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Économie - Palestine

S’endetter pour se marier, le parcours du combattant des Gazaouis

Les unions sont de plus en plus tardives à Gaza où le mariage est devenu un luxe. Mahmud Hams/AFP

Abdel Hakim et Falestine finissent de s'installer dans leur petit appartement à Gaza. Lui s'active à réparer le compteur électrique qui fait des siennes, elle prépare du thé. Ils ont enfin pu emménager ensemble, mais organiser et financer leur mariage a été un parcours du combattant. Car les tourtereaux ont décidé de briser un tabou et ont lancé sur Internet une campagne pour réunir la somme nécessaire à leur mariage, préalable indispensable à leur installation sous le même toit. Ils seraient les premiers à Gaza à procéder de la sorte.
Se marier est devenu un luxe dans la bande de Gaza, où le chômage touche deux jeunes sur trois et où 80 % des 1,8 million d'habitants dépendent de l'aide humanitaire. Les unions sont de plus en plus tardives et synonymes d'endettement sur une ou plusieurs années. « Se marier, ce n'est pas qu'un contrat à signer : on attend tellement de choses de nous », explique Falestine Tanani, des lunettes à grosse monture encadrant son visage joliment maquillé. Du coup, dans la petite société conservatrice gazaouie où la pression familiale impose sa loi aux jeunes couples, « personne ne se marie sans s'endetter et passer deux ou trois ans à rembourser, parfois en revendant les bijoux en or offerts à la jeune mariée ».

 

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Mariages à taux zéro
On attendait d'eux une belle fête, avec robe blanche, salle de location, repas pour les invités et un appartement prêt à être habité. Pour que la famille du jeune marié soit satisfaite, « il faut compter 15 à 20 000 dollars », affirme Abdel Hakim Zoghbor. Ces deux ingénieurs de 27 ans n'auraient jamais pu réunir seuls une telle somme. Lui, architecte, a dû se reconvertir dans le design informatique et la décoration d'intérieur.
Falestine travaille avec des associations d'aide aux enfants. Impossible de demander un prêt aux banques quand on est payé au lance-pierres et sans revenu fixe. Avec leur campagne Internet de levée de fonds, le couple s'est attiré des critiques, ayant remis publiquement en cause la loi du silence.
Il y a encore quelques années, le territoire était connu pour ses mariages précoces, rappelle l'économiste Samir Abou Moudalala. Mais avec le blocus israélien, des dizaines de milliers de permis de travail en Israël ont été perdus, le chômage a grimpé en flèche et on se marie plus tard.
Oum Mohammad al-Mamlouk désespérait de marier son fils de 23 ans. Avec un mari malade et trop vieux pour travailler, elle s'est tournée vers un business qui fleurit à Gaza : les organismes de « facilitation du mariage ». Ces groupes, qui inondent les radios locales de publicité, proposent aux jeunes couples des prêts à taux zéro. Mohammad al-Bahtimi dirige un de ces organismes, al-Saada, qui propose un « package mariage » à 2 500 dollars.

 

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Cherche épouse avec salaire
« On est là pour que les jeunes n'attendent plus d'avoir 30 ans pour se marier », dit-il. « On demande un apport de 700 dollars. Ensuite le remboursement se fait chaque mois. En échange, on fournit la salle de fête, les photos en studio, la musique, les tenues des mariés, le repas et le transport des invités et l'ameublement de la chambre à coucher », détaille-t-il, en expliquant que son organisme finance ces prêts à taux zéro grâce à un partenariat avec les entreprises participant à l'organisation des festivités.
Oum Mohammad al-Mamlouk a pu marier son fils, à condition désormais de rembourser 400 shekels, environ 100 dollars, chaque mois pendant 18 mois. Le marasme économique affecte le choix des jeunes mariés, note Samir Abou Moudalala. « Des jeunes cherchent désormais des épouses qui travaillent pour les aider, soit parce qu'ils sont au chômage, soit parce que leur revenu ne suffit pas face aux prix qui ont flambé ces dernières années », dit-il. Attention, prévient M. Bahtimi, on n'aide que ceux qui peuvent rembourser.
Plus de 17 000 mariages ont été célébrés en 2015 dans la bande de Gaza où, en dix ans, le nombre de divorces a doublé.

 

 

 

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