Après le nouveau rendez-vous manqué des députés avec l'élection présidentielle lundi, le vent d'optimisme qui avait soufflé à la fin de juillet s'est totalement dissipé. Le Liban n'aura donc pas de président en août mais on parle désormais d'une élection avant la fin de l'année. Il ne s'agit pas vraiment d'une idée basée sur des données objectives, mais plutôt d'estimations vagues visant à maintenir les Libanais en haleine en leur donnant le sentiment que quelque chose peut se passer au cours du dernier trimestre de l'année 2016. Pourtant, les sources proches du 14 et du 8 Mars restent convaincues, sans le déclarer ouvertement, qu'il y a peu de chances d'un déblocage présidentiel avant la fin de l'année, pour plusieurs raisons.
La première est basée sur le fait que l'administration américaine entrera à partir du mois d'octobre dans une sorte de coma en politique étrangère en raison de l'élection présidentielle américaine au mois de novembre. Cette raison invoquée ne fait pas l'unanimité, beaucoup d'analystes estimant que la politique étrangère américaine ne devrait pas beaucoup changer, quelle que soit l'identité du nouvel occupant de la Maison-Blanche.
Ces analystes invoquent, pour appuyer leur thèse, le fait qu'en réalité le président Barack Obama avait été élu à son premier mandat en 2008 après l'adoption par les deux Chambres américaines du rapport Baker-Hamilton, sous la présidence de George W. Bush, et qu'il avait pour mission d'appliquer. Ce rapport avait préconisé une ouverture en direction de l'Iran et la conclusion d'un accord sur son dossier nucléaire. Or, selon ces mêmes analystes, la politique étrangère américaine est toujours placée sous le plafond de ce rapport et par conséquent, il ne faudrait pas s'attendre à des changements spectaculaires dans la position américaine à l'égard des crises régionales. Même si le nouveau locataire de la Maison-Blanche devrait avoir une marge de manœuvre, il y a fort à parier que la présidentielle libanaise ne devrait pas figurer en tête de liste de ses priorités.
(Pour mémoire : Présidentielle : le feu vert ne s'est pas allumé, le décryptage de Scarlett Haddad)
La seconde raison invoquée est le corollaire de la précédente et elle se résume ainsi : même si l'administration américaine, actuelle ou nouvelle, souhaite conclure un accord sur la présidence libanaise, elle ne trouve pas actuellement de partenaires valables pour conclure ce deal. En effet, traditionnellement, la présidence libanaise était le fruit d'un accord tacite entre les États-Unis, la Syrie et l'Arabie saoudite. Aujourd'hui, la Syrie de Bachar el-Assad est pratiquement hors jeu et les États-Unis ne sont pas intéressés à lui vendre la carte de la présidence libanaise. L'Arabie saoudite n'est pas non plus suffisamment puissante pour que l'administration souhaite conclure un accord avec elle sur ce dossier. Il reste l'Iran, qui, lui, ne se considère pas comme un partenaire direct dans une telle négociation, ayant préféré confier ce dossier à son allié le Hezbollah. Même si les grandes figures du 14 Mars continuent d'affirmer que le Hezbollah n'est que l'instrument de la politique iranienne au Liban, la réalité est différente et que ce soit au Liban ou en Syrie, ce parti a une influence sur la décision iranienne.
Cette affirmation ramène le dossier de la présidence libanaise à la case départ, où réside en réalité le véritable problème. Selon cette approche, la véritable raison dans le retard de l'élection présidentielle libanaise réside donc dans le rôle réel du Hezbollah au sein du pouvoir libanais. Cette formation qui se bat depuis près de quatre ans en Syrie et qui est devenue, après la guerre de 2006 et avec la guerre en Syrie, une force quasiment régionale n'a pas, au sein du pouvoir libanais, une influence correspondant à sa puissance réelle. Selon cette approche, il faut donc attendre que les contours de la fin de la guerre syrienne se précisent et le retour des combattants du Hezbollah au Liban pour pouvoir dessiner l'étape à venir au Liban. Si le Hezbollah revient de Syrie vaincu et affaibli, le 14 Mars, ou ce qu'il en reste, pourra imposer le président de son choix, à ses conditions. Par contre, si les combattants du Hezbollah reviennent de Syrie en vainqueurs, il y a de fortes possibilités que les conditions de l'élection présidentielle changent en leur faveur.
(Lire aussi : Du bruit pour presque rien...)
Les dispositions du deal proposées actuellement et qui consistent dans l'élection du général Michel Aoun moyennant le retour de Saad Hariri au Sérail pourraient être modifiées, sachant qu'aujourd'hui, ce n'est pas seulement la personnalité du Premier ministre qui pose problème, mais aussi les dispositions de la déclaration ministérielle (notamment le point relatif à la résistance), ainsi que la distribution des pouvoirs au sein du Conseil des ministres (le fameux règlement interne du Conseil des ministres qui n'a jamais été mis au point depuis l'accord de Taëf). Toutes ces inconnues restent donc tributaires des développements de la guerre en Syrie et du rôle du Hezbollah dans cette guerre.
Si les différentes parties libanaises avaient réellement à cœur le sort de leurs partisans, elles auraient cherché à conclure un accord sans plus attendre que se précisent les nouveaux rapports des forces régionales. Mais pour l'instant, elles continuent d'avoir un œil sur la Syrie, en cherchant à occuper l'intérieur libanais, en soufflant le chaud et le froid, sans fermer totalement aucune porte, mais sans en ouvrir non plus.
Dans ce contexte, les dernières « fuites » sur les débats au sujet de la présidentielle au sein du bloc parlementaire du Futur peuvent être interprétées de différentes façons. Mais elles permettent principalement à Saad Hariri de montrer à Michel Aoun qu'il a essayé de soulever un débat sur la question de son élection, mais que la grande majorité des députés de son bloc n'est pas favorable à son arrivée à Baabda. Il faudrait donc de plus grandes concessions pour tenter de les convaincre de changer d'attitude.
Lire aussi
L'élection d'un président, seul prélude à toute réforme politique, soulignent les Kataëb
Geagea : Le Hezbollah ne veut pas d'un président de la République
Pour mémoire
Plaidoyer du Hezbollah pour le dialogue... assorti d'une mise en garde
Les muftis : Élisez un président, le pays ne supporte plus le chaos
commentaires (11)
LA FETE S,EST TRES TRES BIEN EXPRIMEE !
LA LIBRE EXPRESSION
20 h 22, le 10 août 2016