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Liban - Sécurité

Nawraj, un projet ambitieux pour « sécuriser des zones tampons chrétiennes aux frontières »

Fouad Abou Nader.

L'association Nawraj, cofondée par Fouad Abou Nader, s'active depuis 2014 à consolider la présence des chrétiens aux frontières, aussi bien d'un point de vue socio-économique (amélioration des services locaux d'éducation et de santé, notamment), que sécuritaire, en coopération étroite avec l'armée.

Une présence que Fouad Abou Nader, ancien chef des Forces libanaises, définit à L'OLJ sous différents angles. Il existe géographiquement des agglomérats de villages chrétiens qui ont pris forme traditionnellement entre des villages sunnite, chiite, druze ou mixte. Ces « zones chrétiennes », fréquentes au niveau frontalier, seraient un point de convergence d'intérêts stratégiques. À l'heure où le conflit sunnito-chiite est à son paroxysme dans la région, provoquant de vives tensions au Liban, « les zones chrétiennes acquièrent une double finalité : celle de constituer un pont, un point de rapprochement entre contrées sunnites, d'une part, et chiites, de l'autre – le dénouement à Ras Baalbeck de l'épisode de rapts mutuels entre Ersal et Laboué illustre ce rôle ; l'autre finalité est de servir de zone tampon, c'est-à-dire d'espace neutre de séparation des deux camps en cas d'hostilités ».

Celle-ci serait la conséquence logique de la position hors conflit des chrétiens. « ll faut que les chrétiens comprennent une fois pour toutes qu'ils ne sont pas directement menacés par le conflit sunnito-chiite », insiste-t-il. Il n'empêche qu'en « cas de confrontation entre zone chiite et zone sunnite, il est inévitable que ce conflit se déroule sur un terrain chrétien ». « Notre enjeu est justement d'éviter un tel scénario, en misant sur deux atouts : les armes, dans une optique de coopération avec l'armée – jamais dans une optique milicienne, et le renforcement de nos relations politiques de confiance avec les différents partis politiques, précisément le Hezbollah, le courant du Futur et le Parti socialiste progressiste », explique Fouad Abou Nader. Il précise à cet égard que tous ont intérêt au renforcement des zones tampons, aptes à assimiler le conflit. Et surtout que « nul n'a le pouvoir d'étendre une zone d'influence, qu'elle soit sunnite ou chiite, sur un terrain chrétien ».
La stratégie de « maintien du statu quo, en coopération avec l'armée », prend forme concrètement, depuis 2014, dans la Békaa-Est, au niveau du triangle Qaa-Ras Baalbeck-Jdeidet Fekhé, que l'association Nawraj œuvre à sécuriser. Fouad Abou Nader en explique la démarche.

Il a fallu au préalable créer, pour les citoyens, « une autorité de référence », qui s'en remet entièrement à l'armée sur les questions sécuritaires, cette autorité étant, selon M. Abou Nader, la municipalité. Les trois municipalités susmentionnées « coopèrent directement avec les services de renseignements de l'armée, et notre rôle vise, subsidiairement, à renforcer la municipalité ».
L'association serait focalisée actuellement sur le fait de créer « un espace vital entre les trois villages, les interconnecter dans une sorte de sphère sécuritaire ».

Un processus à deux niveaux
Le niveau macro concerne la sécurité des frontières libanaises. Là, l'association ne peut qu'élaborer un plan en espérant que l'État y réponde. Ce qu'elle propose en l'occurrence est de « combler la zone poreuse qui s'étend de Wadi Khaled à la zone des Macharrii de Qaa » : le périmètre sécuritaire édifié par l'armée aux frontières, grâce notamment aux Mirador offerts par la Grande-Bretagne, souffre donc d'une faille. Au niveau de la Békaa, « cette faille est maintenue délibérément par l'État afin de permettre la libre circulation des troupes du Hezbollah ». Au niveau de Wadi Khaled, « les moyens manquent à l'armée de traquer les infiltrés, dont la circulation est par ailleurs facilitée par l'absence de séparation interfrontalière ». Il ne semble pas qu'il y ait de volonté politique de combler ces failles, encore moins de mener des perquisitions musclées dans les camps de déplacés, comme dans les Macharii. À l'instar du président du conseil municipal de Qaa, M. Abou Nader presse l'État à intervenir dans les Macharii, « la présence d'éléments armés étant confirmée ». Des éléments qui sont autant susceptibles d'être manipulés par les fondamentalistes que par le régime syrien, dont il n'exclut pas la responsabilité dans les attentats de Qaa. Alors que l'enquête semble avoir été mise en veilleuse, l'on ne peut s'attendre à un changement prochain de la stratégie sécuritaire de l'État.

C'est sur un microniveau que l'association travaille plus concrètement. Son plan pour Qaa-Fekhé-Ras Baalbeck est « de financer et de perfectionner la police locale et ses capacités d'aider l'armée ». Le projet en vue pour le triangle consiste à installer un système de vidéosurveillance à la périphérie et à l'intérieur de chaque village, qui soit relié à un poste central relevant de la municipalité concernée. Un système que devrait relayer un réseau de téléphonie fixe et de téléphonie sans fil, devant servir à la transmission des données entre les municipalités et avec l'armée : « Ce système d'alerte permet d'accélérer ou de faciliter les opérations de l'armée », dit-il. M. Abou Nader affirme que « le travail est en cours pour mettre en place ces deux installations, avec le financement de personnes privées ». Ce système devant s'accompagner d'une « réorganisation » des gardes municipales : recruter des bénévoles à temps partiel, ou à temps plein, pourrait optimiser le travail de la police municipale mobile. Il révèle à cet égard que l'autosécurité des habitants de Qaa qui s'est manifestée au lendemain des attentats « n'est pas viable », et elle se serait d'ailleurs essoufflée au bout de deux semaines.

La question se pose sur l'existence d'unités extramilitaires autoproclamées, gardiens de la sécurité de leurs villages. Il y va par exemple des Brigades de la résistance à Ras Baalbeck. Leur travail, confie M. Abou Nader, « n'entrave pas le nôtre ». « Leur fonction est d'assurer la garde », ajoute-t-il, en décrivant « leurs équipements de pointe, notamment des lunettes pour vision nocturne, qui n'ont rien à envier à l'armée ». Il dément pour l'instant que les Brigades de la résistance obéissent à un agenda politique « autre que celui d'élargir la base du Hezbollah et d'attribuer à son rôle une dimension pluriconfessionnelle ». Il reste qu'elles ont réussi à enrôler près de 70 jeunes chrétiens, au lendemain des combats de Ersal d'août 2013. Un enrôlement qui ne se serait pas fait par le biais de la municipalité, mais par « un porte-à-porte » pratiqué par des responsables du parti chiite auprès des habitants. Ceux qui ont répondu à ces sollicitations l'auraient fait « à défaut d'un cadre de référence », explique-t-il, pointant du doigt entre autres « l'absence de partis politiques dans cette région... jusqu'aux attentats de Qaa ». Le renforcement des municipalités serait devenu un outil aux mains de l'État, dont les bénéfices, notamment pour l'armée, promettent de s'accroître...

 

 

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commentaires (2)

QUE LES AVENTURIERS SE RETIRENT DE LA OU CA NE LES REGARDE PAS POUR SECURISER LES FRONTIERES DU PAYS...

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 32, le 12 août 2016

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Commentaires (2)

  • QUE LES AVENTURIERS SE RETIRENT DE LA OU CA NE LES REGARDE PAS POUR SECURISER LES FRONTIERES DU PAYS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 32, le 12 août 2016

  • « cette faille est maintenue délibérément par l'État afin de permettre la libre circulation des troupes du Hezbollah ». C'est là le problème essentiel.Pour faire plaisir à la milice iranienne on refuse de sécuriser la frontière, quitte à mettre en danger la vie des citoyens.

    Yves Prevost

    06 h 52, le 11 août 2016

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