« (...) Le malheur arabe, c'est aussi le regard des autres. Ce regard
qui empêche jusqu'à la fuite et qui, suspicieux ou condescendant,
vous renvoie à votre condition jugée indépassable, ridiculise
votre impuissance, condamne par avance votre espérance.
Et, souvent, vous arrête aux postes-frontières. »
Samir Kassir
La nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne continue de hanter les esprits des deux côtés de la Méditerranée. L'enquête n'a pas encore abouti, le rôle des réfugiés n'ayant pas été prouvé, que chacun y va de son interprétation des événements, jusqu'à crier (une nouvelle fois) au choc des civilisations. Le réfugié, nouvellement arrivé, arabe et musulman de surcroît, serait inapte à s'assimiler à une culture émancipée, une société moderne où la place de la femme ne fait plus débat, expliquent les tenants de cette thèse. L'homme arabe, réfugié ou immigré de longue date, est ainsi représenté comme un danger pour la société qui l'accueille, une véritable bombe à retardement capable de dynamiter tous les principes sur lesquels ces sociétés ont été fondées. L'angélisme ne percevant les réfugiés que comme des personnes en détresse a vite été débordé par une vague de xénophobie où l'Arabe, le musulman, l'étranger, le barbare et le terroriste ne sont perçus que comme un seul et même homme.
La culture de l'autre est-elle plus violente que la nôtre ? L'islam a-t-il un problème avec le sexe ? Peut-on répondre par l'affirmative sans être taxé d'islamophobie ?
L'écrivain algérien Kamel Daoud s'est retrouvé au cœur de cette triple polémique. Dans son article « Cologne, lieu de fantasmes », publié dans le quotidien italien La Repubblica, puis dans le journal Le Monde, il a tapé du pied dans la fourmilière. Mais en tentant de livrer son interprétation des faits, il a provoqué l'ire d'un collectif d'universitaires qui lui ont répondu dans une tribune également parue dans le journal Le Monde, « Nuit de Cologne : "Kamel Daoud recycle les clichés orientalistes les plus éculés" ». Ces derniers lui reprochent une lecture essentialiste, où les choix de l'acteur, réfugiés ou immigrés, sont interprétés uniquement en fonction de son appartenance religieuse et négligeant les facteurs socio-économiques.
Le débat n'est pas nouveau : il oppose l'approche théologique à l'approche sociologique, l'homeo religiosus à l'homo politicus, la droite et la gauche. Comme si les deux étaient nécessairement incompatibles. Comme s'il n'était pas possible de dire que le monde arabo-musulman a effectivement un problème avec la question sexuelle, mais que ce problème ne lui est pas propre et n'est qu'en partie imputé à l'islam. Cette « maladie du sexe » est perceptible dans toutes les strates de la société, chez les groupes minoritaires comme chez les musulmans. Les chrétiens d'Orient sont, jusqu'à présent, tout aussi engoncés dans certaines coutumes machistes, comme celle relevant de la virginité de la femme avant le mariage. Les ultraorthodoxes juifs, et toutes leurs séries de pratiques rétrogrades et opprimantes, comme présentées dans le film du réalisateur israélien Amoz Gitaï, Kadosh, relèguent, de la même façon, la femme au second plan. Musulmanes, chrétiennes, hindoues, bouddhistes ou juives, les sociétés traditionnelles sont patriarcales et complexées par la question sexuelle.
Mais la réalité, où se mêlent les non-dits, les mensonges et les faux-semblants, montre à quel point il serait réducteur d'opposer un Occident totalement libéré sexuellement à un Orient où le sexe est tabou.
Cologne ne peut être uniquement perçue comme la résultante d'un problème sexuel au sein de l'islam. Le religieux seul ne saurait expliquer pourquoi ces hommes, pour la plupart alcoolisés, se sont rués sur leurs victimes. Rien ne les incite à le faire dans les textes sacrés. Mais, à l'inverse, occulter la dimension religieuse dans le choix des acteurs de peur d'être taxé d'islamophobe tend à négliger un facteur qui, pour ne pas être le plus déterminant, n'en est pas moins important.
Peu d'intellectuels osent en effet avoir un esprit critique envers le monde arabo-musulman. Cette peur bleue est aussi palpable que celle d'être taxé d'antisémite lorsqu'une critique contre le judaïsme est émise. Pourtant, ce monde arabe est plus malade que jamais et ne peut s'épargner une sérieuse remise en question sur les plans politique, social, mais aussi religieux. Cela ne signifie pas pour autant de copier le modèle occidental, lui-même d'ailleurs malade à bien des égards, mais d'être capable de trouver un juste milieu qui permette aux peuples arabes de respecter leurs traditions tout en leur permettant de vivre dignement.
Pour mémoire
L’Arabe, l’autre, c’est mon frère
La nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne continue de hanter les...
commentaires (7)
Kamel Daoud "le sexe est la plus grande misère dans le monde d'Allah" MAIS EN MEME TEMPS ET SUREMENT LA PLUS GRANDE RICHESSE DANS LE PARADIS PROMIS AUX CROYANTS MUSULMANS PAR ALLAH?
Henrik Yowakim
16 h 48, le 22 février 2016