Malgré la victoire électorale du parti du président Recep Tayyip Erdogan, dimanche, les habitants de Diyarbakir (Sud-Est), épuisés par la guerre, veulent encore croire à une reprise du processus de paix entre le gouvernement et les rebelles kurdes. « 40 000 morts depuis 1984... Ça suffit, il faut que ça s'arrête », soupire Seehriban Cinak.
Depuis juillet, les combats ont repris entre les forces de sécurité turques et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), faisant voler en éclats un fragile cessez-le-feu qui tenait depuis 2013. Dans le district de Sur, où habite la jeune femme, les jeunes partisans des rebelles font régulièrement le coup de feu avec la police. Dimanche, les électeurs y ont voté sous forte protection, dans des bureaux aux façades criblées de balles et surveillés par des blindés. « Ces deux dernières années, les gens qui, avant, ne connaissaient que la guerre se sont habitués à la paix, à la sérénité », explique Hakan Akbal, 39 ans, qui préside une association de jeunes entrepreneurs du sud-est de la Turquie. « Cela s'est ressenti dans les résultats des élections », souligne-t-il. Dans la seule ville de Diyarbakir, l'AKP est parvenu à arracher deux des onze sièges à pourvoir, un de plus qu'en juin, en agitant pendant la campagne la menace du « chaos ». Les habitants de la « capitale » du sud-est à majorité kurde de la Turquie regardent désormais vers le palais présidentiel d'Ankara, convaincus que leur avenir dépend plus que jamais de la volonté de l'homme fort du pays.
Sortir le processus du « frigo »
« Le processus de paix est entre les mains du président. C'est lui qui l'a initié (...) et c'est lui qui l'a fait dérailler », juge Nevzat Celikten, 65 ans, « il faut qu'il s'en occupe ».
Pendant sa campagne, M. Erdogan a promis au pays de poursuivre le combat contre les « terroristes » du PKK jusqu'à leur fin. « Le résultat des élections a livré un important message pour le PKK », a-t-il répété après sa victoire sur un ton ferme, « l'oppression et l'effusion de sang ne peuvent coexister avec la démocratie ». En août, alors que les combats faisaient rage, le chef de l'État avait signalé que le processus de paix était « au frigo ». « Malheureusement, ils (les Kurdes) n'ont pas compris ce que nous avions fait pour eux », avait-il ajouté en faisant porter la responsabilité de l'échec des discussions sur les rebelles. Le PKK et les partisans de la cause kurde attribuent au contraire cet échec aux promesses de réformes non tenues par Ankara. « Les élections sont passées, il faut maintenant sortir le processus du frigo », presse Omer Ak, 48 ans, un vendeur de cheminées du centre de Diyarbakir. « Le sang ne se nettoie pas avec le sang. Il est temps de verser un seau d'eau dessus. »
Mais la reprise de discussions s'annonce difficile, au moins à bref délai. « Ce gouvernement a toujours érigé en priorité l'endiguement de la violence. Le dialogue ne viendra que plus tard », pronostique Dogu Ergil, spécialiste du conflit kurde à l'université Fatih d'Istanbul.
Une perspective qui inquiète Seehriban Cinak. « Le gouvernement et le PKK ont montré qu'ils se fichaient pas mal de nous », regrette-t-elle. « Aujourd'hui, les enfants de deux ou trois ans à peine savent déjà ce qu'est la guerre. Vous trouvez ça normal ? »
Gokan Alexandre GUNES/AFP
commentaires (2)
C'EST TRÈS REGRETTABLE ! LES ENFANTS PARTICIPANTS AUX GUERRES SERONT DES VOYOUS...
LA LIBRE EXPRESSION
13 h 09, le 03 novembre 2015