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Liban - Les 101 ans du génocide arménien - Focus

De l’arrivée à l’intégration : un siècle de présence arménienne au Liban

Déportés arméniens de Mossoul en direction de Bagdad, en 1919. Coll. Bnu.jpg

1915-1920 : les Arméniens arrivent au Liban, survivants, exilés, chassés de ce qu'ils continueront longtemps à appeler leur pays. Ils ont tous tout perdu, leurs proches, leur patrimoine foncier, leurs maisons, leur travail, leurs chefs politiques et intelligentsia, leurs biens communautaires, leurs églises, leurs écoles, leurs lieux de loisir, leurs réseaux professionnels et sociaux. Les différences sociales ont disparu, et la plupart sont installés dans des camps, dans la région marécageuse de la Quarantaine. Ils ne savent où aller et n'ont aucune vision pour leur avenir. Dans tous les cas, la nouvelle République de Turquie a rendu impossible leur retour sur leurs terres ancestrales.

1920 : le Liban voit le jour sous mandat français. Le pays est en situation de crise, suite à la guerre et à la famine qui ont fait des dizaines de milliers de victimes. Malgré ceci, malgré la concurrence d'une main-d'œuvre qualifiée prête à accepter n'importe quel salaire pour survivre – et longtemps, les Arméniens s'enorgueilliront de n'avoir jamais versé dans la mendicité –, les Libanais accueillent les Arméniens et les autorités françaises leur offrent le choix de demeurer au Liban en y acquérant, comme les autres Libanais, la nationalité libanaise instituée en 1925.

Le premier souci des Arméniens est la survie. Elle sera assurée par le travail : ouvriers non qualifiés (porteurs, dockers, ouvriers du bâtiment, gardiens) ou artisans (bijoutiers, photographes, cordonniers, couturiers) qui travaillent dans les ateliers existant à Beyrouth, ou dans leurs propres ateliers pour les plus chanceux ayant reçu une aide d'un parent à l'étranger. Encadrée par ses églises et ses partis politiques, la communauté arménienne renaît : écoles, clubs sportifs et culturels, journaux lui permettent de préserver son patrimoine immatériel, sa langue, son histoire et sa mémoire, vecteurs essentiels de son identité que les Ottomans avaient tenté d'annihiler. Les conditions de logement s'améliorent. En 1927, les aides internationales permettent à une partie des réfugiés de se reloger dans le quartier de Bourj Hammoud ;
puis, dans les années 1960, la construction de logements sociaux par le catholicossat de Cilicie vide les camps en offrant un habitat décent dans la région de Fanar.

(Lire notre dossier spécial : Les 101 ans du génocide arménien)

Les Arméniens s'intégreront progressivement à leur société d'accueil. La langue arabe qu'ils ne maîtrisent pas constitue un obstacle majeur qui sera lentement mais sûrement surmonté, grâce à son enseignement dans les écoles et grâce aux relations professionnelles, sociales et matrimoniales que les Arméniens noueront avec leurs concitoyens. Quant au système confessionnel libanais, il leur offre un cadre unique d'intégration dans le champ politique : un premier siège leur est accordé au Parlement en 1934, et ce nombre augmentera pour atteindre 6 aujourd'hui. Ils seront aussi représentés dans le gouvernement libanais à partir du mandat du président Fouad Chéhab (1960, ministère de la Réforme administrative). Mais participer implique aussi d'être mis devant des choix souvent difficiles : en 1958 et en dépit de vifs déchirements internes, ou encore en 1975, les Arméniens essayeront de ne pas s'opposer au gouvernement, par reconnaissance pour l'État libanais.

Au plan économique, ils vont accompagner l'essor que connaît le Liban des années 1950 à la guerre de 1975, en créant de nombreuses PME et se distinguant dans de nombreux domaines (confection, industrie de la chaussure, bijouterie, photographie, optique). Ils sont respectés, et réputés intègres et durs au labeur.
Au plan culturel, Beyrouth devient le foyer du dynamisme artistique arménien : peinture, sculpture, théâtre, littérature, musique, aucun domaine n'échappe à la créativité des artistes arméniens, souvent à l'avant-garde et d'un niveau international. Aussi, par leur contribution, le rôle de phare économique et culturel, tant jalousé par ses voisins, qu'occupe le Liban jusqu'à 1975, sera accentué par son rôle de foyer de la diaspora arménienne, ajoutant encore à l'éclat du pays.

1975 : comme pour les autres Libanais, la guerre donne un coup d'arrêt à cette prospérité, mais elle contribuera à intégrer davantage les Arméniens, qui partagent le sort de leurs concitoyens dans les destructions, les déplacements (encore une fois !) et l'émigration. Les responsables de la communauté tentent d'enrayer ce mouvement en aidant à la réfection des logements et magasins détruits, et malgré les départs vers les États-Unis, le Canada ou l'Europe, où ils avaient déjà de la famille, puis malgré l'indépendance de l'Arménie en 1991, les Libanais d'origine arménienne choisissent de demeurer au pays du Cèdre, désormais leur patrie et cœur spirituel et politique de la diaspora.


1915-1920 : les Arméniens arrivent au Liban, survivants, exilés, chassés de ce qu'ils continueront longtemps à appeler leur pays. Ils ont tous tout perdu, leurs proches, leur patrimoine foncier, leurs maisons, leur travail, leurs chefs politiques et intelligentsia, leurs biens communautaires, leurs églises, leurs écoles, leurs lieux de loisir, leurs réseaux professionnels et sociaux. Les...

commentaires (2)

De l’intégration arménienne à l’intégration palestinienne,à l’intégration syrienne actuelle , tout le vrai visage du Liban a bien changé en un siècle.Vrai drame .

Sabbagha Antoine

15 h 21, le 24 avril 2016

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Commentaires (2)

  • De l’intégration arménienne à l’intégration palestinienne,à l’intégration syrienne actuelle , tout le vrai visage du Liban a bien changé en un siècle.Vrai drame .

    Sabbagha Antoine

    15 h 21, le 24 avril 2016

  • Respect aux arméniens ...qui ont survécu ,comme les libanais ...aux affres de la dictature de l'empire ottoman ...

    M.V.

    12 h 20, le 24 avril 2016

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