Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Portrait

Le « sultan » Erdogan

Des partisans du président Recep Tayyip Erdogan célébrant la victoire de l’AKP devant le quartier général du parti à Istanbul. Osman Orsal /Reuters

Aussi adulé que détesté, il règne depuis treize ans sans partage sur la Turquie. Même de plus en plus contesté et malgré les difficultés, le président Recep Tayyip Erdogan a confirmé hier qu'il restait le seul maître du pays.
Son rêve d'instaurer une « superprésidence » s'était brisé le 7 juin dernier au soir des législatives, lorsque son parti avait perdu la majorité absolue qu'il détenait au Parlement. Certains avaient alors prédit le début de sa fin. Qu'importe. Malgré cette claque électorale, celui que ses rivaux brocardent parfois comme un nouveau « sultan » est reparti au combat. Il a d'abord laissé s'enliser les discussions pour la formation d'un cabinet de coalition. Puis, constatant leur échec, M. Erdogan a rappelé les Turcs aux urnes pour un nouveau scrutin, le quatrième en deux ans. Persuadé de pouvoir s'y « refaire ». Le chef de l'État a pris hier une éclatante revanche. A 61 ans, M. Erdogan est resté le chef politique le plus charismatique de son pays depuis Mustafa Kemal Atatürk, l'emblématique père de la République laïque.
Arrivé à la tête du gouvernement en 2003 sur les ruines d'une grave crise financière, M. Erdogan est loué par ses partisans comme l'homme du miracle économique et des réformes qui ont libéré la majorité religieuse et conservatrice du pays du joug de l'élite laïque et des interventions politiques de l'armée. Mais depuis deux ans, il est aussi devenu la figure la plus critiquée de Turquie, dénoncé pour sa dérive autocratique et islamiste. L'assaut spectaculaire lancé cette semaine encore par la police sur deux chaînes de télévision proches de l'opposition n'a fait que renforcer l'inquiétude de ceux qui, comme le chef de l'opposition Kemal Kiliçdaroglu, l'accusent de vouloir « rétablir le sultanat ». Luxueux, gigantesque et extravagant, le palais de 500 millions d'euros dans lequel il a emménagé il y a un an est devenu le symbole de sa « folie des grandeurs ».

« Grand maître »
Fils d'un officier des garde-côtes, M. Erdogan se targue pourtant d'origines modestes. Élevé dans le quartier populaire de Kasimpasa à Istanbul, éduqué dans un lycée religieux, vendeur de rue, « Tayyip » a un temps caressé le rêve d'une carrière de footballeur, avant de se lancer en politique dans la mouvance islamiste. Élu maire d'Istanbul en 1994, il triomphe en 2002 lorsque son AKP remporte les législatives et devient Premier ministre un an plus tard, une fois amnistiée une peine de prison qui lui avait été infligée pour avoir récité en public un poème religieux. Pendant des années, son modèle de démocratie conservatrice, alliant capitalisme libéral et islam modéré, enchaîne les succès, dopé par la croissance « chinoise » de son économie et sa volonté d'entrer dans l'Union européenne (UE).
Réélu en 2007 puis en 2011 avec près de 50 % des voix, il se prend alors à rêver de rester au pouvoir jusqu'en 2023 pour célébrer le centenaire de la République turque. Mais ce scénario se complique en juin 2013. Pendant trois semaines, plus de trois millions et demi de Turcs exigent sa démission dans la rue en lui reprochant sa main de fer et une politique de plus en plus ouvertement « islamiste ». Le chef du gouvernement répond par une répression sévère et son crédit démocratique en prend un sérieux coup. Six mois plus tard, il est rattrapé par un scandale de corruption qui fait trembler son régime sur ses bases. Depuis l'été, sa position s'est encore affaiblie. Ses rivaux l'accusent d'avoir ravivé le conflit kurde pour satisfaire ses seules ambitions de pouvoir absolu. Ses discours enflammés, provocateurs et clivants inquiètent de plus en plus. Un récent sondage de l'institut Gezici a même révélé qu'il était craint par 64,8 % des Turcs.
Publiquement, Recep Tayyip Erdogan s'amuse de ceux qui le traitent de « dictateur ». Mais il poursuit systématiquement devant la justice pour « insulte » tous ceux qui, rivaux, journalistes ou simples particuliers, le contestent. Le « grand maître », comme l'appellent ses fidèles avec déférence, a plusieurs fois avoué publiquement sa volonté de garder les rênes du pays jusqu'en 2023 et le très symbolique centenaire de la République. « Il fera tout pour rester le seul maître à bord, a prévenu l'ex-éditorialiste vedette du quotidien Milliyet, Kadri Gürsel. Même s'il doit risquer la paix, la cohésion sociale et la stabilité économique du pays pour parvenir à ses fins. »
Philippe ALFROY/AFP

Aussi adulé que détesté, il règne depuis treize ans sans partage sur la Turquie. Même de plus en plus contesté et malgré les difficultés, le président Recep Tayyip Erdogan a confirmé hier qu'il restait le seul maître du pays.Son rêve d'instaurer une « superprésidence » s'était brisé le 7 juin dernier au soir des législatives, lorsque son parti avait perdu la majorité absolue...

commentaires (1)

SULTANIQUEMENT ADIEU AUX RÊVES EUROPÉENS...

LA LIBRE EXPRESSION

07 h 36, le 02 novembre 2015

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • SULTANIQUEMENT ADIEU AUX RÊVES EUROPÉENS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 36, le 02 novembre 2015

Retour en haut