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Culture - En librairie

« Cher lecteur, nous sommes tous des voyeurs »

La fille du train, de Paula Hawkins, a connu un succès phénoménal aux États-Unis.

La critique a encensé de manière unanime le premier roman de Paula Hawkins, La Fille du train. Il a déjà été traduit dans 42 langues, il s'est vendu à trois millions d'exemplaires aux États-Unis, Stephen King l'a adoré et Steven Spielberg a acheté les droits pour la version cinématographique du polar. Comment ne pas être déçu en lisant le livre après pareilles mises en bouche ?
Il faut pouvoir faire la part des choses : malgré l'engouement suscité par ce « phénomène littéraire », il convient de souligner que Paula Hawkins n'a pas révolutionné le genre du thriller ni démontré un style d'écriture des plus époustouflants. Mais, ce qui est certain, c'est qu'elle manie avec excellence la construction du suspense, à travers une rhétorique épurée et efficace de points de vue contradictoires.

Courte inertie
« Cher lecteur, nous sommes tous des voyeurs. » Phrase attaque du roman, annonçant une percée impudente dans le monde bientôt terrifiant d'inconnus.
L'argument est simple : Rachel prend tous les jours le même train de banlieue, matin et soir, pour se rendre à Londres. La locomotive s'arrête immanquablement au même feu de signalisation, ce qui laisse à notre personnage le temps d'observer la maison d'en face, et ses occupants, qu'elle trouve passionnants. Ne trouvant pas d'intérêt à sa propre vie de licenciée, divorcée et alcoolique, elle vit par procuration le train-train idéal du couple qu'elle s'est approprié, les nommant affectueusement Jason et Jess. Toute ressemblance avec le couple qu'elle formait autrefois avec Tom – lequel vit à quelques maisons de là avec Anna, sa nouvelle femme, et leur fille – n'est pas fortuite, pense le lecteur. Mais lorsque Rachel découvre que Jess trompe son mari, le mirage s'effondre entraînant dans sa chute la seule consolation de sa vie en friche. Mais l'inertie ne durera pas, puisqu'elle découvre quelques jours plus tard, à la une du journal, que sa Jess, en fait Megan, a disparu. Le récit est lancé. Dans cette enquête voyeuriste, Rachel devient, la mémoire embuée par l'alcool, les yeux du lecteur.

Pions pipés
Au fil des pages, force est de constater que les personnages, dépeints de manière presque cruelle, en deviennent antipathiques... de banalité. La lecture se poursuit donc, sans parti pris, sans empathie ou identification aucunes.
« C'est l'histoire de trois femmes qui jugent la vie des autres sans vraiment savoir ce qui se passe en réalité », indique Paula Hawkins dans une interview. Rachel, Anna et Megan : une alcoolique un peu timbrée, une maman paranoïaque et une jeune femme au passé mystérieusement traumatique. Le doute place le lecteur à une distance émancipatrice, Il conduit alors lui-même son enquête, récoltant les moindres indices mais restant toujours sur ses gardes. L'adrénaline et le suspense aidant, le lecteur tourne les pages, à la lumière vacillante de récits qui s'entremêlent, assombrissant les hypothèses une à une.
Le temps se dilate
Le lecteur est confronté à un trou noir dans l'histoire, celui du narrateur ivre. Mais lorsque le récit se dédouble, puis se triple, des perspectives plus nettes se prêtent à lui. Cependant, le point de vue de Megan, qui pourrait mener à un dénouement, est déceptif, puisqu'il est projeté dans un temps antérieur à sa disparition. Au fil des chapitres qui se succèdent, les versions entrent en collision, les hypothèses se contredisent, les mensonges et les faux-semblants apparaissent. Rachel remarque à juste titre : « Je ne suis plus juste la fille du train, qui fait ses allers et retours sans raison et sans but. ». Elle intègre à son tour le nœud infernal de l'énigme, s'infiltrant, inquisitrice, imprudente, avec une curiosité parfois malsaine. Un rôle que le lecteur endosse malgré lui, avec un plaisir pervers.
La référence à Hitchcock est multiple : Megan, la jolie blonde aux cheveux courts, fait écho à la Marion de Psycho ; la nouvelle version de Rebecca, Rachel l'ex-femme, hante la maison d'Anna et Tom ; le regard indiscret sur la scène du crime qui se passe en face de Fenêtre sur cour ; le train rappelle celui de L'inconnu du Nord-Express, lieu de rencontre d'étranges inconnus. Tous les ingrédients du maître du suspense sont réunis, l'héritage scénaristique est en marche, on attend impatiemment l'adaptation cinématographique.

La critique a encensé de manière unanime le premier roman de Paula Hawkins, La Fille du train. Il a déjà été traduit dans 42 langues, il s'est vendu à trois millions d'exemplaires aux États-Unis, Stephen King l'a adoré et Steven Spielberg a acheté les droits pour la version cinématographique du polar. Comment ne pas être déçu en lisant le livre après pareilles mises en bouche ?Il...

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