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Liban - Grand Liban et pacte national : 1920-1943

Des élèves découvrent les valeurs fondatrices du Liban

Toutes les valeurs fondatrices du Liban émergent durant la période 1920-1943 avec la proclamation du Grand Liban de 1920 et le pacte national de 1943 : unité plurielle, indépendance, liberté, coexistence islamo-chrétienne, dialogue interculturel, solidarité transcommunautaire, message arabe et international du Liban, gestion démocratique du pluralisme...
Ces fondements ont été et sont aujourd'hui noyés dans des slogans ou perturbés, pollués dans un discours déboussolé, ou menacés, bien que l'expérience même montre à quel point ils sont résistants face aux agressions et manipulations de tous bords. Or sur le Grand Liban, dont nous fêterons en 2020 le centième anniversaire et sur le pacte national de 1943, on trouve à peine quelques lignes dans les manuels scolaires d'histoire ! Quant à la période militante et glorieuse 1920-1943 dans la mémoire collective du Libanais moyen, la vacuité explique les faiblesses de notre libanité profonde.
Ce fut une tempête d'espérance à l'amphithéâtre Joseph Abou Khater au campus des sciences humaines de l'Université Saint-Joseph où plus de 500 élèves du secondaire, de plus de 25 écoles de tout le Liban, se sont rassemblés pour la présentation des résultats de leur investigation sur un thème novateur et au cœur du Liban de toujours et de notre avenir : « Les figures pionnières des valeurs fondatrices du Grand Liban et du pacte national : 1920-1943 ».
Le programme est organisé pour la 3e année par Gladic (Groupement libanais d'amitié et de dialogue islamo-chrétien) et dans le cadre de l'Institut d'étude islamo-chrétienne et du master en relations islamo-chrétiennes à l'USJ. Le but est bien ciblé, comme il ressort des conditions du programme et des tournées explicatives dans les écoles, tournées effectuées par des étudiants du master en relations islamo-chrétiennes.

Des élèves historiens
Ce ne sont pas des spécialistes qui sont venus l'expliquer mais, mieux et plus profondément, plus de 500 écoliers de 25 écoles de tout le Liban. Ils ont fouillé par eux-mêmes, avec l'aide pas du tout directive de leurs enseignants, dans des livres et vieux documents. Ils ont aussi rencontré des enfants et petits-enfants de grands pionniers et de héros modestes, méconnus ou peu connus, de nos libertés et de notre indépendance.
Le recteur de l'USJ et président de Gladic, le Pr. Salim Daccache s.j., souligne : « Le programme est vital et offre devant nous une leçon et un modèle. » Ziad Chalhoub, membre fondateur de Gladic, expose les modalités d'organisation durant une période qui s'est étalée sur sept mois.
Des étudiants du master en relations islamo-chrétiennes à l'USJ, master dont la coordination est assurée par Roula Talhouk, ont suivi la réalisation du programme. « Les élèves qui étaient d'abord loin du sujet ont ensuite été vivement interpellés et secoués et en interaction avec la personnalité choisie », soulignent-ils. Des élèves qui ont fouillé dans des archives sur l'apport du patriarche Élias Hoayek témoignent : « Le Grand Liban est une réalité historique à sauvegarder. » Et encore : « Le Liban est ma communauté. »
Ce qui a été transmis par le programme Gladic à plus la 500 élèves n'est plus un savoir élitiste qui circule et se partage entre intellectuels, mais désormais un savoir vivant, vécu, qui se répercute sur les comportements. Une présentation vivante est faite par des élèves sur Michel Chiha, avec une petite pièce de théâtre. Un élève, bien attablé, martèle des citations musclées de Michel Chiha. Un poème est composé par un élève en hommage à Riad el-Solh. L'élève se demande : « Où est l'honneur, la solidarité, le rêve ? »
Ces élèves nous font découvrir Hassan Moussa Abd el-Sater, qui a planté le drapeau sur la voûte du Parlement avant d'être atteint d'une balle mortelle par ses agresseurs. Un autre déclare : « L'âme de Youssef Saouda, un des pères de la libanité, a vécu à travers nous. » Une autre confie : « Nous sommes sortis plus forts avec ces pionniers, en rapports harmonieux avec toutes les communautés. Tous pour le Liban. Réveillez les Libanais ! » Deux élèves retrouvent des phrases, inoubliables pour nous adultes, de Saeb Salam : « Un seul Saeb et pas deux » (Saâ'ib wâhid, wa laysa sâ'ibân).
Un élève qualifie la journée d'historique, car, dit-il, « découvrir Adel Osseirane, c'est découvrir la patrie. Ce que nous avons découvert fut une merveille, des personnes qui ont laissé leurs traces dans l'histoire du Liban face à tous les défis, une leçon de modération et d'ouverture, ce dont nous avons le plus besoin aujourd'hui ».

Mémoire et intégration valorielle
Ce fut surtout une leçon pour la mémoire collective et partagée de la jeune génération. Dans la pièce jouée par les élèves sur Michel Chiha, on relève des moments forts : « Tes pensées, Michel Chiha, se répandent, même si des forces et des pouvoirs investis par l'extérieur bloquent notre volonté. Nous sommes en apparence indépendants. Nous avons tous besoin aujourd'hui de pionniers. »
Des élèves témoignent : « Laissons l'ennemi en avoir assez de nous ! Nous sommes rassasiés d'injustice et nous voulons une patrie joyeuse, non en détresse. Par la culture aussi ils ont libéré le Liban. » C'est ainsi, comme le souligne Souad al-Hakim, membre du comité fondateur de Gladic, que « les élèves sont sortis de l'école pour labourer le terrain, planter le patriotisme dans le cœur ».
Gladic inaugure ainsi, pour la 3e année consécutive et au cœur de la formation au master en relations islamo-chrétiennes à l'USJ et des écoles de tout le Liban, une approche mémorielle de notre histoire et des valeurs fondatrices du Liban : sans orientation idéologique, sans endoctrinement camouflé et sans apprentissage forcé.
Les élèves sont sollicités pour découvrir, réfléchir, se forger leurs interprétations et convictions, avec certes l'aide pas du tout directive des enseignants. Les périodes du Grand Liban de 1920 et du pacte national de 1943 sont fondatrices, charnière et fortement résistantes face à toutes les agressions et tous les palabres conjoncturels. On peut assurer que les élèves qui ont participé au programme Gladic sont déjà vaccinés, immunisés dans leur mémoire contre toute réédition de « guerres pour les autres » et contre toute manipulation et pollution des fondements du Liban. Les travaux paraîtront en un volume en 2016 et le programme se poursuivra en 2016-2017.

Antoine MESSARRA
Membre du Conseil constitutionnel

Toutes les valeurs fondatrices du Liban émergent durant la période 1920-1943 avec la proclamation du Grand Liban de 1920 et le pacte national de 1943 : unité plurielle, indépendance, liberté, coexistence islamo-chrétienne, dialogue interculturel, solidarité transcommunautaire, message arabe et international du Liban, gestion démocratique du pluralisme...Ces fondements ont été et sont...

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Georges Naccache : "Toutes les images qui évoquent la détresse des choses in-gouvernées s’appliquent au destin du Liban. Le Liban n'est pas l’image paradisiaque que d’aucuns tentent de réhabiliter. Pour une raison aussi fatale que celle qui fait que le fruit pourri se détachera finalement de l’arbre, il n’y a apparemment pas de force au monde qui puisse faire que le Liban ne se désagrège et ne disparaisse pas ! Ni Occident, ni Arabisation : c’est sur un double refus que la chrétienté et l’islam ont conclu leur alliance. Quelle sorte d’unité peut être tirée d’une telle formule ? Ce que ces deux moitiés veulent en commun, c’est ce qu’on ne voit pas. Telle est l’indécente gageure dans laquelle ils veulent nous faire vivre. Le Liban qu’on nous a fait est une patrie composée de deux cinquièmes colonnes. La folie est d’avoir élevé un compromis à la hauteur d’une doctrine d’État - d’avoir traité l’accident comme une chose stable - d’avoir cru, enfin, que deux NON pouvaient produire un OUI. Nous payons l’utopie des embrassades ! Un État n’est pas la somme de deux impuissances, et deux négations ne feront jamais une nation !"....

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

07 h 47, le 13 juin 2016

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Commentaires (1)

  • Georges Naccache : "Toutes les images qui évoquent la détresse des choses in-gouvernées s’appliquent au destin du Liban. Le Liban n'est pas l’image paradisiaque que d’aucuns tentent de réhabiliter. Pour une raison aussi fatale que celle qui fait que le fruit pourri se détachera finalement de l’arbre, il n’y a apparemment pas de force au monde qui puisse faire que le Liban ne se désagrège et ne disparaisse pas ! Ni Occident, ni Arabisation : c’est sur un double refus que la chrétienté et l’islam ont conclu leur alliance. Quelle sorte d’unité peut être tirée d’une telle formule ? Ce que ces deux moitiés veulent en commun, c’est ce qu’on ne voit pas. Telle est l’indécente gageure dans laquelle ils veulent nous faire vivre. Le Liban qu’on nous a fait est une patrie composée de deux cinquièmes colonnes. La folie est d’avoir élevé un compromis à la hauteur d’une doctrine d’État - d’avoir traité l’accident comme une chose stable - d’avoir cru, enfin, que deux NON pouvaient produire un OUI. Nous payons l’utopie des embrassades ! Un État n’est pas la somme de deux impuissances, et deux négations ne feront jamais une nation !"....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 47, le 13 juin 2016

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