Avant sa volte-face d’hier, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker avait plaidé pour une adoption du Ceta sans l’aval des Parlements nationaux. Vincent Kessler/Reuters
La Commission européenne (CE) a finalement consenti hier à demander l'avis des Parlements des 28 États membres de l'UE pour l'adoption du traité de libre-échange UE-Canada (Ceta).
« Face à la difficulté de trouver un consensus, la Commission a décidé de présenter le Ceta comme un accord mixte », a déclaré la commissaire au Commerce, Cecilia Malmström, lors d'une conférence de presse à Strasbourg. Dans le jargon européen, quand un accord est « mixte », il doit recevoir l'aval des Parlements nationaux.
Le 29 juin, le président de la CE, Jean-Claude Juncker, avait encore défendu publiquement le contraire. Mais moins de deux semaines après le Brexit, il paraissait difficile de se mettre à dos la France et l'Allemagne qui réclamaient que cet accord soit aussi approuvé par leurs Parlements.
« Problème de légitimité »
« La France se félicite que les Parlements nationaux puissent se prononcer », a déclaré le secrétaire d'État français au Commerce extérieur Matthias Fekl, dans un communiqué. Plus tôt dans la journée, il s'en était pris vertement à la position initiale de M. Juncker dans un entretien avec l'AFP : « On ne peut pas (...) tout d'un coup changer les règles et vouloir zapper les Parlements nationaux du processus », a-t-il déclaré, soulignant qu'il y avait un « problème de légitimité dans la manière dont les accords commerciaux sont négociés ».
« Il est bien et juste que les Parlements nationaux soient impliqués dans le processus de ratification », s'est réjoui de son côté le vice-chancelier allemand, le ministre de l'Économie Sigmar Gabriel. « C'est une étape à laquelle on s'attendait et je suis encore très optimiste par rapport à cet accord-là et (sur) comment on va pouvoir le ratifier bientôt », a déclaré de son côté le Premier ministre canadien Justin Trudeau lors d'une conférence de presse à Montréal.
L'exécutif européen espère que le Ceta, un texte de 1 600 pages, qui a nécessité cinq années de négociations et prévoit notamment la suppression intégrale des droits de douane entre les deux partenaires, pourra être signé en octobre. Ce n'est qu'ensuite que les procédures de ratification nationales débuteront.
Une partie de la gauche et des mouvements souverainistes voyaient en lui une sorte de dangereux modèle du TTIP – l'impopulaire accord de libre-échange en cours de négociation entre l'UE et les États-Unis –, s'inquiétant notamment de son manque de transparence et du risque de dégradation des services publics.
« Le risque (...), c'est que les États membres infectent le débat en mélangeant le contenu des accords et les sentiments antimondialisation dans leurs pays », a néanmoins fustigé Mme Malmström.
Dans son entretien à l'AFP, M. Fekl a, lui, jugé « impossible » la conclusion d'un accord sur le (TTIP) en 2016, haussant, là aussi, le ton face à la CE. « J'invite la Commission à faire moins de déclarations fracassantes contre les États membres (...) et passer plus de temps à essayer de négocier des choses favorables », a-t-il plaidé. « Ce qu'il faut, c'est avoir (...) un accord exigeant avec des choses positives pour l'emploi en France, (...) et, si ce n'est pas le cas, nous en tirerons les conséquences », a-t-il menacé.
« Je pense que le TTIP va tomber à l'eau, et l'accord avec le Canada risque de subir le même sort. Nous négocions dessus depuis trop longtemps », avait déclaré de son côté le ministre italien de l'Industrie, Carlo Calenda, hier matin, à Rome.
(Source : agences)