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Moyen Orient et Monde - Reportage

« Dans chaque chrétien d’Orient, il y a une part de musulman. Nous sommes des passeurs de cultures »

En France, des réfugiés chrétiens d'Irak prient en arabe pour vaincre l'isolement.

Une photo d’archives montrant une chrétienne irakienne priant dans une église à Erbil en Irak. Photo AFP

À Mossoul (en Irak), Najla' a « tout perdu, sauf la foi ». Talons hauts, veste tailleur, robe noire surpiquée de broderies blanches : pour sa première messe en arabe depuis son arrivée en France cet été, cette réfugiée irakienne a sorti ses plus beaux atours. À ses côtés, son mari Saad, costume impeccable et rasé de près, est au diapason. Beau comme il y a 20 ans, « quand on s'est rencontré pour la première fois dans une chorale », déjà à l'église, se souvient Najla', réprimant une montée de larmes. Arrivés il y a deux mois, avec leurs trois filles de 5, 12 et 14 ans, ils se sont installés à la Celle-Saint-Cloud, une commune cossue de l'ouest parisien.
« Avant », Saad travaillait « dans un hôpital ». Un bon poste, « on avait une supervie », se souvient Najla'. Tout a basculé avec la prise de Mossoul par le groupe État islamique en juin 2014. « Soit on payait, soit on se convertissait, soit on fuyait », résume Saad. Désormais, ils espèrent « finir leur vie en France », où ils sont venus « pour tout oublier et repartir à zéro », confie l'épouse. Avec eux, une cinquantaine d'autres familles de réfugiés chrétiens, en majorité irakiens, syriens et libanais, se sont retrouvées samedi soir sous la voûte boisée de l'église Saint-Pierre-du-Lac, à Montigny-le-Bretonneux, désignée pour cet office célébré en arabe et en syriaque.
L'initiative, qui fait écho à l'appel du pape François à venir en aide aux réfugiés, doit se répéter chaque mois dans le diocèse des Yvelines, l'un des plus importants de France.
« La plupart de ces familles sont isolées. Avec ce rendez-vous mensuel, elles vont prendre l'habitude de se retrouver pour prier ensemble », se félicite l'évêque de Versailles, Mgr Éric Aumonier. « Jusqu'ici, dans le diocèse, il n'y avait pas d'église avec une liturgie en arabe, comme cela existe déjà à Sarcelles », ajoute-t-il.

« Il ne suffit pas d'une messe »
Pour cette première, c'est l'évêque de l'éparchie (diocèse) maronite à Paris, Mgr Maroun-Nasser Gemayel, qui officie, jonglant entre les deux langues, traduites sur le livret de prières distribué aux fidèles. Dans une homélie au ton largement politique, il dénonce « l'apparition d'une troisième guerre mondiale » et « remercie les paroisses de France qui s'activent pour accueillir leurs frères ».
« Pourquoi s'acharne-t-on à éradiquer les chrétiens de l'Orient ? On n'est pas des kouffars (mécréants), des infidèles, on vit et on aime tout le monde », s'indigne-t-il, rappelant que « dans chaque chrétien d'Orient, il y a une part de musulman. Nous sommes des passeurs de cultures ».
Il assume la limite du symbole et reconnaît qu'« il ne suffit pas d'une messe ». « Que va-t-on faire des réfugiés des autres religions ? Qui va les encadrer ? C'est un problème, et ça ne fait que commencer », dit-il.
« Nous, Dieu nous a regardés. On vient prier pour nos frères syriens et irakiens restés là-bas », explique Chazal, 50 ans, arrivée en France il y a un an, avec son mari Majid, 55 ans. Sur le chemin de l'exode : Mossoul, les camps de réfugiés au Kurdistan, le Liban et... le département des Yvelines. Une association les a aidés à trouver une maison « au bout de 20 jours », toujours à la Celle-Saint-Cloud. « Les Français sont très souriants, on se sent comme chez nous », dit-elle.
Leur fils s'est marié la veille du grand départ et les a accompagnés avec son épouse. Une union déjà couronnée d'un heureux événement : Pierre, né il y a quelques mois. « On va le baptiser dans 15 jours à Saint-Cloud ! » s'impatiente déjà Chazal. En français cette fois.
Alexandre HIELARD/ AFP

À Mossoul (en Irak), Najla' a « tout perdu, sauf la foi ». Talons hauts, veste tailleur, robe noire surpiquée de broderies blanches : pour sa première messe en arabe depuis son arrivée en France cet été, cette réfugiée irakienne a sorti ses plus beaux atours. À ses côtés, son mari Saad, costume impeccable et rasé de près, est au diapason. Beau comme il y a 20 ans, « quand on...

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