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Moyen Orient et Monde - commentaire

Les démocrates et les républicains pourront-ils apaiser leurs dissensions ?

La une du « LA Opinion » montrait, le 15 mai, Hillary Clinton et Donald Trump. Patrick T. Fallon/Reuters

La course pour déterminer qui représentera des deux principaux partis politiques des États-Unis, les démocrates et les républicains, pour l'élection présidentielle est loin d'être finie. Ce qui laisse les deux partis devant le défi de reconstruire leur unité pour la campagne finale – une prouesse qui sera beaucoup plus difficile à réaliser cette année par rapport aux autres élections présidentielles.
Même s'il est mathématiquement impossible pour Bernie Sanders de rallier assez de délégués dans son camp pour remporter l'investiture du Parti démocratique, il reste dans la course, retardant le moment où Hillary Clinton pourra amorcer le mouvement de réconciliation. Gagner l'appui des millions d'électeurs qui soutiennent ardemment Sanders constitue un défi épineux. Sanders n'est pas un simple adversaire ; il est à la tête d'un mouvement qui s'oppose à tout ce que représentent Clinton et la « classe dirigeante ».
La course entre Hillary Clinton et Barack Obama en 2008 a semblé finir sur une touche plutôt cordiale. Même si Clinton n'a pas abandonné la course avant la fin, elle a dilué ses attaques rhétoriques contre Obama quand les jeux étaient faits. Cet été-là, elle a posé le geste inusité de démarcher les électeurs lors de la convention pour recommander au parti d'instituer Obama par acclamation.
Les efforts de 2008 pour unifier le Parti démocratique n'ont toutefois pas été aussi porteurs que veut nous le faire croire la ligne officielle du parti. Que les candidats décident d'accorder dignement la défaite est méritoire. Mais il est plus difficile de réconcilier leurs partisans. Après 2008, les tensions entre certains des plus ardents partisans de Clinton et d'Obama ont persisté pendant des années.
Une façon d'unifier les factions d'un parti consiste à faire choisir par l'élu son rival comme colistier. John F. Kennedy a arrêté son choix sur son plus farouche adversaire dans la course, Lyndon B. Johnson. (L'amalgame n'a jamais pris dans ce cas-ci.) Or, Clinton évitera à tout prix de prendre Sanders comme colistier, car Sanders, par tempérament, ne voudra jamais jouer un rôle de second plan, et leurs différends sur le plan des politiques sont le reflet de profondes convictions sur le rôle de l'État fédéral.
Obama a probablement choisi Clinton à titre de première secrétaire d'État pour des raisons autres que sa grande intelligence : il était préférable de l'avoir dans son camp que dans celui de ses adversaires. Même là, la loyauté de Clinton n'était pas absolue. Dans son livre Hard Choices (Des choix difficiles), elle a émis certaines réserves sur le manque de vision du président dans le dossier de la guerre civile en Syrie, et, lors de sa dernière campagne, elle s'est parfois désolidarisée des politiques d'Obama. Pourtant, lorsque Sanders aura renoncé à poursuivre la course, Obama donnera sûrement tout son appui à la campagne de Clinton.
Il est évident que Sanders a l'intention de contester Clinton jusqu'à la fin pour que certains des enjeux qui lui sont chers fassent partie de la plateforme politique du parti pour 2016. Lors de la campagne à la nomination, il est parvenu à l'attirer à gauche dans ses positions sur les accords commerciaux, le salaire minimum et le taux massif d'incarcération. Mais il y a des limites qu'elle ne peut franchir dans l'élection générale de peur de perdre le vote des indépendants.
Il est vrai que les propositions de Sanders sont populaires, particulièrement chez les jeunes, mais une grande partie de son programme – comme de transformer le régime public de santé instauré sous Obama en un réseau de santé financé uniquement par l'État – n'est pas politiquement réaliste. De même, les grandes sociétés financières de Wall Street ne risquent pas d'être morcelées de sitôt.
Qui plus est, là où ils se sont rendus, Clinton et Sanders ne peuvent plus se supporter. Hillary et son époux, Bill, sont très agacés du fait que Sanders poursuit sa campagne (même si elle a fait la même chose en 2008) et pour ne pas avoir refréné ses ardentes critiques sur leurs états de service.
Les candidats oublient rarement ce genre de choses. Trente ans plus tard, Jimmy Carter rappelait encore amèrement un incident à la convention démocrate en 1980. Carter, le président sortant, en était réduit à pourchasser Edward M. Kennedy, l'opposant qu'il avait battu, en courant autour de la scène pour prendre la photo traditionnelle des ex-rivaux avec les bras levés et les mains jointes. Au lieu d'une démonstration rayonnante d'unité, Carter a dû se contenter d'une mesquine poignée de main.
La principale raison pour laquelle il pourrait être très ardu pour Clinton de gagner à sa cause les partisans de Sanders est simple : la plupart d'entre eux l'ont pris en grippe. Un tiers ont confirmé qu'ils ne lui accorderont pas leur vote. En avril, seulement 40 % des démocrates lui donnaient la cote pour sa probité et pour être digne de confiance. Seulement 50 % des démocrates la jugeaient favorablement en général (le degré général de préférence envers Obama était de 60 % en 2008).
Même si les républicains se réjouissent de la possibilité que Clinton se fasse inculper pour avoir acheminé sa correspondance officielle sur un serveur privé de messagerie électronique lorsqu'elle était secrétaire d'État, les procureurs devront prouver qu'elle enfreignait sciemment la loi, ce qui est peu probable. Mais le tollé sur ses messages électroniques a fait ressortir certaines des raisons pour lesquelles les électeurs se méfient de Clinton : sous son meilleur jour, elle a été très vague dans ses réponses aux questions sur ce qui était certainement un acte irresponsable. En conséquence, son ascendant a diminué pendant la campagne.
Bien sûr, Clinton peut compter sur un très grand nombre d'ardents partisans, mais ses campagnes présidentielles passées se sont effondrées par manque de ferveur. Le plus grand écueil qu'elle devra éviter au scrutin de novembre se cache derrière le fait qu'un trop grand nombre de démocrates n'iront tout simplement pas voter. Sa stratégie de campagne compte sur Donald Trump pour unifier le Parti démocrate, et cela pourrait bien arriver; mais elle aura fort à faire, particulièrement chez les jeunes et les électeurs qui iront aux urnes pour la première fois et qui appuient massivement Sanders. Les républicains auront aussi un problème à rallier les troupes autour de Trump, qui a maintenant toutes les chances de devenir le candidat désigné du parti. La plupart des républicains élus le voient comme un candidat trop mal avisé et trop grandiloquent pour occuper les fonctions de président. À la fin avril, 40 % des républicains sondés indiquaient qu'ils n'appuieraient pas Trump au scrutin général.
Les républicains sont également inquiets du fait que Trump pourrait essuyer une telle défaite qu'elle coûterait au parti la majorité au Sénat et réduire sa majorité à la Chambre des représentants. Pour cette raison, beaucoup ne savent pas quel parti prendre à propos de Trump. Certains l'appuient du bout des lèvres, mais ne le soutiennent pas vraiment. Les anciens présidents George H. W. Bush et George W. Bush se sont tous deux abstenus d'appuyer qui que ce soit dans cette campagne.
Pour la première fois dans l'histoire des États-Unis, les deux candidats désignés par les partis ont plus de détracteurs que de partisans, quoique Trump devance Clinton à ce chapitre. Voilà une base fragile pour amorcer la prochaine présidence.

Traduit de l'anglais par Pierre Castegnier
© Project Syndicate, 2016.

La course pour déterminer qui représentera des deux principaux partis politiques des États-Unis, les démocrates et les républicains, pour l'élection présidentielle est loin d'être finie. Ce qui laisse les deux partis devant le défi de reconstruire leur unité pour la campagne finale – une prouesse qui sera beaucoup plus difficile à réaliser cette année par rapport aux autres...

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