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Moyen Orient et Monde - France

« Un radical, pour moi, ne fête pas Noël ou Halloween, et il s’en fout de la vie »

Suite aux attentats de Paris, plus de 260 personnes considérées comme « très radicales » ont été contraintes à rester chez elles par les forces de sécurité. Elles oscillent entre colère et incompréhension...

Un officier de police posté près du Bataclan à Paris, le 25 novembre. Éric Gaillard/Reuters

Confusion, précipitation, incompréhension. Parmi les plus de 260 assignés à résidence dans le cadre de l'état d'urgence décrété en France après les attentats, certains, obligés de pointer plusieurs fois par jour au commissariat de police, ont du mal à saisir pourquoi on leur impose une telle mesure. « Vous êtes emprisonné, mais chez vous » : Karim vit un « cauchemar » depuis que les gendarmes lui ont signifié son assignation. Ses torts ? Selon l'arrêté, il est « considéré comme très radical » et s'est « publiquement félicité » des attentats de janvier. Lorsque les visées laser des armes des gendarmes tournoyaient sur les murs de sa chambre, Karim (dont le prénom a été modifié pour préserver son anonymat), 37 ans et père de deux enfants, s'est « figé ». « Je ne pouvais plus bouger, je me souviens avoir dit à ma femme : Ils vont me tuer », raconte-t-il, encore choqué.
Planté au milieu d'un vaste salon moderne dans sa maison en lointaine banlieue de Paris, Karim ne comprend pas ce qu'on lui reproche. « Un radical, pour moi, il ne fait pas la bise aux femmes, n'a pas la télé chez lui, il empêche sa femme de partir seule en vacances, il ne fête pas Noël ou Halloween et il s'en fout de la vie », égrène ce passionné de belles voitures. « On nous accuse d'être des terroristes, c'est grave ! » s'insurge son épouse, une grande brune de 33 ans aux cheveux relevés en chignon. Le voile ou le niqab n'ont pas de place dans sa garde-robe. Le bikini, oui. Pour preuve, une photo de vacances, le couple en maillot de bain, entouré d'amis, dans une eau turquoise : « C'était l'an dernier en Thaïlande. On s'est battu pour avoir ce qu'on a, on travaille, et aujourd'hui on nous tombe dessus. Pourquoi ? Parce qu'on est des musulmans ? Mais on ne va pas se cacher parce qu'on est musulman », dit-elle, les larmes aux yeux.

Cas « légitimes »
« C'est du délire », abonde leur avocat Yassine Yakouti, inquiet pour son client qui « risque de perdre son boulot ». L'arrêté « n'est étayé par rien ». Son client, « inconnu des services de police et de la justice », n'a « jamais été placé en garde à vue, jamais été signalé », et a obtenu le renouvellement de son autorisation de travail dans un aéroport parisien en juillet. Dénonciation calomnieuse ? Jalousie ? Homonymie ? Ils assurent ne pas comprendre. Si le gouvernement invoque la nécessité de « lutter sans merci contre le terrorisme et contre toutes les menaces à l'ordre public », ce couple n'est pas le seul à manifester son incompréhension depuis les attentats du 13 novembre, qui ont fait 130 morts à Paris.
L'avocate Daphné Pugliesi raconte ainsi le « cas ubuesque » d'un couple qui a signalé à la sous-direction antiterroriste (Sdat) le départ de plusieurs de ses proches en Syrie. Une forme d'appel à l'aide, et une démarche « de citoyen, de citoyen français ». Les services antiterroristes leur demandent de « maintenir le contact », ils coopèrent. Et lui se retrouve assigné à résidence, justement car on lui reproche ses contacts en Syrie. « Ils ont fait ce qu'on leur a demandé de faire, aujourd'hui on le leur reproche », s'insurge Me Pugliesi. L'avocate, qui va contester l'assignation, espère que la justice fera le tri. Attention à « ne pas rentrer dans le jeu des terroristes, prévient-elle, leur but, c'est de nous plonger dans un état qui ne soit plus un état de droit », « que notre société devienne une société liberticide ».
Des élus ont appelé mercredi le Parlement à un « devoir de vigilance » sur l'application de l'état d'urgence. L'objectif est qu'« il n'y ait pas de dérapages, de dérives, par exemple des perquisitions violentes ou des assignations à résidence ne s'appuyant pas sur des éléments précis », a déclaré le député communiste André Chassaigne. « Il y a forcément des cas tout à fait légitimes », reconnaît Me Pugliesi, dont certains clients « le sont forcément », et ne contestent pas leur assignation à résidence.
Ambre TOSUNOGLU
et Sylvain PEUCHMAURD/AFP

Confusion, précipitation, incompréhension. Parmi les plus de 260 assignés à résidence dans le cadre de l'état d'urgence décrété en France après les attentats, certains, obligés de pointer plusieurs fois par jour au commissariat de police, ont du mal à saisir pourquoi on leur impose une telle mesure. « Vous êtes emprisonné, mais chez vous » : Karim vit un...

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