Rechercher
Rechercher

Liban

L’indignation de Mgr Audi, fidèle à la mémoire de Gebran Tuéni

Le métropolite de Beyrouth triste que « le sang des martyrs ait ainsi été galvaudé ».

La famille Tuéni, samedi, assistant à l’office.

C'est un véritable réquisitoire que le métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audi, a dressé contre les différents responsables, samedi, à l'occasion de la messe célébrée pour la dixième commémoration de l'assassinat de Gebran Tuéni, en la cathédrale Saint-Georges, dans le centre-ville de Beyrouth, en présence des membres de la famille Tuéni. Une manière de célébrer la mémoire du journaliste assassiné, en poussant un véritable appel à s'indigner face au fiasco actuel de la situation locale à tous les niveaux.
« C'est la dixième fois que nous nous réunissons pour prier pour le repos de l'âme de notre cher Gebran, et le chagrin nous étouffe, dans la mesure où nous nous demandons plus que jamais si ce pays mérite ses martyrs et si Gebran et ses compagnons ont été assassinés pour que leur sang soit galvaudé », a affirmé d'emblée Mgr Audi dans son homélie.
« Gebran Tuéni, Samir Kassir, Georges Haoui, Pierre Gemayel, Walid Eido, Antoine Ghanem, François el-Hage, Wissam Eid, Wissam el-Hassan et d'autres sont-ils morts pour que la patrie s'étiole et que son esprit s'évapore progressivement? » s'est-il interrogé. Et de poursuivre : « Le Liban n'a plus de président qui le représente, symbolise son unité et préserve son indépendance et l'intégrité de son territoire ; ni un Parlement qui légifère en faveur d'une vie démocratique meilleure et contrôle et sanctionne l'action du gouvernement ; ni un cabinet qui trace la politique générale de l'État, veille à l'application des lois et des règlements et œuvre afin de rendre la vie des gens meilleure et de résoudre leurs problèmes sociaux et économiques ; ni une administration qui remplisse ses devoirs vis-à-vis du peuple ; ni des services qui fonctionnent hors de la corruption généralisée et du partage du gâteau clientéliste. »
« Dans l'un de ses articles de 2003, Gebran se demandait : "Qui peut juger qui, au sein de cet État en faillite et compromis ? L'État a totalement perdu toute crédibilité vis-à-vis du peuple, et il est malheureux qu'il ne cherche pas à regagner la confiance des gens." Il est honteux que ses propos continuent de s'appliquer à notre situation en 2015 », a noté Élias Audi.
« Il est honteux et triste que le monde entier – même les pays que nous pensions devancer de loin – progresse et prospère (...) alors que nous allons de mal en pire et régressons jour après jour et année après année, au point que le citoyen abjure sa patrie, son État et ses responsables, voire que les ordures envahissent les rues et les routes, alors que l'État est incapable de trouver une solution à ce problème. Comment pourrait-il alors trouver une solution à un fauteuil qui est vacant depuis de longs mois... » a-t-il ajouté.

Pauvre Liban que le nôtre !
« Nous avons été très tristes de perdre Gebran et tous les martyrs de cette patrie. Cependant, notre tristesse est décuplée aujourd'hui, parce que le sang de ces êtres aimés a arrosé une terre rocheuse et stérile. Leurs rêves d'un nouveau Liban n'ont pas fleuri, d'une patrie où ses fils vivraient dans le giron d'un État fort, juste, sûr, stable, souverain et à même de parrainer ses fils sans aucune distinction, unis, chrétiens et musulmans, œuvrant tous ensemble en faveur du Liban grandiose, comme Gebran en avait prêté le serment, apprenant aux Libanais comment prêter serment », a-t-il souligné.
Et Mgr Audi de s'exclamer : « Pauvre Liban que le nôtre, sans tête depuis près de 19 mois, aux institutions démocratiques paralysées et au peuple qui se lamente ! Nous sommes un peuple qui assassine ses institutions de ses propres mains et les paralyse, avant de les pleurer. Les députés et les ministres ne sont-ils pas responsables du peuple? Pourquoi ne remplissent-ils pas leur devoir à l'égard de leur patrie et de ceux qu'ils représentent ? Pourquoi n'appliquent-ils pas les lois et les règlements qui régissent la vie démocratique? Où est le citoyen ? Pourquoi ne remplit-il pas son rôle de contrôle? Pourquoi ne fait-il pas pression sur ses députés en rejetant la prorogation du mandat de la Chambre et en réclamant l'élection d'un président de la République ? Pourquoi ne se soulève-t-il pas contre le blocage du gouvernement et la paralysie du pays ? Certains pourraient dire qu'il s'est soulevé. Oui, nous avons eu vent de certaines protestations, mais elles se sont rapidement politisées ou ont été manipulées avant de s'éteindre. »
« Les citoyens se sont-ils habitués à la situation misérable, au chaos et à la corruption généralisés ? Y a-t-il une raison logique expliquant pourquoi l'électricité est toujours rationnée en dépit des promesses, l'eau rare malgré l'abondance des pluies, l'infrastructure pourrie et les routes sombres, malgré les accidents qui ont coûté la vie à tant de personnes, sans oublier les ordures qui remplissent les rues depuis de longs mois, et les bazars qui puent ? Si nous sommes incapables d'élire un président, de tenir une séance législative ou de raviver le Conseil des ministres, pourquoi sommes-nous incapables d'appliquer les lois, le code de la route en particulier, alors que nous avons été témoins cette année d'accidents terribles dont de chers citoyens ont été victimes, les derniers en date étant deux agents de la Sûreté générale, le tout en raison du laxisme dans l'application de la loi ? » s'est demandé le métropolite de Beyrouth.
Et Mgr Audi de conclure : « Refuser de voir la vérité en face, c'est faire preuve de collusion et de soumission à une réalité honteuse. Il est du devoir de tous de voler au secours de la patrie, avant qu'ils ne la perdent, et avec elle l'avenir de leurs enfants. Si Gebran était vivant, il aurait réécrit ses propos de l'an 2000 : "Il nous est demandé avant tout une entente nationale réelle qui débuterait par la reconnaissance et le respect de l'autre, traité en tant que partenaire réel dans le cadre du chantier de l'édification de la patrie. N'est-ce pas là le rôle des chefs, des leaders et de l'État, celui de rassembler sous un seul plafond ceux qui ont des opinions divergentes dans la politique au quotidien, d'assimiler chacun des membres de la famille, d'être l'arbitre et le gouverneur, le père, le frère et l'ami ?" J'ajouterai : d'œuvrer pour que la patrie nous sied et vice-versa. Nous prions à cette occasion pour que Dieu inspire à tous les Libanais, responsables et citoyens, de s'épauler avec amour, confiance et respect mutuel, pour sauver la patrie avant qu'il ne soit trop tard. »
Étaient présents à la cérémonie les ministres Ramzi Jreige, Achraf Rifi, Boutros Harb et Michel Pharaon, les députés Farid el-Khazen, Robert Ghanem, Fouad el-Saad, Mohammad Kabbani, Nidal Tohmé, Khaled Zahraman, Joseph Maalouf, Marwan Hamadé et Ghassan Moukheiber, les anciens ministres Nayla Moawad, Mohammad Rahal et Edmond Rizk ainsi que l'ambassadeur de France, Emmanuel Bonne, et l'ancien président de la Chambre, Hussein Husseini.

C'est un véritable réquisitoire que le métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audi, a dressé contre les différents responsables, samedi, à l'occasion de la messe célébrée pour la dixième commémoration de l'assassinat de Gebran Tuéni, en la cathédrale Saint-Georges, dans le centre-ville de Beyrouth, en présence des membres de la famille Tuéni. Une manière de célébrer la...

commentaires (2)

MONSEIGNEUR AUDI FERAIT BIEN DE RÉCLAMER À HAUTE VOIX LA RESTITUTION DES POSTES DE MINISTRES ET DE DIRECTEURS DE MINISTÈRES ACCAPARÉS DES ORTHODOXES PAR LES AUTRES COMMUNAUTÉS... DANS L'ATTENTE...

LA LIBRE EXPRESSION

22 h 43, le 14 décembre 2015

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • MONSEIGNEUR AUDI FERAIT BIEN DE RÉCLAMER À HAUTE VOIX LA RESTITUTION DES POSTES DE MINISTRES ET DE DIRECTEURS DE MINISTÈRES ACCAPARÉS DES ORTHODOXES PAR LES AUTRES COMMUNAUTÉS... DANS L'ATTENTE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    22 h 43, le 14 décembre 2015

  • Merci Mgr Audi. Aimer sa patrie, la défendre et se sacrifier pour elle, ce n'est pas être un nationaliste idolâtre, un adorateur de dictateurs et de dictatures, confondre l'anarchie politique et l'exercice légitime et prudente (au sens noble)de la démocratie et des droits de l'homme. Le Christ, par son incarnation et sa passion, n'est pas devenu un idolâtre des hommes, un négateur de l'amour naturel.C'est une erreur d'interpréter son pardon de cette façon. Nous non plus nous ne sommes pas des idolâtres si nous aimons notre patrie. Union de prière avec mgr Audi pour que se développe une véritable liberté politique et tolérance religieuse au Liban. C'est tout autre chose qu'un pardon pervers.

    dintilhac bernard

    10 h 55, le 14 décembre 2015

Retour en haut