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Culture - Foire de Francfort

L’appel de Navid Kermani pour les chrétiens d’Orient

La 67e édition, qui vient de se terminer, a été la plus politique de ces dernières années.

Navid Kermani clôt son discours par une prière. Photo DPA

À la Foire du livre de Francfort, première manifestation mondiale du secteur, l'Iran avait invité les pays musulmans à boycotter cette manifestation dont le discours d'ouverture a été tenu par Salman Rushdie. L'auteur, contre lequel l'ayatollah Khomeyni avait prononcé une fatwa en février 1989, suite à la publication de l'ouvrage Les versets sataniques, a fait l'éloge de la liberté d'expression : « Sans la liberté d'expression, il n'y pas d'autres droits. » Pour lui « la liberté d'expression est universelle » et « la limitation de la liberté d'expression n'est pas seulement de la censure, c'est une attaque contre la nature humaine ».
L'appel à boycotter la foire n'a été suivi ni par l'Indonésie qui abrite 12,7 % des musulmans du monde et qui était cette année le pays invité, ni par de nombreux autres pays musulmans, au nom desquels l'Iran prétendait s'exprimer. Le Liban était également présent. L'éditrice et auteure libanaise Rania Zaghir remarque qu' « une chaise vide n'a pas de voix. C'est mieux de venir et de dire ce que tu penses » ? a-t-elle martelé, déplorant l'absence de l'Iran: « L'Iran fait de si beaux livres, par exemple de magnifiques livres pour enfants que j'aurais aimé voir à la Foire du livre de Francfort. »
Le Prix de la paix des libraires allemands, décerné pour la 55e fois, a été remis au romancier, essayiste et orientaliste Navid Kermani, fils d'émigré iranien, né en Allemagne en 1967.
Par la voix de son président, l'Association des libraires et éditeurs allemands a déclaré couronner en la personne de Navid Kermani « l'une des voix les plus importantes de notre société. Son œuvre, notamment ses reportages dans des régions déchirées par les guerres, montre combien il milite pour la dignité de tous les individus, combien il est attaché au respect de toutes les cultures et de toutes les religions, et combien il encourage la société européenne à fournir un abri aux réfugiés et de la place pour toute l'humanité ».
Dans son discours de remerciement, le lauréat a attiré l'attention sur la Syrie, la destruction et les massacres de masse. Son appel : l'Occident doit enfin cesser de détourner son regard. « Nous n'avons songé à rien pour empêcher l'assassinat de son propre peuple que le régime syrien perpètre depuis quatre ans. » L'Europe se renferme sur elle-même, se retranche derrière des barbelés et des navires de guerre. Navid Kermani a fait remarquer qu'il y a une guerre, et que « nous aussi, ses voisins immédiats, devons agir en conséquence, si ça se trouve militairement, mais surtout de façon plus déterminée que jusqu'à présent, tant sur le plan de la diplomatie que sur celui de la société civile. Car on ne peut plus mettre fin à cette guerre uniquement en Syrie et en Irak. Seuls les puissances qui se tiennent derrière les armées et milices en conflits – l'Iran, la Turquie, les États du Golfe, la Russie et aussi l'Occident – peuvent y mettre fin ».
À la fin de son discours, le lauréat a souhaité ne pas être applaudi, mais accompagné dans une prière commune pour les chrétiens de Syrie et d'Irak : « Mesdames, Messieurs, priez pour Jacques Mourad, priez pour Paolo Dall'Oglio, priez pour les chrétiens de Quaryatayn, priez ou appelez de vos vœux la libération de tous les otages et la liberté de la Syrie et de l'Irak. » Après cette prière, le lauréat a tout de même été applaudi.

« L'une des voix majeures de notre société »

Navid Kermani est le Prix de la paix des éditeurs et librairies allemands 2015. Son œuvre porte sur les questions fondamentales concernant l'existence humaine et ses ouvrages scientifiques traitent du Coran et de la mystique islamique. Selon le conseil de la fondation, les romans, les essais de Kermani ainsi que ses reportages dans les zones de crise « illustrent son respect de la dignité de l'individu et des différentes cultures et religions, ainsi que l'ampleur de son engagement pour une société européenne ouverte, qui offre une protection aux réfugiés et fait place à l'humanité ».
Né en 1967, de parents iraniens, Kermani a grandi en Rhénanie-Wesphalie. Dès l'âge de quinze ans, il a commencé à écrire pour le journal Westfälische Rundschau. Après son diplôme d'études secondaires, il a étudié l'islamologie, la philosophie et le théâtre à Cologne, au Caire et à Bonn. Sa thèse de doctorat, intitulée « Dieu est beau. L'expérience esthétique du Coran » a suscité l'attention dans les pages culturelles allemandes et la presse internationale spécialisée. Après avoir écrit pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung, après avoir travaillé comme dramaturge pour le théâtre de la Ruhr à Mühlheim et celui de Francfort, et avoir collaboré au Berliner Wissenschaftskolleg, Kermani a décidé en 2003 de devenir écrivain indépendant. En 2005, il a soutenu une thèse de professorat en études orientales à l'Université de Bonn.
En plus de ses livres et de ses essais, Navid Kermani prend toujours position dans les débats publics et politiques avec ses discours, ses conférences et ses articles de journaux. Il intervient particulièrement pour l'évolution du projet européen. Son œuvre lui a déjà valu de nombreuses récompenses. La plus importante est le Prix de la paix des éditeurs et libraires allemands doté de 25 000 euros. Il est attribué depuis 1950 par l'Association des éditeurs et libraires allemands.

À la Foire du livre de Francfort, première manifestation mondiale du secteur, l'Iran avait invité les pays musulmans à boycotter cette manifestation dont le discours d'ouverture a été tenu par Salman Rushdie. L'auteur, contre lequel l'ayatollah Khomeyni avait prononcé une fatwa en février 1989, suite à la publication de l'ouvrage Les versets sataniques, a fait l'éloge de la liberté...

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