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Société

Au Liban-Nord, le développement pour lutter contre les mariages précoces

Parce qu'il est impossible d'avoir accès aux femmes par la confrontation, l'association Akkar Network for Development lutte pour les femmes en tissant des relations de confiance avec les communautés locales et les hommes de religion.

Nadine Saba, avec un tee-shirt rayé, au milieu d'un groupe de femmes bénéficiant des services de son association, le Akkar Network for Development. Photo Akkar Network for development

Marwa n'a que 16 ans. Et pourtant, depuis neuf mois, elle est fiancée à un jeune homme de sept ans son aîné. À Hrar, un village du Akkar (Liban-Nord), cela n'a rien d'étonnant. C'est même la norme. Deux de ses camarades de classe ont déjà quitté les bancs de l'école après avoir convolé. Quatre autres sont fiancées et devraient bientôt se marier. «Dans notre société traditionnelle sunnite, les jeunes n'ont pas le droit de se fréquenter sans être fiancés», explique Marwa. Elle devrait se marier l'année prochaine au plus tard, c'est la limite que lui a fixée son père. Elle aura 17 ans et son bac en poche, espère-t-elle.
L'adolescente a pourtant des rêves plein la tête: aller à l'université à Tripoli, capitale du Liban-Nord, étudier la chimie, ouvrir son laboratoire. Mais son fiancé est pressé, il parle d'avancer la date du mariage. «Je tiens bon», assure-t-elle. Elle reconnaît aussi que ce dernier, «un mécanicien peu instruit, qui gagne correctement sa vie», ne voit pas d'un très bon œil ses ambitions professionnelles. «Il a tenté de me pousser à abandonner l'école. En même temps, il me promet une voiture pour aller à l'université et le laboratoire de mes rêves.»

 

La hantise de devenir vieille fille
Marwa est une adolescente amoureuse. À la demande de son fiancé, elle a accepté de prendre une année sabbatique une fois mariée, avant d'aller à l'université. Que fera-t-elle si elle est enceinte, si son époux l'empêche de poursuivre ses études, ou s'il la force à porter la abaya islamique qui couvre ses formes, comme elle le craint? «Je sais être têtue», assure l'adolescente voilée. Marwa est la benjamine d'une famille très modeste, où les femmes sont mariées jeunes, font des enfants et s'occupent de leur famille et de leur intérieur. «La vie est plus belle lorsqu'on est marié», dit-elle aussi avec conviction.


Il faut dire que les femmes de Hrar, Fneydek ou Mechmech, comme nombre de villages de l'arrière-pays du Akkar ou d'autres régions rurales libanaises, sont élevées dans la hantise de devenir vieilles filles. Elles n'ont pas droit à l'erreur et ne peuvent donc avoir de relations sexuelles avant le mariage. L'honneur familial en serait sali. Les tabous ont la vie dure, même si les choses évoluent progressivement. Le mariage est la voie la plus sûre, estime-t-on là-bas, pour protéger les filles dès l'adolescence. Viennent alors les problèmes d'incompréhension, de mésentente conjugale, de violence domestique, physique ou verbale. Une normalité dans cette société patriarcale traditionnelle.


Désabusées, la plupart des femmes regrettent d'avoir convolé trop tôt. Comme Fatmé, 17 ans et un bébé d'un an, qui se demande ce qu'elle a «fait de sa vie». «Une enfant peut-elle élever un enfant?» s'interroge-t-elle, nostalgique de son école et de ses camarades de classe. Elle aurait voulu poursuivre ses études, apprendre l'anglais et l'informatique, mais son époux refuse qu'elle côtoie des garçons à l'école. Il l'empêche même de voir ses amies. «Je suis confinée à la maison à m'occuper de mon fils et à faire la vaisselle», dit-elle tristement. «Fort heureusement, son mari est généreux», insiste sa mère.


C'est dans ce contexte qu'intervient l'association Akkar Network for Development (AND) (Réseau du Akkar pour le développement) menée par une dynamique «enfant» du pays, Nadine Saba. Son objectif premier? Lutter contre la violence faite aux femmes sous ses différentes facettes, contre les mariages précoces, notamment. «Nous n'avons pas l'ambition de changer les mentalités ni les habitudes. Nous pouvons juste donner un coup de pied dans la fourmilière.» Nadine Saba est réaliste. Le seul moyen pour son association de protéger les femmes et les jeunes adolescentes, de les sensibiliser à leurs droits, à leur santé, aux lois en vigueur, est de lancer des projets de développement dans cette région qui souffre de pauvreté. Alors, elle s'engage dans la protection des forêts, le recyclage des ordures, la réfection routière même, encourage les jeunes à se lancer dans le travail communautaire et les aide à développer leurs compétences. «Face à la grande pauvreté, nous distribuons même des aides financières», affirme la présidente.

 

Commencer par des projets qui ne fâchent pas
Comment l'AND atteint-elle ses objectifs? «Nous optons d'abord pour des projets qui ne fâchent pas, comme le travail des enfants, l'enregistrement des mariages, la famille et la religion. Nous établissons une relation de confiance avec les communautés locales et les hommes de religion, explique Mme Saba. Car nous ne pouvons avoir accès aux femmes si nous optons pour la confrontation.» C'est lors de sessions de sensibilisation à ces thèmes généraux ou à l'occasion d'ateliers de «compétences de vie», broderie, alphabétisation, informatique que des sujets plus tabous sont abordés par des psychothérapeutes et des assistantes sociales. À savoir, la violence au sein du couple, le planning familial, la santé reproductive ou encore les conséquences néfastes des mariages précoces.


«Progressivement, les femmes parviennent plus aisément à parler de ce qui les dérange. Elles n'hésitent pas à s'informer sur les grossesses et les moyens de contraception notamment», constate la jeune femme. Certaines réussissent même à acquérir une certaine indépendance économique, en exerçant un métier chez elles et en vendant leur production. «C'est alors que nous pouvons travailler avec les femmes victimes d'abus ou de violence. Nous réussissons également à encourager des mères de famille ou des adolescentes à retarder un mariage, au moins le temps que la jeune fille ait son bac, explique Nadine Saba. Car il est important de leur montrer qu'il y a autre chose dans la vie que le mariage.»


Dans l'attente d'une politique nationale de développement du Akkar, qui offrirait aux jeunes des alternatives, Nadine Saba, l'AND et leurs partenaires donateurs sont portés par le succès de l'initiative. La mère d'une adolescente de 16 ans, impatiente de la marier, a ainsi pris conscience des risques pour la santé physique et morale de sa fille. «Pas avant le bac», promet-elle aujourd'hui. Mieux encore, des hommes de la région prêtent désormais l'oreille, dans le cadre de dynamiques de groupe.

Pour plus d'informations :
Sur Facebook : https://www.facebook.com/ANDlb/?pnref=lhc
Sur Twitter : @AkkarAND

 

 



 

Marwa n'a que 16 ans. Et pourtant, depuis neuf mois, elle est fiancée à un jeune homme de sept ans son aîné. À Hrar, un village du Akkar (Liban-Nord), cela n'a rien d'étonnant. C'est même la norme. Deux de ses camarades de classe ont déjà quitté les bancs de l'école après avoir convolé. Quatre autres sont fiancées et devraient bientôt se marier. «Dans notre société...
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