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Culture - Installation

« L’arbre et moi sommes égaux ; je n’ai pas de pouvoir sur les choses »

La Nigériane Otobong Nkanga initie au Beirut Art Center un dialogue avec la terre auquel participent les acteurs de tout bord : ceux qui contribuent à la construire et ceux qui la détruisent inconsciemment.

L’homme serait-il ce puissant manipulateur ?, s’interroge Otobong Nkanga.

Il y a dans l'installation pluridisciplinaire d'Otobong Nkanga un sursaut pour un état des lieux, un constat quasi alarmant et une invitation à une prise de conscience.
Photographies, dessins et sculptures interrogent la notion de territoire et l'importance accordée aux ressources naturelles. À l'invitation de Marie Muracciole, directrice et curatrice du Beirut Art Center, l'artiste nigériane était venue il y a quelque mois pour effectuer un repérage. « Beyrouth a toujours été un endroit qui me fascinait, dit-elle, à cause des frontières et des lieux qui multiplient des problématiques dans la ville. Il me fallait donc créer une réflexion concernant ce lieu tout en faisant intervenir des éléments de l'extérieur. »

S'introduire dans sa tête par une lucarne

Après des études au Nigeria et à Amsterdam, Otobong Nkanga, née en 1974 à Kano (Nigeria), vit et travaille à Anvers (Belgique), mais continue à parcourir des pays et des villes qui constituent la tessiture de son travail. Son œuvre a été récemment exposée au Museum Folkwang (Essen), à Portikus (Francfort), à la Tate Modern (Londres), à l'Appartement 22 (Rabat) et aux biennales de Sao Paulo et Berlin.

L'homme et son territoire sont autant de thèmes qu'elle aborde sous plusieurs formes architecturales, sculpturales et photographiques. « Ce travail témoigne de la symbiose, de la connectivité entre les choses. Ce qui m'intéresse, c'est de décrypter les conditions sociales qui affectent la manière dont sont traités les êtres humains, et déchiffrer ces codes sociaux parfois invisibles qui régissent leur quotidien. Comment l'homme travaille, construit, se nourrit, et comment tous ces gestes affectent son rapport avec la terre. Au final, nous vivons tous sur cet espace fragile », précise Otobong Nkango.

Les photos prises ne sont pas spécifiques à Lagos ni à Beyrouth, ni même au Brésil, mais elles embrassent tout pays et toute ville qui souffrent du manque d'urbanisme, du manque d'entretien et d'un certain chaos. Pour étayer cette réflexion sur la vie urbaine qui s'étale tel un champignon venimeux sur le sol de la planète, l'artiste a préféré créer un espace de rêve. À partir d'une photo prise en 2004, elle a reproduit une chambre noire où elle s'est isolée durant cinq nuits pour dessiner ce qui lui passait dans la tête. « Comme dans un rêve, répète-t-elle. Au départ donc, je voulais acheter ce terrain pour y construire une maison. Mais bâtir signifierait détruire l'environnement. J'ai préféré alors rêver de cet espace et en partager la vision. C'est pourquoi la pièce a été aménagée de manière à ce que le corps rentre dans une situation performante.» Et de reprendre: «C'est toujours en imaginant que je dessine. Toutes ces lignes convergent vers une histoire de territoire, d'appartenance, d'être entre les deux : déraciné, enraciné. Mes dessins sont des territoires sans limites. »

Dialogue avec la terre

Construire, c'est bon, mais qu'en est-il de l'entretien? Parce que plus loin, les photos des bâtiments préfabriqués, enguirlandés d'antennes satellitaires et de linge étendu témoignent d'une totale absence d'entretien. «L'homme essaye seulement de survivre. Il n'a aucune vision lointaine de l'urbanisme et, ce qui est grave, c'est que cette mentalité est transmise à d'autres générations. À mes yeux, l'arbre et moi sommes égaux, contrairement à d'autres qui pensent avoir un pouvoir sur les choses. Mes paysages altérés (alterscapes) traduisent cette pensée.»

Lutter contre une mondialisation et un formatage au niveau du bâtiment, gérer les méthodes et les structures de construction et l'adapter par ailleurs aux conditions climatiques et sociales, c'est ce que cherche à aborder l'artiste nigériane d'une manière interactive autour de tables qu'elle a plantées dans l'espace du Beirut Art Center. Elle invite ainsi les acteurs agricoles, industriels et sociaux à participer à ces discussions à l'ombre d'une grande fresque murale qu'elle a achevée et qui traduit la connectivité entre les personnes générant des énergies positives pour la terre.

* Beirut Art Center (Jisr el-Wati). Jusqu'au 2 avril. Tél. : 01/397018.


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