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Lifestyle - La mode

Les Six d’Anvers, lame de fond des 80’s

L'été s'achève sur une note hippie plutôt marquée, fleurs, couronnes et dentelles des années 70, pattes d'eph, gilets et franges. La mode de l'hiver nous promet, elle, un retour discret à ces années 80 où se jouèrent le meilleur comme le pire de la mode d'aujourd'hui. Six créateurs venus d'Anvers avec des idées sobres et rigoureuses en avaient infléchi le cours.

Certains sont encore célèbres, d'autres le sont moins. Ces six étudiants sortis de l'Académie royale des beaux-arts d'Anvers au début des années 80 s'appellent Ann Demeulemeester, Dries Van Noten, Dirk Bikkembergs, Walter Van Beirendonck, Dirk Van Saen et Marina Yee. Formés par Marie Prijot au département de la mode, ils surfent sur la tendance minimaliste, sombre, déstructurée, surdimensionnée, voire postnucléaire amorcée par les Japonais, Comme des garçons, surtout, qui commencent à défiler à Paris à la même époque. Entre le street wear résolument punk véhiculé par les chaînes de musique américaines, le néoromantisme en velours et jabots inspiré d'une esthétique rock et rétro à la Barry Lyndon, les silhouettes hypersexuées de Jean-Paul Gaultier, Azzedine Alaïa et Thierry Mugler, et une certaine idée du chic « super-lady en dentelle », à l'usage des femmes actives, incarnées par Margaret Thatcher et la princesse Diana, nos six Flamands noirs choisissent la voie la moins pratiquée, celle de la déconstruction et de la sobriété. Au début, ils évitent de défiler à Paris, de crainte d'être écrasés par les géants de l'époque. S'ils choisissent Londres, c'est aussi en marge des calendriers officiels qu'ils y présentent leurs collections. La légende veut que le British Fashion Council ait vu d'un mauvais œil leur succès auprès des acheteurs, notamment ceux des grands magasins new-yorkais et londoniens. Au bout de quelques saisons, ils quittent Londres pour tenter à nouveau leur chance à Paris.

 

Individualités marquées
Dans la capitale française, les six deviennent sept puis huit, Martin Margiela, assistant à l'époque de Jean-Paul Gaultier, et Raf Simons, qui travaille en ce temps-là chez Jil Sanders sans savoir qu'il sera un jour le directeur artistique de Dior, leur sont assimilés. Mais cette étiquette « belge » les étouffe assez vite. Si les Antwerp Six, comme les baptise la presse anglaise lors du British Design Show de 1988, ont en commun une créativité conceptualiste et pointue, audacieuse et authentique, portée par un fort sentiment d'identité, ils ont quand même des styles bien distincts.
À l' « Anvers » de la mode, Ann Demeulmeester reste fidèle à un style rock édulcoré, à la superposition des matières, à une inspiration androgyne, notamment dans ses tailleurs dont raffole la bourgeoisie new-yorkaise. Pour sa part, Dries Van Noten, issu d'une famille de tailleurs dont il représente la troisième génération, se situe à une distance relative de ses compatriotes dont il rompt la sobriété avec un style bohème chic. Sa grande maîtrise technique lui permet de jouer avec les contrastes et une certaine débauche ornementale, tout en se démarquant par ses volumes et ses expérimentations audacieuses. Dirk Bikkembergs, tant dans ses collections masculines que féminines, assume son refus de « regarder en arrière ». Il dessine des vêtements pour une jeunesse qui célèbre la liberté et la vie, forcément optimiste puisque orientée vers le futur. Martin Margiela, un peu en marge de ce groupe éphémère auquel il a été assimilé sans vraiment le rejoindre, est aujourd'hui considéré comme le plus conceptuel des couturiers contemporains. Matériaux de récupération, jeux d'échelle, usage de tissus imprégnés de bactéries pour une exposition au musée de Rotterdam où on les voit changer d'aspect de jour en jour, défilés dans des terrains vagues ou des stations de métro, black-out quasi total sur son image et son identité font partie des jeux troubles et fascinants de ce créateur totalement atypique.

 

Paradoxes d'une identité nationale
Si les Six d'Anvers ont eu besoin, au début de leur carrière, d'agir en groupe pour avoir une meilleure visibilité, aujourd'hui ils triomphent sous leurs marques éponymes. Et quand ils soulignent, à juste titre, qu'il ne sert à rien de donner à la création une étiquette nationale, surtout dans le cas de la Belgique notoirement divisée, on ne peut s'empêcher de penser qu'ils ont tout de même donné au passage à la création belge le prestige dont elle jouit aujourd'hui, et cette image d'un prêt-à-porter intelligent, cérébral et en phase avec l'esthétique de notre époque. Ils nous donnent surtout à réfléchir au concept de « création libanaise », tout aussi abusif mais non moins efficace.

 

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