Des députés irakiens ont indiqué, hier, qu'une commission d'enquête parlementaire en Irak avait pointé du doigt la responsabilité de l'ancien Premier ministre Nouri al-Maliki et 35 autres personnes dans la prise de Mossoul par le groupe État islamique en juin 2014. La désertion de nombreux soldats qui n'ont pas combattu était en cause dans cette spectaculaire déroute de l'armée irakienne face à quelques centaines de combattants de l'EI qui ont pris le contrôle de la deuxième ville la plus importante du pays.
Gilles Munier, journaliste indépendant, spécialiste de la question irakienne, secrétaire général de l'Association des amitiés franco-irakiennes, revient pour L'Orient-Le Jour sur le rapport de la commission d'enquête parlementaire en Irak . Selon lui, les forces irakiennes avaient reçu l'ordre de ne pas se battre.
Comment analysez-vous cette mise en accusation de Nouri al-Maliki par la commission d'enquête parlementaire en Irak ?
En Irak, mener une enquête n'est jamais très sérieux. Maintenant, que Maliki soit responsable de la chute de Mossoul, c'est évident et cela se disait depuis fort longtemps. Le problème est que si les officiers de l'armée irakienne n'avaient pas reçu l'ordre de ne pas s'engager dans les combats, les 500 combattants de Daech n'auraient pas pu aller jusqu'à Tikrit et commettre le massacre du camp Speicher qui a fait 1 700 jeunes victimes chiites. Je suis allé en Iran début juin et j'ai souligné cet aspect du problème au cours de mes conférences sur les origines de l'État islamique, et cela n'avait pas l'air de surprendre. Par ailleurs, on remarque qu'il n'y a pas eu jusque-là de commission d'enquête sur ce qui s'est passé ensuite à Tikrit. Des lampistes de tribus sunnites ont été exécutés après des procès iniques, alors que les vrais responsables du massacre sont à Bagdad.
Quelles pourraient être les implications d'un rapport officiel de la commission d'enquête ?
En théorie, l'arrestation et le jugement de toutes les personnes accusées d'avoir une responsabilité dans cette affaire, à commencer par les officiers qui s'étaient enfuis au Kurdistan. Dans les faits, c'est plus compliqué puisque l'on ignore aujourd'hui où se trouve Nouri al-Maliki. Au départ, on pensait qu'il se trouvait en Iran, aujourd'hui certains pensent qu'il est en Syrie et d'autres qu'il pourrait être encore en Irak.
Qu'en est-il aujourd'hui de la responsabilité des Américains qui ont entraîné et formé les forces irakiennes mais qui ne sont pas mis en cause dans ces conclusions ?
Les Américains ont une lourde responsabilité dans cette histoire. Ils ont dépensé des sommes colossales pour former l'armée irakienne. Une part substantielle de cet argent est tombée dans les poches des dirigeants chiites et des sunnites qui travaillaient avec le gouvernement de Bagdad à l'époque. Seule une petite frange de l'armée a bénéficié d'un entraînement, la majeure partie n'y a jamais pris part. Depuis 2003, beaucoup d'argent occulte a été touché par des Américains en Irak, beaucoup d'argent a disparu dans leurs poches. Près de 500 combattants de Daech auraient infligé une défaite historique à une armée estimée à 60 mille soldats ? En réalité, ce sont 60 mille soldats inscrits sur des listes, mais il y en avait sans doute moins que la moitié.
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Le journaliste ne dit pas pourquoi "les officiers irakiens ont reçu l'ordre de ne pas s'engager dans les combats", ni qui a donné cet ordre.
03 h 47, le 17 août 2015