et Téhéran, et qu'il y ait comme un rapprochement. C'est en tout cas ce que je souhaite. Il revient bien entendu à l'Iran de comprendre que la gestion saoudienne des lieux saints ne peut changer de mains. Mais il est nécessaire aussi que l'Arabie saoudite comprenne que le chiisme est une branche reconnue de l'islam.
En tout cas, les deux pays se doivent aujourd'hui d'essayer de trouver une solution pour les pèlerins iraniens, privés de hajj cette année.

 

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À quelques jours du début du hajj, les échanges virulents se poursuivent entre l'Arabie saoudite et l'Iran. Cette année, les Iraniens ne pourront pas se rendre dans le royaume, après l'échec en avril et en mai des discussions entamées à deux reprises entre les deux puissances pour tenter de s'entendre sur le pèlerinage des fidèles iraniens à La Mecque.
Les deux parties s'accusent...

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