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Liban - Tribune

Les maniaco-terroristes

« Et l'œil était dans la tombe et regardait Caïn »

Salah Abdessam conduisait une des voitures qui ont véhiculé la mort à Paris, ce vendredi 13 novembre. Il a déposé, en plusieurs lieux, des terroristes ceinturés qui se sont fait sauter, assassinant des dizaines d'innocents. On suppose qu'il est un des artificiers qui ont confectionné les ceintures. Parmi les bombes humaines qu'il a déposées boulevard Voltaire (philosophe des Lumières), se trouvait son frère, Brahim.
Quand Dieu demanda à Caïn qui venait d'assassiner Abel : « Où est ton frère ? », Caïn répondit : « Suis-je le gardien de mon frère ? » Que répondra Salah Abdessam à sa mère quand celle-ci lui posera la même question : « Où est ton frère ? »
A-t-il regardé Brahim dans les yeux au moment de le quitter ? A-t-il regardé son visage où devrait s'incarner la loi morale comme le dit le philosophe Levinas ?
Y a-t-il lu de l'humain ? Le cinquième des 10 commandements, « Tu ne tueras point », lui a-t-il seulement effleuré l'esprit ? Là où la philosophie parle de loi ou de conscience morale, la psychanalyse parle de surmoi : l'instance psychique de la censure, celle qui empêche certains passages à l'acte.
Comment s'expliquer cette perte d'humanité, cette cruauté ? Par la radicalisation ? Que veut-elle dire ? Pourquoi des jeunes, âgés majoritairement entre 15 et 30 ans, peinant à se construire une identité, abdiquent-ils de leur idéal du moi en faveur de celui d'un leader, d'un « émir de katiba », pour lui obéir aveuglément et y laisser leur bien le plus précieux : leur vie ? Une analogie s'impose entre « la secte des assassins » et Daech, entre Alamout et Raqqa, comme si, pour une partie de l'humanité, la montre s'est arrêtée il y plus de dix siècles : « endoctrinement, entraînement militaire, infiltration, stratégies de terreur, assassinats spectaculaires... »
La question de l'endoctrinement et du passage à l'acte dépasse l'opposition : pulsion de vie / pulsion de mort, pour approcher la question du surmoi et celle de l'idéal du moi. Dans le dictionnaire de la psychanalyse, Laplanche et Pontalis définissent l'idéal du moi comme : « Une instance de la personnalité résultant de la convergence du narcissisme et des identifications aux parents et aux idéaux collectifs. » C'est un modèle auquel le sujet cherche à s'identifier, à se conformer. Mais quand cette identification défaille, l'individu renonce à son idéal du moi en faveur de l'idéal collectif, incarné dans le chef. C'est-à-dire qu'on assiste à la dilution de l'individu dans le groupe, de la disparition de l'individuel au profit du collectif.
Fathi Benslama, professeur de psychopathologie à l'Université Paris-Diderot et psychanalyste, parle de la radicalisation comme de la recherche par les désespérés « d'un produit excitant ». Le phénomène de la radicalisation s'apparenterait donc à celui à la dépendance des toxicomanes ? Sans doute, puisque les pouvoirs publics en France réfléchissent à la déradicalisation (comme à la désintoxication) et aux mesures pour lutter contre les rechutes.
Le terrorisme est-il une « manie » au sens pathologique du terme ? Une lutte contre la mélancolie ? Une lutte contre ce deuil interminable de la perte du califat ?
Orhan Pamuk, turc, Prix Nobel de littérature, parle du hüzün qui hante ses compatriotes depuis la chute de leur empire.
La manie servirait de mécanisme de défense contre le mépris, qui deviendrait mépris de soi, qui évoluerait en haine de soi dont on se libérerait par la haine de l'autre ?
Samy Amimour, dont le nom est si antinomique avec ses actes, est un des terroristes qui a tiré au Bataclan, à bout portant, sur les spectateurs du groupe « Eagles of Death Metal ! » avant de se faire sauter lui-même, assassinant des dizaines d'innocents. Des personnes dont il a eu le temps – près de 2 heures – de voir le visage et de croiser le regard. Qui étaient-ils pour lui ? Certainement pas des frères en humanité. Buber, le philosophe de l'intersubjectivité, dit qu'en l'absence du je-tu, l'autre est réifié, chosifié... comme chez le pervers. L'autre sert de déversoir aux pulsions agressives, qui sinon se retourneraient contre soi, sauf qu'elles finissent par se retourner contre soi.
Que répondra Samy Amimour à sa mère (ici ou ailleurs) quand celle-ci lui posera la question : « Où est ton frère » en humanité ?
Même si la France et les Français assistent sidérés à l'irruption de la violence extraordinaire dans leur vie ordinaire, la meilleure réponse à opposer aux terroristes est celle de la loi et celle de la devise de leur République, surtout comme elle est reprise par Obama : « Libertey. Egalitey. Fraternitey. »

Carla YARED
Psychanalyste

« Et l'œil était dans la tombe et regardait Caïn »
Salah Abdessam conduisait une des voitures qui ont véhiculé la mort à Paris, ce vendredi 13 novembre. Il a déposé, en plusieurs lieux, des terroristes ceinturés qui se sont fait sauter, assassinant des dizaines d'innocents. On suppose qu'il est un des artificiers qui ont confectionné les ceintures. Parmi les bombes humaines qu'il a...

commentaires (2)

PERTE DE TEMPS... QUAND BELZÉBUTH CHANGE DE NOM IL S'APPELLE LUCIFER...

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 41, le 18 novembre 2015

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Commentaires (2)

  • PERTE DE TEMPS... QUAND BELZÉBUTH CHANGE DE NOM IL S'APPELLE LUCIFER...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 41, le 18 novembre 2015

  • "La meilleure réponse des Français à opposer aux terroristes est celle de la devise de leur République, surtout comme elle est reprise par Obama : Libertey. Egalitey. Fraternitey." ! Qu'ils l'appliquent first à la partie de leur population la plus discriminée, i.e. celle issue de l'immigration maghrébine cent pour cent musulmane !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 24, le 18 novembre 2015

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