Chanel haute couture automne-hiver 2015/2016. © Chanel, Olivier Saillant
Schiaparelli rose et surréaliste
À Paris, c'est l'une des premières maisons à défiler et sans doute l'une des plus attendues, d'abord pour le mythe qui l'entoure et ensuite pour sa nouvelle direction du style conduite par Bertrand Guyon, ancien assistant de Hubert de Givenchy, John Galliano, Alexander McQueen et Christian Lacroix. Voici donc, avec Schiaparelli, une évocation contemporaine du luxe, de la poésie et de l'humour des années 30 et 40. Retour du rose shocking dont Elsa Schiaparelli fit en son temps un quasi-manifeste, et clins d'œil au surréalisme, à Jean Cocteau, Christian Bérard ou Marcel Vertès qui comptèrent parmi ses collaborateurs.
Fendi fait de la peine à Choupette
Plutôt que de haute couture, c'est de haute fourrure qu'il s'agissait chez Fendi qui célébrait avec cette collection un demi-siècle de collaboration avec Karl Lagerfeld. Au Théâtre des Champs-Élysées, devant un tableau de Giorgio de Chirico ont défilé une trentaine de silhouettes : de la zibeline, surtout mais aussi du vison, du lynx, de l'astrakan. Le brodeur Hurel et le plumassier Lemarié ont participé à la collection. L'événement était encadré par un important dispositif de sécurité, en raison des protestations des organisations de défense des animaux. L'ancienne actrice elle-même avait écrit une lettre à la célèbre chatte du couturier, Choupette, en lui demandant d'intercéder auprès de son maître pour le dissuader d'utiliser de la fourrure. « Ce discours m'embête dans la mesure où les gens mangent de la viande, ce que je ne fais pas, et les gens portent du cuir », avait déclaré le couturier.
Des hommes chez Margiela
Si les femmes sont de plus en plus visibles lors des défilés masculins de prêt-à-porter, la présence d'hommes sur les podiums de haute couture est moins fréquente. Au show Maison Margiela, le turbulent John Galliano avait choisi de faire défiler trois hommes, portant talons hauts, robes et mi-bas.
Les codes de la maison, déconstruction et matériaux de récup', étaient bien là, de même que la créativité foisonnante de Galliano : un pantalon gris à doublure, noué, est transformé en gilet. De la toile de jute à imprimés colorés, ornée de broderies, devient un manteau. Parmi les autres matières utilisées, une tapisserie, du patchwork en crochet façon dessus-de-lit... ou du cellophane, qui enveloppe les bords volumineux d'une incroyable robe de mariée.
Dior ou le paradoxe de l'innocence
Pour sa collection placée sous le thème du Jardin des délices, Raf Simons, directeur artistique de Christian Dior, rapproche les maîtres primitifs flamands et les maîtres artisans de la haute couture française et en propose une synthèse de techniques, de gestes artistiques et de formes historiques qui fait sens aujourd'hui. « J'étais intrigué par l'idée de fruit défendu, et par ce que cela peut signifier de nos jours, explique Raf Simons. Comment l'idée de pureté et d'innocence s'oppose à celle d'opulence et de décadence, et comment ces notions s'imbriquent dans l'idée même du jardin Dior – qui n'est plus, ici, un jardin de fleurs, mais un jardin sexué. L'inspiration originelle de la collection vient des maîtres flamands et de leur approche de la peinture : cette tension entre un luxe que l'on décrie et que l'on chérit à la fois ; cette maîtrise totale de la technique et la beauté du geste artistique; ce réel et cet irréel. Les uns ne peuvent pas exister sans les autres. » La collection se construit par stratifications et amalgames historiques, à la fois en art et en mode.
Le tailleur Chanel du XXIe siècle
Pour le défilé Haute Couture automne-hiver 2015/16, Karl Lagerfeld crée la surprise en dévoilant sa collection dans un casino réinventé au Grand Palais et invite une vingtaine de célébrités internationales, proches et amies de Chanel à jouer au blackjack dans Le Cercle Privé. À cette occasion, des robes haute couture ont été spécialement créées pour les célébrités et sont sublimées par des rééditions en platine et diamants de la première et unique collection « Bijoux de diamants », créée en 1932 par Mademoiselle Chanel. Entre parties de cartes, roulettes et machines à sous, les mannequins, coiffées de carrés plongeants à la néogarçonne, mettent en scène une silhouette très structurée et graphique.
Unissant les savoir-faire traditionnels de la haute couture aux nouvelles technologies, Karl Lagerfeld a imaginé des tailleurs en 3D. La veste Chanel est totalement réinventée, propulsée dans une nouvelle dimension. « L'idée c'était de prendre la veste la plus iconique du XXe siècle et d'en faire une version XXIe siècle, qui techniquement n'était même pas imaginable à l'époque où elle est née », explique le créateur.
Sous le signe de l'or, Élie Saab célèbre ses 25 ans de mariage
La collection Élie Saab haute couture automne-hiver 2015/2016 puise son inspiration dans le sillage des premières heures de la maison, au cœur même de son héritage. Véritable trait d'union entre passé et présent, le fil d'or s'enrichit pour embrasser une opulence byzantine. Succession de panneaux dorés juxtaposés, le décor s'enflamme sous les feux des projecteurs. En parallèle, l'or investit les passages avec force et précision : rappelant les couleurs des mosaïques antiques, les broderies rose pâle, vert tendre, sable, laiton, bourgogne et noir s'entremêlent de fils or. Remplaçant les bretelles et surlignant les tailles, des chaînes modernisent les silhouettes. Les broderies accumulent les motifs floraux. Les coupes se rejoignent dans la fluidité du mouvement : volumes généreux, tailles Empire et manches ballon, longueurs soulignant la cheville ou robes doublées de capes-traînes.
La robe de mariée apparaît, évocatrice de celle que portait Claudine Saab en 1990. Elle s'irise de paillettes dorées et de motifs grandioses : entre arabesques et chrysalides, le décolleté se dessine sous un voile de dentelles or antique. Ce dernier passage rend hommage au 25e anniversaire de mariage du couturier et de son épouse.
Georges Hobeika romance le 5 o'clock tea
La collection Georges Hobeika couture automne-hiver 2015/2016 célèbre le cérémonial du five o'clock tea dont elle ressuscite les us et coutumes, la délicatesse du savoir-vivre, les plaisirs gourmands et partagés, traduits en silhouettes vaporeuses et élégantes sur lesquelles se détachent en vigoureux relief de somptueux motifs décoratifs propre à l'art de la porcelaine.
Le rituel anglais s'invite sur des tenues dont les courbes gracieuses et juvéniles évoquent les contours d'une tasse de thé. Les ceintures dorées enserrent volontiers la taille comme un liseré. Ici ou là, les décors bleus et blancs éclatent dans un lumineux contraste comme pour annoncer la lumière du couchant.
Douces ou corsées, mille teintes de thé irisent des étoffes précieuses.
Rami Kadi exorcise sa phobie des insectes
Rami Kadi qui présentait sa collection dans les salons du Plaza Athénée court décidément dans le peloton de tête, suscitant l'intérêt croissant des détecteurs de talents. Dans cette collection haute couture, il a mis au service de son savoir-faire toute une batterie de techniques contemporaines, du laser au fil fluorescent dont il a réalisé des broderies qui irradient, dans l'obscurité, une lumière verte, alors que de jour elles donnent un effet blanc sur la soie noire. « Fireflies », les lucioles et autres insectes nocturnes constituent le fil conducteur de cette ligne de robes de soirée, entre fourreaux et crinolines. Des textures imitent la toile d'araignée, des franges de raphia font au moindre mouvement des bruits d'élytres. Un exercice de haute voltige qui a ravi les médias et vaut au Liban un nouveau fleuron dans la couronne de son excellence couturière. Kadi, pour sa part, a révélé que ces créations le libéraient de sa phobie des insectes.