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Santé

La coopération internationale : une question de vie ou de mort

Jim O’Neill, ex-président de la gestion d’actifs de Goldman Sachs, est secrétaire commercial du Trésor du Royaume-Uni, professeur distingué d’économie à l’Université Manchester, un chercheur attaché au groupe de recherches économiques Bruegel et président du comité d’examen sur la résistance aux antimicrobiens.

L'incertitude générée par le vote récent du Royaume-Uni pour quitter l'Union européenne – qui a secoué les marchés mondiaux – fait les gros titres dans les journaux. Mais, alors que nous sommes sur le point de nous exposer à de nouvelles épreuves politiques, nous ne devons pas perdre de vue les défis auxquels nous sommes déjà confrontés, particulièrement les problèmes de santé mondiale comme la résistance grandissante aux antimicrobiens (RAM), qui ne fait aucun cas des résultats économiques ou de la stabilité politique.
Telles qu'elles sont présentées, les estimations font état de 700 000 décès causés par des infections résistantes aux médicaments chaque année. D'ici à 2050, ce chiffre pourrait monter en flèche à dix millions par an, à un coût total de PIB de 100 000 milliards de dollars.
Pour éviter cela, le comité d'examen sur la résistance aux antimicrobiens (Review on AMR) que je préside a publié en mai sa stratégie pour combattre ce genre d'infections, élaborer des propositions qui assureraient la création de nouveaux antibiotiques nécessaires et recourir aux antibiotiques actuellement disponibles d'une manière plus efficace tant chez les humains que chez les animaux d'élevage. Des dix grandes interventions que nous avons proposées, quatre sont particulièrement importantes :
– Lancer une campagne internationale adaptée aux différentes régions, visant à sensibiliser les autorités aux dangers de la RAM.
– Remédier aux carences du marché dans le développement de nouveaux antibiotiques en instaurant des primes forfaitaires de commercialisation aux sociétés mettant au point de nouveaux médicaments efficaces, tout en assurant l'accessibilité à l'échelle mondiale.
– Faire avancer l'innovation et améliorer l'emploi de technologies de diagnostic qui favorisent une utilisation plus efficace des antibiotiques.
– Instaurer des cibles nationales visant à réduire l'administration inutile d'antibiotiques aux animaux d'élevage et aux humains.
Notre rapport final étant publié, le comité d'examen continuera de plaider la cause d'une intervention internationale directement auprès des dirigeants politiques. Ainsi, à titre de président du comité d'examen, j'ai présenté récemment nos recommandations à l'assemblée mondiale de la santé à Genève et auprès des décideurs des Nations unies et des États-Unis à New York et à Washington.
Il ressort des discussions que les décideurs sont de plus en plus conscients des dangers posés par la RAM. Il y a à peine deux ans, le sujet des infections résistantes aux médicaments suscitait d'habitude des questions du genre « Qu'est-ce que la RAM ? » ou « Pourquoi un ministre des Finances devrait-il se préoccuper de la crise de la santé ? » Peu d'entre eux se rendaient compte de l'échelle et de la nature multidimensionnelle du problème, et donc du besoin d'une démarche globale. Je me suis posé le même genre de questions lorsque l'ancien Premier ministre britannique David Cameron m'a demandé de diriger le comité d'examen de la RAM.
La situation a considérablement changé depuis. Les décideurs de pays couvrant un large spectre de systèmes économiques et politiques se mobilisent pour lutter contre le problème de la RAM, certains États prenant déjà des mesures pour y remédier. Tout cela nous donne des raisons d'espérer que 2016 devienne l'année où les choses changent vraiment.
L'espoir est une chose, mais l'action en est une autre. Même si les réunions et les discours de haut niveau sur la RAM envoient le bon message, ils ne signifient rien si nous ne parvenons pas à convertir l'engouement actuel en interventions concrètes, à commencer par les réunions du G20 et de l'Onu en septembre prochain. Et même si mes plus récents exposés autorisent à penser que les chances sont excellentes d'en arriver à des accords pour ces deux assemblées, il est loin d'être certain qu'ils soient à la hauteur du problème.
Au G20, l'accord requis doit être centré sur le développement d'un mécanisme mondial pour relancer le marché de nouveaux antibiotiques qui seraient abordables mondialement, accessibles et utilisés aussi efficacement que possible. À l'Onu, le but est de transformer le leitmotiv « d'accès et non d'excès » en une réalité, par un accord visant à réduire l'emploi inutile d'antibiotiques dans les élevages d'animaux et de mener une campagne mondiale de sensibilisation. Il est aussi essentiel d'accroître le financement de la recherche et du développement de nouveaux antibiotiques et diagnostics pour combattre la RAM.
Toutefois, les accords doivent être contraignants. Les pays doivent fixer leurs propres objectifs en fonction de leurs circonstances et leurs besoins particuliers, mais il faut aussi y prévoir certaines dispositions pour s'assurer que tous y participent. En premier lieu, les initiatives de lutte contre la RAM devraient être intégrées à des stratégies plus larges de développement économique, en particulier l'application des objectifs de développement durable de l'Onu.
De plus, les progrès doivent être jaugés, non seulement pour que les décideurs, les sociétés et les réseaux de santé rendent compte de leurs activités, mais aussi pour que d'autres puissent reproduire leurs succès. À cette fin, il faudra peut-être élaborer de nouveaux paramètres pour mesurer les incidences de la RAM. Même si tout cela semble bien technique (et ce l'est), la réalité est que les chercheurs de pointe dans le domaine de la RAM pensent que le fait de s'entendre sur des paramètres communs pourrait changer les façons dont les pays individuels établissent leurs propres cibles, ce qui améliore notre capacité de suivre les progrès au cours des prochaines années.
Finalement, pour tenir compte des priorités changeantes et des changements de personnel politique, il faut un promoteur permanent pour la lutte contre la RAM. Par exemple, un envoyé de l'Onu sur la RAM pourrait être nommé, pour continuer à prôner à l'échelle internationale la nécessité de s'attaquer au problème et d'exiger des pays qu'ils rencontrent leurs objectifs. Sans un tel rappel constant de la nécessité de s'attaquer à la RAM, sans omettre non plus la transparence sur les progrès, le monde se laisserait distraire et manquerait rapidement l'occasion d'effectuer les changements nécessaires pour enrayer la hausse des infections résistantes aux médicaments.
Au cours des deux dernières années, les autorités publiques, le secteur privé et les organismes internationaux ont avancé à grands pas pour contrer la menace de la RAM. Mais les décisions vraiment difficiles doivent être prises maintenant. Si nous voulons empêcher la collision au ralenti de l'augmentation de la RAM, nos dirigeants doivent prendre des mesures d'évitement dès maintenant. Nous savons ce que nous avons à faire. Nous devons nous y mettre dès maintenant.

© Project Syndicate 2016. Traduit de l'anglais par Pierre Castegnier.

L'incertitude générée par le vote récent du Royaume-Uni pour quitter l'Union européenne – qui a secoué les marchés mondiaux – fait les gros titres dans les journaux. Mais, alors que nous sommes sur le point de nous exposer à de nouvelles épreuves politiques, nous ne devons pas perdre de vue les défis auxquels nous sommes déjà confrontés, particulièrement les problèmes de santé...

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