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Moyen Orient et Monde - Interview express

« Le timing de la destruction de Baalchamine est purement mercantile »

Trois questions à... Joanne Farchakh, spécialiste en archéologie en temps de guerre.

Une photo d’archives montrant une partie du temple de Baalchamine, à Palmyre. Joseph Eid/AFP

La série noire des atteintes au patrimoine archéologique continue. Après la destruction des trésors du musée de Mossoul, du site antique de Ninive, de la ville parthe de Hatra et des vestiges de Nimrod, l'organisation État islamique (EI) s'en est pris aux vestiges monumentaux de la cité de Palmyre, qu'il contrôle depuis fin mai. Le directeur des Antiquités et des Musées de Syrie, Ma'moun Abdelkarim, a annoncé dimanche que le temple de Baalchamine a été anéanti à l'explosif. Aucune photo ou vidéo montrant l'ampleur des dégâts n'a encore été diffusée par le groupe, mais M. Abdelkarim a notifié que la cella (partie close) du temple a été détruite et ses colonnes se sont effondrées (voir par ailleurs). Au début de la conquête de Palmyre, le chef des forces de l'EI avait annoncé que le groupe épargnerait la ville antique, même si le non-respect de cet engagement était prévisible. Joanne Farchakh, spécialiste en archéologie en temps de guerre, répond aux questions de L'Orient-Le Jour.

Quel est l'intérêt archéologique du temple de Baalchamine ?
Comme son nom l'indique, il s'agit d'un temple romain dédié à un dieu oriental. Les Romains avaient cette intelligence de respecter les croyances des peuples qu'ils conquéraient. Ce temple est très typique sur le plan architectural, puisqu'il unit subtilement l'architecture traditionnelle romaine et l'architecture que l'on attribue d'habitude aux Orientaux. Sa particularité vient du fait qu'il contient des escaliers menant jusqu'à sa toiture, espace où les offrandes avaient généralement lieu. Il s'agit là d'un trésor du patrimoine mondial, pas seulement syrien. Malheureusement, nous n'avons pas à notre disposition de photos nous permettant de mesurer les dommages exacts qu'a subis le temple de Baalchamine.


(Lire aussi : Pour l'Unesco, l'EI a commis à Palmyre « un crime de guerre »)


L'EI contrôle Palmyre depuis le mois de mai. Le site, lui, semble avoir été détruit il y a un mois. Pourquoi l'EI a attendu tellement longtemps ?
Cela est sûrement dû au fait que l'EI pratique la vente d'antiquités. Le timing est d'ordre purement mercantile, vu que les prix des antiquités provenant des patrimoines historiques augmentent dès que ces sites-là sont menacés de pillage. Nous assistons à des techniques de marchandage et de chantage. La « destruction » du temple de Baalchamine vient en réponse à des pressions extérieures que l'on ne peut déterminer de façon certaine. Mais l'EI peut utiliser certains sites à ses propres fins, comme il l'a fait avec l'Agora. En procédant à des décapitations à l'intérieur même de l'amphithéâtre romain, il a voulu montrer qu'il pouvait s'approprier n'importe quel espace. Tout moyen est bon pour terroriser le peuple syrien.

(Lire aussi : L’EI détruit le monastère Saint-Élian à al-Qaryataïne)



Quel est le motif véritable qui alimente ces destructions ?
Idéologiquement, ils détruisent pour des besoins de propagande. Selon l'EI, les temples préislamiques incitent à l'idolâtrie, d'où le besoin de les démolir, même si la religion musulmane, de par ses diverses doctrines, n'a jamais appelé à ces destructions. Dans les faits, il s'agit des deux à la fois. L'EI ne travaille jamais sur une ligne. Tout acte est d'abord réfléchi comme instrument de propagande, et ensuite comme outil de stratégie militaire. L'EI a terrorisé les Palmyriens et le monde entier en décapitant Khaled el-Assaad, directeur des Antiquités et des Musées de Palmyre, et il continue de le faire en détruisant le temple de Baalchamine. Le site entier de Palmyre est pris en otage et se trouve emprisonné entre deux mondes : celui des jihadistes d'une part, qui le considèrent comme leur bouclier, et de l'État syrien de l'autre, qui symbolise aujourd'hui le reste de la planète.

 

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commentaires (2)

S'il y a une chose qui ne sera jamais, c'est que le régime syrien baasiste représente ce que vous citez comme "le reste de la planète". Cela n'est pas a votre honneur car ce régime est aussi daechiste que les extrémistes islamistes. En somme deux faces d'une même médaille, l'une islamique fanatique, l'autre le despotisme tyrannique et sanguinaire.

Pierre Hadjigeorgiou

10 h 44, le 25 août 2015

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Commentaires (2)

  • S'il y a une chose qui ne sera jamais, c'est que le régime syrien baasiste représente ce que vous citez comme "le reste de la planète". Cela n'est pas a votre honneur car ce régime est aussi daechiste que les extrémistes islamistes. En somme deux faces d'une même médaille, l'une islamique fanatique, l'autre le despotisme tyrannique et sanguinaire.

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 44, le 25 août 2015

  • c'est faux madame "l'expert " ...c'était un temple phéniciens dédié au dieu Baal ,puis agrandi plus tard ,à l'époque romaine par l'empereur Adrien ...au passage.... la destruction des Bouddhas de Bamyan ,et avant des églises transformé en mosquées et/ou détruites en Turquie depuis Sainte Sophie et à l'époque du génocide arménien ..et plus récemment en Irak, Syrie, Maghreb, Afrique ...c'est pour des raisons mercantiles peut être..? (mal nommer les choses c'est apporter la confusion au monde... (excusez moi M. Albert Camus pour le plagiat).

    M.V.

    09 h 37, le 25 août 2015

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