Neutralité positive, relations revues et corrigées avec la Syrie, non-ingérence dans les affaires libanaises, soutien à l'initiative arabe de paix, modération, et nécessité d'élire un président « made in Lebanon » : tels sont les points phares abordés hier par le chef de l'État, Michel Sleiman, qui a ainsi dressé une sorte de bilan de son mandat qui expire le 25 mai.
Ses propos constituent également une feuille de route pour son successeur dont l'élection devrait être une « priorité », a estimé le président, préconisant la nécessité d'éviter le vide au niveau de la magistrature suprême.
S'exprimant devant le corps diplomatique libanais posté à l'étranger et plusieurs figures politiques dans le cadre de la conférence sur la « diplomatie efficace », M. Sleiman a repris point par point les principes qui ont guidé son action et inspiré ses décisions au cours des dernières années, confirmant ainsi sa place de centriste et d'arbitre qu'il a tant défendue dans le courant de son mandat.
Évoquant tout d'abord l'échéance présidentielle, M. Sleiman a insisté sur l'importance de respecter cette échéance et d'éviter à tout prix le vide à la présidence.
Le scrutin présidentiel
« Certains pays incitent les Libanais à respecter cette échéance dans le cadre des délais prévus, a déclaré le président Sleiman. Ils constatent toutefois que les Libanais eux-mêmes ne sont pas d'accord sur cette élection ou cherchent à provoquer un défaut de quorum, ce qui constitue un comportement non démocratique, voire même une tentative d'obstruction en totale contradiction avec la démocratie », a-t-il dit.
Estimant que l'ingérence des États tiers est à récuser surtout pour ce qui est du choix du candidat à la présidence, le chef de l'État a insisté sur la nécessité d'élire un président exclusivement choisi par les Libanais et pour les Libanais, « un président made in Lebanon », a-t-il dit.
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Il a par ailleurs martelé le principe sacro-saint de la neutralité du Liban par rapport aux questions conflictuelles et aux crises qui secouent la région, assurant qu'il ne s'agit pas là d'une « distanciation passive », mais tout simplement de la neutralité du Liban par rapport aux conflits régionaux, de manière à éviter de prendre position dans certaines circonstances qui pourraient mettre le pays dans une situation difficile.
« Par exemple, a précisé le président Sleiman, si deux réunions ont lieu, l'une regroupant les amis de la Syrie et l'autre l'opposition (syrienne), le Liban devrait se mettre à l'écart des deux manifestations. » « Il en est de même si une décision est prise en ce sens par le Conseil de sécurité ou par la Ligue arabe », a-t-il ajouté, précisant que dans le but d'atteindre cet objectif, « il faudrait encourager les parties à l'intérieur et à l'extérieur du Liban à observer cette neutralité ». « Il est du devoir de la communauté internationale d'œuvrer à la neutralité du Liban », a martelé M. Sleiman.
Le président a déclaré par ailleurs qu'il faut poursuivre l'idée de la révision des accords conclus avec la Syrie, soulignant que Taëf prévoit des relations privilégiées avec la Syrie « auxquelles nous restons certes attachés ». « Cependant, a ajouté le président Sleiman, j'insiste sur le fait que les relations privilégiées doivent être établies avec l'ensemble des Syriens et non seulement avec une partie du peuple. Il faudra également revoir les accords conclus (avec ce pays) avant l'échange d'ambassadeurs qui a engendré par la suite une opposition entre le rôle du représentant diplomatique et celui du secrétaire général du Conseil supérieur libano-syrien », a-t-il indiqué, préconisant par la même occasion de reconsidérer d'autres questions intéressant les deux pays.
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L'armée, seul détenteur des armes
Le chef de l'État a évoqué en outre les recommandations prises par la communauté internationale le 25 septembre dernier à New York, en soutien au Liban, mais aussi relatives à la question de la neutralité, a-t-il rappelé. « Parmi ces recommandations, a ajouté le président Sleiman, figure la question de la stabilité du Liban. » Saluant le don de trois milliards de dollars octroyé à l'armée libanaise par l'Arabie saoudite, il a précisé que même s'il revêt un caractère bilatéral, cet accord concrétise l'une des recommandations faites par la communauté internationale, à savoir « habiliter l'institution militaire à posséder suffisamment d'armes pour défendre le Liban de manière à ce que la troupe puisse avoir le monopole des armes dans le pays, sur base de la résolution 1701 qui prévoit le désarmement des groupuscules armés ». « Un principe qui doit absolument se concrétiser », a affirmé le chef de l'État.
Les réfugiés syriens
Le président Sleiman a tenu à évoquer dans son allocution « le poids que constitue l'afflux des réfugiés syriens au Liban », invitant le corps diplomatique à œuvrer à la sensibilisation de la communauté internationale à ce propos. « Nous avons respecté la charte des droits de l'homme, mais cette charte devrait en même temps préserver les droits des Libanais, a-t-il déclaré à ce sujet. Lorsque l'on sait que le nombre de réfugiés a atteint le tiers de la population libanaise, cela signifie que le Libanais n'a plus de place (dans son propre pays) : il ne peut plus se déplacer, trouver un logement, travailler ou trouver des places à ses enfants dans les écoles, ce qui est inacceptable. »
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Soutien à l'initiative arabe
Revenant sur le processus de paix israélo-palestinien, le président Sleiman a insisté sur la nécessité pour le Liban de pouvoir suivre les réunions du comité de suivi de l'initiative de paix (l'initiative du roi saoudien Abdallah ben Abdel Aziz), rappelant que le Liban avait demandé qu'il puisse participer de manière permanente aux travaux de ce comité de suivi.
« Lors du sommet arabe qui avait eu lieu à Doha au lendemain des événements de Gaza – sommet auquel je n'ai accepté de prendre part qu'après le changement du nom de ce sommet (qui avait été qualifié de sommet des pays de la Moumanaa à cause de l'absence d'une majorité d'États arabes représentant notamment l'axe opposé) –, le Liban était le seul à exprimer son attachement à l'initiative arabe, alors que les autres États avaient demandé sa suspension », a rappelé le président Sleiman.
Il a enfin souligné l'importance de la communauté libanaise résidant à l'étranger, préconisant une fois de plus à cet égard la nécessité de mettre à profit, sur le plan économique mais aussi au niveau de la participation à la vie politique du pays, ce qu'il a appelé la « richesse principale du Liban ».
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commentaires (5)
CORRECTION ! Merci : "On veut parler ici du Hakîm Samîr et de ce même Sääd HARIRI...."
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
13 h 49, le 03 mai 2014