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Liban - Innovation

La technologie des microalgues : quel potentiel ?

La production de ces organismes microscopiques ayant joué un rôle primordial dans le développement de la vie sur terre pourrait aujourd'hui révolutionner la vie économique.

Bassin ouvert du projet « AlgaeParc biorefinery » aux Pays-Bas. Photo Wageningen UR, Food and Biobased Research, Pays-Bas

Les microalgues sont des espèces aquatiques et microscopiques qui ont joué un rôle important dans le processus de l'évolution de la vie sur terre. Il y a environ 3,7 milliards d'années, l'atmosphère de notre planète était peu susceptible de soutenir toute forme de vie.
Les découvertes paléontologiques portant sur la soupe primordiale (théorie de l'origine de la vie sur terre) montrent qu'une espèce microscopique a émergé et a engendré le phénomène de la photosynthèse en libérant la molécule d'oxygène dans l'atmosphère. À partir de ce moment, les microalgues commencent leur odyssée de trois milliards d'années qui a drastiquement transformé un environnement hostile – qui ne soutient pas la vie – en une atmosphère riche en oxygène, qui a donné naissance aux plantes au cours de l'ère paléozoïque il y a 450 millions d'années. Le voyage était long et parsemé d'obstacles en raison de l'environnement hostile dans lequel ces espèces ont débuté leur évolution. Les premières cellules d'algues ont évolué et se sont diversifiées des millions de fois avant de s'adapter, survivre et prospérer dans les nouvelles conditions environnementales.
Aujourd'hui, les microalgues représentent une biodiversité estimée à plus d'un million d'espèces dont environ 40 000 sont isolées et analysées. Elles couvrent 2 à 3 % de la surface de notre planète, et jouent un rôle-clef dans la régularisation de l'oxygène atmosphérique. Ces espèces microscopiques vivent dans les milieux marins (mers et océans) ou d'eau douce (lacs, rivières, fleuves). Elles se développent dans n'importe quelle zone géographique, ne nécessitent aucune déforestation : elles ne représentent donc pas une concurrence pour les terres arables, et séquestrent de grandes quantités de dioxyde de carbone nécessaire pour leur croissance.

Transformation en biocarburants
La production des microalgues a pris une nouvelle tournure lors de la crise pétrolière des années 70. Des chercheurs américains ont lancé les premières études sur les microalgues qui, étant une source importante de lipides, pourraient être transformées en biocarburants. Ces études se sont multipliées rapidement dans le monde, surtout durant la montée des prix du baril de pétrole et la volatilité du marché au cours de cette dernière décennie. Toutes ces études ont démontré la possibilité de produire des biocarburants identiques aux carburants fossiles. Malheureusement, leur prix de production reste trop élevé pour concurrencer les prix du pétrole, d'autant plus que les prix du baril ont chuté de près de 70 % depuis l'été 2014.
Néanmoins, l'euphorie autour des biocarburants issus des microalgues avait indirectement eu pour conséquence de négliger leur vrai potentiel, car l'intérêt de ces espèces ne se limite pas simplement à la production des biocarburants. En effet, elles représentent un réservoir important de molécules de haute valeur ajoutée comme les protéines, les glucides et les pigments. L'ensemble de cette biomasse peut être valorisée par le biais de la bioraffinerie.

La bioraffinerie : une approche nécessaire et rentable
Le concept de bioraffinage a été inspiré du concept de la raffinerie pétrolière. Il se conçoit comme une plateforme qui intègre les procédés d'extraction, de fractionnement et de purification des différents composants d'une biomasse. Compte tenu du grand nombre et de la diversité structurelle des microalgues, le type d'opération unitaire du procédé en aval dépendra toujours de la nature de l'espèce en question.
Le concept de bioraffinerie des microalgues reste une nouvelle idée qui n'existe pas au niveau industriel. Les projets « Miracles » et « AlgaeParc biorefinery » menés par Wageningen UR se sont penchés sur ce sujet (fig.). Leur but est de développer un procédé intégré afin de valoriser les principaux composants (protéines, lipides, glucides) de différentes espèces de microalgues. Chaque opération unitaire incluse dans le procédé doit être optimisée avant de pouvoir être extrapolée à une échelle industrielle.
Un des défis principaux de ces projets est de respecter les principes de la chimie verte tout en réduisant significativement les coûts opérationnels de la globalité du procédé. Les fractions obtenues à la fin du procédé seront utilisées par exemple pour l'alimentation animale, les biofertilisants, les compléments alimentaires ou les biomatériaux.

Des prix extrêmement variables
Dans les meilleures conditions de production et de raffinage, les protéines peuvent être vendues à environ 0,75 euro par kilo pour l'alimentation animale (protéines insolubles), et à 5 euros par kilo pour la nutrition humaine (protéines solubles). Les glucides sont vendus à environ un euro par kilo.
Si des propriétés antivirales sont identifiées, le prix peut être bien plus élevé. Les lipides appliqués aux biocarburants génèrent le bénéfice le plus faible (environ 0,5 euro par kilo), ce qui est une raison supplémentaire de ne pas se concentrer uniquement sur la production des biocarburants à partir des microalgues. En revanche, leurs acides gras insaturés sont vendus à plus de deux euros par kilos.
Enfin, les pigments sont une ressource précieuse et leur prix peut largement varier en fonction du type et de la pureté du pigment ; le pigment « astaxanthine » (un pigment rouge qu'on trouve dans des microalgues comme haematococcus pluvialis) se vend à un prix avoisinant les 7 000 euros par kilo. Ainsi, la valorisation de l'ensemble de cette biomasse dans le cadre d'une bioraffinerie engendrera des profits bien plus importants que la production des biocarburants.

Production : des avantages et des défis
La culture des microalgues est diversifiée, et dépend de la nature de l'espèce et des molécules cibles à extraire. En général, la production s'effectue dans des bassins ouverts ou dans des photobioréacteurs*. Pour se développer, les microalgues absorbent des quantités importantes de carbone, elles ont besoin de chaleur (la température dépend de l'espèce), de lumière et d'un milieu de culture contenant plusieurs minéraux. Dans les conditions de culture normales, les microalgues accumulent des protéines jusqu'à 70 % du poids des cellules. Cependant, pour enrichir les microalgues en lipides, la production doit s'effectuer dans des conditions de stress, en les privant d'azote. En effet, cela force les microalgues à initier un mécanisme de défense en accumulant d'importantes quantités de lipides, jusqu'à 60 % du poids des cellules.
La production mondiale de microalgues est de 10 000 tonnes/an, loin derrière la production de soja estimée à 300 millions de tonnes par an. Pourtant, la production augmente chaque année grâce aux avancements des recherches scientifiques et à l'intérêt grandissant des consommateurs. De plus, le prix de production est en baisse : il est passé de 5,5 euros par kilo en 2011 à 2,5 euros par kilo en 2014, et on estime qu'il passera en dessous de la barre d'un euro par kilo de microalgues en 2025.
Malgré les avancements de la recherche, le coût de production par rapport à la celle d'autres biomasses reste aujourd'hui élevé pour plusieurs raisons : la mise en place des pilotes de production, la récolte, la main-d'œuvre, le traitement et le manque de production à grande échelle. Le chemin reste donc long et il sera primordial de continuer à convaincre les investisseurs privés et publics par des idées innovantes pour assurer la continuité des recherches et optimiser cette technologie prometteuse.

Carl SAFI
Docteur en sciences
des agro-ressources
Spécialiste du bioraffinage
des agro-ressources
Coordinateur du bioraffinage des microalgues à Wageningen UR – Food and Biobased Research où il mène ses recherches scientifiques

*Un système fermé dans lequel la production des microalgues s'effectue dans des conditions minutieusement maîtrisées (température, pH, flux de CO2, intensité de la lumière), tandis que la production dans un bassin ouvert s'effectue dans des conditions plus ou moins aléatoires car on ne peut contrôler ni la température climatique de chaque jour, ni l'intensité de la lumière, ni les polluants qui peuvent aussi infecter la production etc... Malgré tout, chaque système à ses propres avantages et désavantages. Par exemple, il est vrai que la production est plus maîtrisée dans un photobioréacteur, mais sa mise en place est plus chère que le bassin ouvert et la quantité de production est plus limitée.

Les microalgues sont des espèces aquatiques et microscopiques qui ont joué un rôle important dans le processus de l'évolution de la vie sur terre. Il y a environ 3,7 milliards d'années, l'atmosphère de notre planète était peu susceptible de soutenir toute forme de vie.Les découvertes paléontologiques portant sur la soupe primordiale (théorie de l'origine de la vie sur terre) montrent...

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