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Moyen Orient et Monde - Analyse

Le partenariat stratégique Chine/Iran : facteur d’apaisement des crises ?

Dans un contexte où la diplomatie de Pékin est de plus en plus active et multiplie les contacts multilatéraux au
Moyen-Orient, Téhéran occupe une place historique privilégiée dans l'affermissement de sa puissance mondiale.

Poignée de main entre le président chinois Xi Jinping et son homologue Hassan Rohani, le 23 janvier 2016 à Téhéran. Photo AFP

Samedi dernier, l'Iran et la Chine ont affiché leur volonté commune de renfoncer leur coopération économique multisectorielle qui devrait atteindre un niveau de 600 milliards de dollars dans 10 ans. Les deux pays se sont engagés « à mener des négociations pour la signature d'un accord de coopération élargie sur 25 ans », qui doit fonder un partenariat stratégique global. Dans le nouveau contexte de la levée des sanctions, les liens bilatéraux sino-iraniens vont donc considérablement s'intensifier dans les années à venir, et le volume des échanges gonfler de manière exponentielle. Les deux pays ont toujours entretenu une relation spécifique, sur la base de convergences et de bénéfices mutuels, portée par une philosophie pragmatique. Sur le terrain économique et financier, Pékin construit des partenariats solides et sectoriels avec un ensemble de pays selon la logique des ressources, mais l'Iran reste le pays qui occupe une place centrale dans sa stratégie d'enracinement au Moyen-Orient et en Asie centrale. L'Iran est vital du point de vue de l'approvisionnement énergétique et de la construction de la nouvelle route de la soie, dans une perspective de développement massif des voies de communication, et de transports terrestre et maritime.

Cependant, la relation entre l'Iran et la Chine ne peut se comprendre indépendamment du contexte historique de domination américaine sur le monde et de la nécessité de contourner l'endiguement. Par le passé, la Chine a trouvé dans l'Iran un partenaire indépendant sorti du giron américain et répondant aux besoins de sa politique énergétique, dans une configuration où les sources d'approvisionnement en hydrocarbures se trouvaient chez les pays alliés des Américains et donc avec un accès restreint. Aux demandes de fourniture de matériel militaire, d'assistance balistique et de technologie de pointe, par un Iran isolé en raison de la stratégie de containment depuis la révolution nationale islamique, la Chine a répondu positivement. Si cette coopération s'est quelque peu ralentie à la fin des années 1990 pour ménager les rapports de la Chine avec son rival américain, qui réclamait la fin de sa participation au programme balistique de l'Iran, Pékin n'a jamais totalement interrompu son aide à l'Iran.

 

(Lire aussi : Vers un « partenariat stratégique » entre Téhéran et Pékin)


Interrogé par L'Orient-Le Jour, Pierre Picquart, docteur en géopolitique, expert international spécialiste de la Chine et président fondateur du Centre d'études, de développement et de recherches internationales (Cedric), rappelle cependant que cette relation entre la Chine et l'Iran s'est construite autour d'une coopération multisectorielle et ne s'est pas restreinte à des intérêts économiques et financiers réciproques. « C'est un partenariat global, géopolitique et politique, avec une dimension culturelle entre deux civilisations plurimillénaires. » Il est vrai qu'au cours des années 2000, et notamment après l'accession au pouvoir aux États-Unis des néoconservateurs, la connivence géopolitique et la convergence d'intérêts face aux crises internationales (comme en Afghanistan ou en Irak) ont favorisé de plus en plus le rapprochement stratégico-politique, culminant avec la menace ouverte de Pékin d'un choc frontal entre les États-Unis et la Chine en cas d'attaque contre l'Iran. D'un autre côté, la Chine est restée très attachée à l'importance de ses échanges avec les grandes puissances et n'a jamais sacrifié ses relations d'intérêt avec les États-Unis, acceptant de limiter son soutien à l'Iran en fonction de la conjoncture, et a pris part aux sanctions économiques et condamné la position de l'Iran sur sa prolifération nucléaire, jugée irraisonnable.

Mais pour M. Picquart, cette attitude découle de la philosophie chinoise des relations internationales, caractérisée par le souci de privilégier la diplomatie et d'impulser pas à pas la construction de rapports économiques pacifiés dans le respect des particularités culturelles. « La Chine a préféré, dans sa philosophie des relations internationales, céder d'un pas, quitte à faire avec les années deux ou dix pas en avant. Les décisions sont étudiées et planifiées, et la Chine est amenée parfois à céder pour mieux sauter et mieux faire la paix. Ce ne sont pas des politiques réactives mais calculées de longue date depuis l'arrivée de Xi Jinping, avec des réajustements progressifs. Les dirigeants chinois ont la capacité extraordinaire de dissimuler leurs vœux diplomatiques pour parvenir à leurs fins », explique le spécialiste. Selon lui, il s'agit d'une vision antagonique de celle de l'impérialisme dans laquelle le pragmatisme se substitue à la confrontation directe, dans une stratégie de gagnant-gagnant, avec des bénéfices mutuels pour les deux parties prenantes à la coopération. La résultante de cette approche se retrouve dans une coopération globale qui embrasse les domaines économique, financier, commercial, politique et diplomatique. « De facto, le recul de la Chine était pour mieux ouvrir la porte plus tard à l'Iran », estime cet expert.


(Lire aussi : La Chine de plus en plus tentée par le Moyen-Orient)


Pour sa part, Bernard Hourcade, géographe spécialiste de l'Iran et directeur de recherche émérite au CNRS, résume pour L'Orient-Le Jour ce partenariat stratégique sino-iranien à la traduction politique d'une réalité économique issue de la conjoncture. « La Chine est le premier partenaire commercial de l'Iran en matière d'achat de pétrole et d'exportations. Elle a rempli un vide dans une période où l'Iran souffrait d'isolement diplomatique et, pour ne pas perdre ses acquis, a institué un partenariat dépassant le business conjoncturel. »

Les deux experts s'accordent sur le fait que l'investissement massif de la Chine au Moyen-Orient intervient dans une logique de bénéfice mutuel. Bernard Hourcade voit cet engagement de la Chine comme un rétablissement de l'équilibre entre l'Iran et l'Arabie saoudite, et la réhabilitation de l'approche diplomatique de même que de la voie négociée dans les résolutions des crises. « Avec leur puissance et leurs moyens, les Chinois vont se joindre aux Russes et aux Américains, et prendre part aux discussions stratégiques sur l'avenir de la région. » Pierre Picquart explique pour sa part que « les Chinois ont une culture et une mentalité de résilience ». « S'il est vrai qu'ils interviennent aujourd'hui dans le pré carré des Occidentaux et que cette situation va profiter à la Chine et à l'Iran, il n'y aura pas de réels perdants dès lors que l'on supprime une guerre et que l'on va favoriser la croissance économique. Cela va bénéficier à tout le monde si l'on n'est plus dans le rapport de forces, avec un lien de vassalité. »

 

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Samedi dernier, l'Iran et la Chine ont affiché leur volonté commune de renfoncer leur coopération économique multisectorielle qui devrait atteindre un niveau de 600 milliards de dollars dans 10 ans. Les deux pays se sont engagés « à mener des négociations pour la signature d'un accord de coopération élargie sur 25 ans », qui doit fonder un partenariat stratégique global. Dans le...

commentaires (1)

La Chine c'est le joker dans la manche de l'Iran npr. On le sortira en temps et en lieux voulus.

FRIK-A-FRAK

10 h 23, le 27 janvier 2016

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Commentaires (1)

  • La Chine c'est le joker dans la manche de l'Iran npr. On le sortira en temps et en lieux voulus.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 23, le 27 janvier 2016

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