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À La Une - Entretien

Ali Zgheib, ex-otage libanais en Syrie : "Notre rapt visait à faire pression sur toute une communauté"

Un des onze pèlerins enlevés par des rebelles syriens témoigne.

Ali Zgheib, un pèlerin chiite libanais, a passé 17 mois en captivité en Syrie. Trois jours après son retour au Liban, il reçoit ses proches et amis chez lui à Hay el-Sellom, dans la banlieue-sud de Beyrouth.

Trois jours après le retour de Ali Zgheib, sa maison, à Hay el-Sellom dans la banlieue-sud de Beyrouth, ne désemplit pas. Au cœur de cette modeste demeure, le salon est le théâtre d'un un va-et-vient incessant d'amis et de proches venus saluer, embrasser, enlacer celui qu'ils n'avaient pas vu depuis 17 mois, depuis son enlèvement, avec d'autres pèlerins chiites, dans le nord de la Syrie.

 

Entouré des membres de sa famille, le "moukhtar" accueille chaleureusement chaque visiteur. "Vous m’avez manqué, ça fait tellement longtemps qu'on ne s'est pas vus !", blague-t-il avec certains. Mais les retrouvailles sont plus difficiles avec d’autres. "Trois personnes que je connaissais très bien sont décédées pendant que j'étais otage", explique Ali Zgheib, les larmes aux yeux, après avoir serré et embrassé un jeune homme qui vient de perdre un parent. "Mais c’est la volonté de Dieu, je suis revenu sain et sauf", ajoute ce père de six enfants.

 

Le 22 mai 2012, Ali Zgheib et dix autres chiites libanais étaient enlevés, dans la région d'Alep, alors qu'ils revenaient d'un pèlerinage en Iran, par un groupe se faisant appeler les "Brigades de la tempête du Nord à Aazaz". Selon l'ex-otage, le convoi des pèlerins a été intercepté par des hommes armés à seulement "quelque 150 mètres" d'un barrage des forces de sécurité syriennes

 

"Nous avons paniqué, nous avons eu peur pour nos femmes quand notre convoi a été intercepté. Nous avons supplié les hommes armés de faire ce qu’ils voulaient avec nous mais de laisser nos femmes poursuivre leur route. Contre toute attente, cette demande a été exaucée", se souvient Ali Zgheib, qui explique ne pas avoir compris, sur le moment, pourquoi des pèlerins étaient la cible d'une telle attaque.

 

"Ils nous ont accusés d’être des membres du Hezbollah et des membres des Gardiens de la révolution islamique", précise-t-il, ajoutant qu’après avoir montré les passeports libanais aux ravisseurs, le comportement de ces derniers a changé. "Ils ont alors essayé de trouver des prétextes pour justifier notre enlèvement. Ils étaient clairement en colère contre l’implication du Hezbollah dans le conflit en Syrie", explique M. Zgheib, qui assure n'être rattaché à aucun parti politique, mais ne cache pas son admiration pour le parti chiite et son secrétaire général Hassan Nasrallah.

 

 

 

 

 

Le Hezbollah est ouvertement impliqué dans la guerre en Syrie et participe aux côtés de l’armée syrienne aux combats contre les rebelles dans certaines villes. Des sunnites libanais ont aussi traversé la frontière et pris les armes du côté des rebelles. Le conflit syrien exacerbe les tensions politiques et confessionnelles au Liban, où la majorité des chiites est favorables au régime, tandis que les sunnites soutiennent la cause de l'opposition.

 

"Notre rapt visait à faire pression sur toute une communauté (…) Je donnerais ma vie à ma communauté", insiste le "moukhtar". "C’est un complot dans lequel plusieurs pays sont impliqués, dont le Liban. L’objectif était d’humilier le Hezbollah : la preuve, ils voulaient que sayyed Hassan Nasrallah présente ses excuses au peuple syrien, ensuite ils ont demandé que la chaîne de télévision libanaise NBN (organe du mouvement Amal, ndlr) soit fermée", poursuit-il avant de saluer Awad Ibrahim, un des pèlerins enlevés à Alep mais qui, lui, avait été libéré en 2012.

 

 


(Pour mémoire : Les neuf pèlerins libérés, sur quel ton le Hezbollah se forcera à dire : «Choukran Qatar» ?)


Liberté en captivité

Selon les deux ex-otages, "le premier jour était le plus difficile". "Menottés, nous avons été transférés vers la base des rebelles, ils y avaient préparé un grand banquet", raconte Ali Zgheib. "Et là notre interrogatoire a commencé", ajoute Awad Ibrahim.

"Ce jour-là, je suis l’un des seuls à avoir été interrogé séparément, poursuit-il. Ils me soupçonnaient d’être un responsable du Hezbollah. +Vous croyez vraiment que le Hezbollah permet à ses hommes de quitter le Liban sans son accord ? Vous croyez que j’irais me balader en Syrie si j’étais un responsable du parti chiite ?+, leur ai-je demandé". C'est le seul interrogatoire que Ali Zgheib subira. "Après ce jour-là, il n’y a plus jamais eu d’interrogatoire, plus jamais d’enquête, ils nous ont laissés tranquilles", poursuit-il.

 

L’ex-otage raconte avoir eu des discussions et même des disputes avec ses ravisseurs tout au long de sa captivité, concernant la crise en Syrie et l’implication d’étrangers dans le conflit. "Nous avons vu des combattants afghans et des combattants tchétchènes. J’ai demandé à Abou Ibrahim (le leader du groupe) pourquoi ses hommes ne combattent pas les Israéliens au lieu de combattre les Syriens, il ne m'a jamais répondu", raconte l’ex-otage.

 

Ali Zgheib admet qu’avant la mort d’Abou Ibrahim, les pèlerins étaient très bien traités. "Je n’ai jamais été battu, je n’ai jamais été humilié. Pourquoi cacher cela, c’est la vérité, nous devons l’admettre. Ils (les ravisseurs) ont assuré tous nos besoins : nourriture, cigarettes, narguilé, médicaments… Nous pouvions même nous promener dans les champs autour de la base sans être accompagnés", explique le "moukhtar", qui a subi une opération à cœur ouvert avant son enlèvement et avait besoin de certains médicaments et d'examens de santé réguliers.

Selon lui, leur lieu de détention n’était pas loin de la frontière avec la Turquie. "Les chocolats qu’on nous offrait étaient fabriqués en Turquie", dit-il sur un ton ironique.

 

"Après la mort d’Abou Ibrahim, l’attitude des ravisseurs a radicalement changé. Ils nous ont enfermés dans une petite salle, la télévision a été débranchée et nous ne pouvions sortir que tous les cinq jours. La situation était insupportable, nos journées étaient interminables. Je sentais que j’étais en train de mourir lentement", poursuit Ali Zgheib.

 

Selon lui, les ravisseurs les ont déplacés "une dizaine de fois" durant cette période. "Nous sommes devenus un véritable butin. Les jihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL) nous ont cherché dans toutes les maisons de Aazaz. Ils voulaient nous capturer", raconte l’ex-otage, dont le visage porte alors des marques d'inquiétude.

 

Ce n’est qu’après avoir sympathisé avec un des nouveaux gardes que le calme est revenu. "La télévision a été rebranchée. Nous avons regardé, en larmes, un reportage sur nos proches qui manifestaient pour notre libération à Beyrouth avant la fête de l’Adha. Un des ravisseurs a même pleuré avec nous", dit-il.

 

 

 

Ali Zgheib recevant proches et amis chez lui à Hay el-Sellom.

 

Les derniers mois avant la libération des pèlerins ont été marqués par des manifestations de leurs proches devant l’ambassade de Turquie et d'autres sites représentants les intérêts turcs au Liban. Le 9 août 2013, deux pilotes turcs ont été enlevés sur la route de l'aéroport de Beyrouth par un groupe jusqu'alors inconnu, qui a expliqué les avoir pris en otage pour contraindre Ankara à faire pression sur les rebelles syriens retenant les pèlerins.

 


(Lire aussi : Les liaisons dangereuses de la Turquie avec certains rebelles extrémistes syriens)

 

 

"Nous avons appris l’enlèvement des deux pilotes turcs en direct à la télévision. J’ai immédiatement commencé à prier, je savais qu’on avait gagné. J’étais sûr que la Turquie allait intensifier ses efforts pour nous libérer", dit Ali Zgheib qui affirme avoir écrit, dans le journal qu'il a tenu pendant sa captivité, que ses ravisseurs allaient les libérer 60 jours après l’enlèvement des pilotes turcs. "Vous avez été libérés 73 jours après leur enlèvement", relève alors un de ses invités.

 

Après des négociations orchestrées par la Turquie et le Qatar, les pèlerins ont été libérés vendredi 18 octobre et ont regagné Beyrouth le lendemain. Le même jour, les deux pilotes de la Turkish Airlines étaient libérés et rentraient à Istanbul.

 

Aujourd’hui, après 17 mois de captivité, Ali Zgheib affirme vouloir reprendre sa vie où il l’a laissée. "Je veux reprendre mon travail, retrouver ma famille… Mais je vais aussi faire de mon mieux pour aider les gens à comprendre la réalité de ce qui se passe en Syrie, car le Liban est presque devenu une ville syrienne", conclut-il.

 

 

Pour mémoire
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Trois jours après le retour de Ali Zgheib, sa maison, à Hay el-Sellom dans la banlieue-sud de Beyrouth, ne désemplit pas. Au cœur de cette modeste demeure, le salon est le théâtre d'un un va-et-vient incessant d'amis et de proches venus saluer, embrasser, enlacer celui qu'ils n'avaient pas vu depuis 17 mois, depuis son enlèvement, avec d'autres pèlerins chiites, dans le nord de la...

commentaires (3)

DU BARATIN !

SAKR LOUBNAN

19 h 45, le 24 octobre 2013

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Commentaires (3)

  • DU BARATIN !

    SAKR LOUBNAN

    19 h 45, le 24 octobre 2013

  • On disait a l'epoque que ces otages etaient du hezb resistant , que leur enlevement etait programme par le gvnment syrien pour forcer le hezb a s'impliquer etc... que disent les idiots d'antan qui restent des idiots aujourd'hui , la connerie est sans limite.

    Jaber Kamel

    16 h 38, le 23 octobre 2013

  • Triste chantage , et pauvre peuple . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    15 h 56, le 23 octobre 2013

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