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Moyen Orient et Monde - Mémoire

La France ouvre les archives de Vichy et fait tomber les derniers tabous

« On en finit avec la crainte du scandale. On assume. On va pouvoir mieux comprendre ».

Une photo du maréchal Pétain à Vichy en 1942. INP/AFP/Archives

En décidant d'ouvrir les archives du régime de Vichy, la France fait tomber les derniers tabous sur la collaboration avec l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale qui ont empoisonné le débat national pendant des décennies.

« On en finit avec la crainte du scandale. On assume. On va pouvoir mieux comprendre », se félicite le président de l'Association des archives nationales, Gilles Morin, alors que le gouvernement a décidé d'ouvrir quasiment toutes les archives de la police et de la justice datant de juin 1940 à juillet 1944.
Pendant cette période, l'Allemagne nazie occupe le nord de la France et le maréchal Philippe Pétain dirige la zone « libre » depuis Vichy, une ville du centre du pays, d'où il instaure une politique de collaboration avec l'occupant, se livrant notamment à des rafles massives dans la population juive.

Cette politique fit de 10 000 à 15 000 morts et 80 000 déportés civils, dont une petite moitié à peine revint en vie d'outre-Rhin. Mais, à la sortie de la guerre, forte des actions des résistants menés par le général de Gaulle, la France s'impose du côté des vainqueurs, obtient un siège au Conseil de sécurité de l'Onu, participe au partage de l'Allemagne...
Et le régime de Vichy est présenté comme une « parenthèse », un régime déconnecté de la République française. Ce n'est qu'en 1995 que le président Jacques Chirac reconnaît la responsabilité de l'État français dans la déportation de 76 000 juifs vers les camps de la mort. Né en 1932, Jacques Chirac était enfant pendant la guerre, contrairement à son prédécesseur, le socialiste François Mitterrand, qui fut rattrapé pendant son mandat (1981-1995) par son rôle controversé sous Vichy. Fonctionnaire, il avait été décoré en 1943 par le régime de Pétain, tout en participant à la Résistance.

« Aujourd'hui, le temps a passé. Les générations qui ont été impliquées dans la Seconde Guerre mondiale ne sont plus là. Ce n'est plus un objet politique chaud. On peut le rouvrir sans risque », observe l'historienne Annette Wieviorka.
C'est d'ailleurs l'actuel chef de l'État François Hollande, né après-guerre, qui, pour le 70e anniversaire de la fin du conflit, le 8 mai dernier, avait annoncé l'ouverture des archives afin de lutter contre « ces fléaux qui nous menacent : le révisionnisme, l'altération de la mémoire, l'oubli, l'effacement ».

Un Américain brise le mythe
Jusqu'alors, les archives étaient accessibles après obtention d'une dérogation, une procédure non automatique qui pouvait prendre « de quinze jours à six mois », selon Annette Wieviorka. Désormais, « seul un tout petit nombre de dossiers, ayant vraisemblablement trait à la vie privée », resteront inaccessibles, se félicite-t-elle. « Il ne faut toutefois pas construire l'image d'une France aux archives bloquées, tempère Denis Peschanski, directeur de recherche au centre CNRS. Grâce à elles, on a déjà écrit des dizaines de livres sur la France des années noires ».

L'un des plus emblématiques d'entre eux, La France de Vichy de Robert Paxton, fut néanmoins réalisé sur la base d'archives... allemandes saisies par l'armée américaine. Sa sortie, en 1973, fit l'effet d'une bombe. L'ouvrage dévoila la collaboration étatique avec l'occupant, aux antipodes du mythe d'un pays uni dans la Résistance. Aujourd'hui, de nombreuses recherches plus tard, peu de révélations sont à attendre sur le régime de Vichy, « l'essentiel » ayant « déjà été écrit », selon les historiens interrogés.
Outre l'État français, entre 150 000 et 200 000 Français furent aussi « collaborationnistes » et des centaines de milliers d'autres s' « accommodèrent » de la situation, tel l'auteur Jean Cocteau, « qui était de tous les pince-fesses avec les autorités allemandes », note Denis Peschanski.

Reste à expliquer pourquoi l'ouverture des archives est circonscrite à Vichy et exclut les guerres d'Indochine ou d'Algérie, pourtant largement étudiées. « La déclassification systématique est la règle aux États-Unis et au Royaume-Uni. Dans les pays de l'Est, on a rapidement ouvert les archives après la chute du mur, souligne Gilles Morin. Mais en France, on a peur de notre ombre. »

 

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En décidant d'ouvrir les archives du régime de Vichy, la France fait tomber les derniers tabous sur la collaboration avec l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale qui ont empoisonné le débat national pendant des décennies.
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commentaires (5)

IL Y A TROP À DIRE... ET À REDIRE DANS CETTE HISTOIRE !

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 58, le 02 janvier 2016

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Commentaires (5)

  • IL Y A TROP À DIRE... ET À REDIRE DANS CETTE HISTOIRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 58, le 02 janvier 2016

  • François Mitterrand, en dépit de son rôle controversé sous Vichy et du complot fictif dans l'Affaire de l'Observatoire, est parvenu par sa roublardise à se faire élire Président de la République de 1981 à 1995. Malgré 14 ans de pouvoir, presque aucune trace ne reste de son mandat.

    Un Libanais

    13 h 18, le 01 janvier 2016

  • Voilà que F. Hollande, plus connu sous le nom ...du capitaine de pédalo , tente de blanchir Mitterrand ...collabo des heures sombres de la France , qui a reçu ,tout de même , la médaille de la francisque ...et le parti SFIO (ex parti socialiste ) pendant la guerre ,qui a voté ...il me semble ...les lois anti-françaises ,qui ont permis la déportation des milliers de juifs et d'autres français vers les camps de la mort ,dans l'Allemagne du grand malade criminogène du 20ème siècle Hitler ...

    M.V.

    05 h 32, le 01 janvier 2016

  • Si, le sujet était tout à fait tabou jusqu’au jour où Jacques Chirac a avoué la responsabilité de la France, et non seulement de "L’État Français" ! Pétain a été mis au pouvoir avec pour mission, l’espérance qu'il pourra peut-être rééditer "l'exploit" de Verdun. Et, en désespoir de cause.... collaborationniste et soumis et telle la dernière cigarette du condamné, il avait alors sorti de son gousset cette "histoire" d'épée et de bouclier alors que cette même "épée" avait été condamnée à mort par ce même fichu "bouclier" dès le début, depuis 40 ! E la nave va !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 42, le 31 décembre 2015

  • Le sujet n'est pas tabou, c'est prendre la défense de Pétain qui l'est. Un gouvernement incapable et corrompu, des militants communistes saboteurs dans les usines d'armement (c'était encore l'accord Hitler Staline): la France était vaincue, écrasée. Pétain avait été mis au pouvoir avec mission de signer l'armistice. A-t-il eu le choix de céder ou non aux exigences du vainqueur? N'a-t-il pas dit: "De Gaulle était l'épée, j'étais le bouclier"?

    Yves Prevost

    07 h 13, le 31 décembre 2015

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