Un portrait de l'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la révolution iranienne. REUTERS/Raheb Homavandi/TIMA
La guerre civile syrienne a conduit au revirement spectaculaire de l'Iran en Orient arabe. Le principal mécène du Hamas et des Frères musulmans s'est finalement retourné contre ses poulains fréristes et salafistes du monde arabe, quand ils ont menacé de faire tomber le gouvernement nationaliste laïc de Damas, qui montrait pourtant sous Hafez el-Assad de sérieuses réserves à l'encontre du nécessaire allié perse. C'est que Damas est l'articulation indispensable entre l'Iran et la côte méditerranéenne du Levant, où le Hezbollah est le pion principal du jeu iranien en Orient arabe.
Tombé dans le panneau des mouvements fréristes et salafistes palestiniens, l'Iran a cru trouver en eux les intermédiaires indispensables de la réconciliation entre sunnites et chiites, qui devait sceller la direction perse de l'Orient, sous le régime khomeyniste de la wilayat al-faqih : le Gouvernement des clercs. Ainsi, les Iraniens ont soutenu les groupes armés extrémistes (palestiniens) dans les camps de réfugiés au Liban. Ils ont parrainé le Hamas et se sont servis de la Syrie pour faire avorter l'ambitieux projet de paix arabe avec Israël, proposé par feu le roi saoudien, Abdallah II. Quoiqu'Israël l'ait lui-même saboté.
Sauf que les Frères musulmans et leur progéniture salafiste pratiquent aussi la tawqiya. À l'affût de la bonne occasion, ces partisans d'Ibn Taymiya se sont retournés contre leurs parrains syriens et iraniens, en participant à la rébellion armée contre Bachar el-Assad et son gouvernement, le Hamas ayant rallié le Qatar au même moment. Seul le président Mohammad Morsi en Égypte préserva prudemment les relations de la confrérie avec l'Iran.
Si bien qu'on peut rire aujourd'hui des discours réclamant une alliance avec la Perse islamique pour combattre les jihadistes. Certes, il y a une crise extrêmement dangereuse de la pensée religieuse sunnite, qui a accouché des idéologies meurtrières et nihilistes qui ensanglantent l'Orient depuis le siècle dernier. Mais le courant khomeyniste est une déviation du chiisme classique aussi fasciste que sont totalitaristes les Frères musulmans, les salafistes et Daech (acronyme arabe de l'organisation État islamique).
Faut-il rappeler que ce sont les attentats d'el-Qaëda, dont certains cadres ont trouvé refuge en Iran, et les expropriations par les milices chiites qui ont conduit au premier épisode de l'exode des chrétiens irakiens ? De même, l'abaissement de l'âge légal du mariage des jeunes filles à 9 ans a été proposé par un parti chiite et validé par le Conseil des ministres irakien.
La monstruosité islamiste a deux têtes, lesquelles ont de multiples facettes. Ses deux visages sont les Frères musulmans et le khomeynisme d'État. Parmi leurs facettes, on compte el-Qaëda, Daech et les milices chiites irakiennes.
L'unique raison qui a conduit l'Iran à combattre Daech et el-Qaëda, c'est la menace existentielle qu'ils font peser contre elle. Ces mouvements (c'est moins vrai pour el-Qaëda) souhaitent l'extermination totale des chiites. L'Iran est-elle allée à la guerre pour les chrétiens arabes et autres chrétiens d'Orient, en cours d'extermination par Daech ?
Certes, le chiisme connaît une tradition exégétique et philosophique bien supérieure au sunnisme. Mais le potentiel social de sécularisation des sociétés sunnites, qui ont été, autrefois, partisanes du communisme (athée) et du nationalisme, conjugué à l'effort inédit de réforme entrepris par al-Azhar (à la demande du président égyptien Abed al-Fattah al-Sissi), nous rappellent que l'État le plus engagé contre l'islam politique est l'Égypte ; pas du tout l'Iran. Les autres pays qui peuvent offrir l'appui nécessaire à la réussite du projet égyptien sont : les Émirats arabes unis, le Bahreïn et la Jordanie.
Il faut néanmoins insister sur la nécessité que ces États tout relativement progressistes (en fait, progressistes par rapport à l'extrémisme d'État de l'Iran, de l'Arabie saoudite et du Qatar) devront in fine trouver l'équilibre entre leur nécessaire politique sécuritaire à l'intérieur, et l'indispensable ouverture aux libertés d'opinion et d'expression, sans lesquelles la réforme religieuse, qui engage aussi à la réforme sociale, échouera sans aucun doute.
Si l'on devait travailler pour l'émergence d'une coalition efficace contre Daech (et tous les autres groupes armés jihadistes), nous devrions certes y faire participer l'Iran, puissance incontournable, mais il serait impossible de réussir en l'absence de la coalition des forces arabes progressistes : l'Égypte, les Émirats arabes unis, Bahreïn et la Jordanie. Par ailleurs, cette coalition serait inefficace si elle se concentrait exclusivement sur l'islamisme sunnite.
La défaite de Daech et des autres groupes armés sunnites devra s'accompagner immédiatement de la dissolution des milices chiites en Irak et de la branche armée du Hezbollah au Liban et en Syrie. C'est pourquoi nous devons refuser, contrairement à la demande formulée récemment par l'ancien Premier ministre français François Fillon, d'impliquer le Hezbollah dans la coalition contre Daech. La coalition devra détruire Daech et les groupes armés sunnites, et elle devra aussi dissoudre tout mouvement chiite armé dans la région. Les seules forces armées acceptables devront être les armées régulières nationales.
Si bien que la normalisation des relations de la communauté internationale avec l'Iran est possible à ces conditions seulement : la dissolution des milices chiites en Irak, la dissolution de la branche armée du Hezbollah (une fois Daech et el-Qaëda en Syrie vaincus) et le respect absolu par l'Iran de la souveraineté de Bahreïn.
Cette dernière condition est extrêmement importante. De la souveraineté de Bahreïn sont dépendantes la stabilité de la péninsule et de l'Irak. Bahreïn est, en outre, la deuxième force progressiste du Golfe, derrière les Émirats arabes unis, et peut jouer un rôle considérable dans la promotion dans le Golfe et la péninsule de la réforme engagée par al-Azhar.
C'est à ces conditions que nous éviterons de tomber irrémédiablement dans les pièges de la guerre de religion sunnite-chiite.
Nader ALLOUCHE
Journaliste spécialiste du Moyen-Orient
Twitter : @nader_allouche
La guerre civile syrienne a conduit au revirement spectaculaire de l'Iran en Orient arabe. Le principal mécène du Hamas et des Frères musulmans s'est finalement retourné contre ses poulains fréristes et salafistes du monde arabe, quand ils ont menacé de faire tomber le gouvernement nationaliste laïc de Damas, qui montrait pourtant sous Hafez el-Assad de sérieuses réserves à l'encontre...
commentaires (7)
1 :C’est la haine de l’Arabie Saoudite sunnite qui oriente tous les comportements de l’Iran Chiite . L’ennemi de son ennemi étant son ami, normal donc que le « mécène » iranien ait supporté le Hamas ennemi du Fatah ami de l’Arabie Saoudite et les Frères Musulmans qui considèrent les pétromonarchies arabes comme des régimes impies. Tout aussi normal que l’Iran chiite se détournât d’eux quand ils se sont alliés a la Rébellion syrienne contre le régime « laïc » des gangsters alawito/chiites du Baas Syrien. 2 : Tout aussi normal qu’après le 9/11 l’antisaoudien AlQaidiste AlZaaawahiri ait trouvé refuge chez ses amis Iraniens. Quand a Daech , ennemie de la Révolution syrienne et du régime saoudien, il était normal qu’elle soit promue par le régime terroriste du Baas syrien.
Henrik Yowakim
16 h 25, le 02 décembre 2015