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Liban

Le flou le plus total continue d’entourer le dossier des militaires otages

Les négociations sont terminées, affirme Abbas Ibrahim, mais les militaires otages aux mains d'al-Nosra tardent à rentrer chez eux.

C'est par une phrase lapidaire que le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, a résumé hier le dossier des militaires otages :
« Il n'y a plus de négociations avec les preneurs d'otages. Nous attendons que le Front al-Nosra annonce sa disposition à exécuter l'accord convenu, et le gouvernement est prêt à suivre. » Cette phrase ambiguë, du moins pour les familles des otages, a prêté à deux interprétations. Il y a ceux qui en ont fait une lecture positive, à savoir que le gouvernement libanais a effectivement achevé sa mission de médiation auprès du front islamiste et conclu un accord pour la libération des militaires détenus par al-Nosra, soit seize au total, neuf autres étant aux mains de l'État islamique avec lequel le gouvernement n'a réussi à faire aucune percée en matière de négociation. Parmi les tenants de la version optimiste, un ministre proche du chef du gouvernement, Tammam Salam, qui a rencontré hier matin le directeur de la Sûreté.
Pour ce ministre, la déclaration du général Ibrahim devrait au contraire rassurer les familles, qui, a-t-il dit, « sont au courant des moindres détails des négociations et savent parfaitement qu'un accord en bonne et due forme a été conclu entre les deux parties ». D'ailleurs, ajoute ce ministre, « croyez-vous que les preneurs d'otages auraient permis aux familles de rencontrer leurs fils le jour de la fête du Fitr si le climat n'était pas positif ? »
Selon lui, s'il y a un retard à ce jour, « c'est à cause d'un problème procédural et non à cause de l'accord qui est déjà convenu ».
Ce n'est pas l'avis de Hussein Youssef, le père de Mohammad, détenu par l'État islamique, et porte-parole des familles des otages. Selon lui, la déclaration du directeur de la Sûreté n'apporte rien de nouveau. « Ce sont les mêmes propos que l'on entend depuis un certain temps. Et nous attendons toujours qu'ils se concrétisent d'une manière ou d'une autre », dit-il. Le pessimisme dont il fait preuve est également motivé par la déclaration faite par le commandant d'al-Nosra du front du Qalamoun, Abou Malek Tallé, qui avait placé de nouvelles conditions pour la libération des otages suite à la visite effectuée par les familles auprès de leurs fils, dans le jurd, le 17 juillet dernier.
Ce dernier avait exigé la libération de cinq femmes détenues dans les prisons libanaises (Joumana Hmayed, arrêtée pour avoir circulé à bord d'une voiture piégée, Souja Doulaymi, l'ex-épouse du chef de l'État islamique, Abou Bakr Baghdadi et Oula Akili, l'épouse d'Abou Ali Chichani, l'un des commandants d'al-Nosra) contre la libération de trois militaires libanais.
Dans une seconde phase, et une fois les cinq détenues libérées, le blocus qui frappe les camps des réfugiés syriens à Ersal devait être levé et leurs conditions de vie améliorées. Abou Malek Tallé avait requis leur transfert dans des zones sécurisées se trouvant dans le no man's land entre le Liban et la Syrie, deuxième condition pour la libération du reste des militaires. « Les Libanais devront alors assumer la responsabilité des agissements du Hezbollah », aurait également dit Abou Malek Tallé, ajoutant que les négociations avec l'État libanais étaient actuellement en suspens.
Bref, autant de conditions rédhibitoires pour l'État libanais qui ne saurait assurer le transfert des réfugiés dans le no man's land, croit savoir M. Youssef. Dans un entretien avec L'Orient-Le Jour, ce denier affirme que ce que l'État a concédé au Front al-Nosra n'est pas de moindre importance que ce que réclame Abou Malek Tallé. Il s'est toutefois abstenu de livrer de plus amples détails sur l'accord, les familles étant tenues à la confidentialité des termes de l'accord qui leur ont été communiqués. Autre obstacle posé par les nouvelles conditions du commandant islamiste, la question de la division en deux phases de l'opération de libération des militaires, l'accord initial étant une libération de l'ensemble des otages en une seule fois.
Les familles se disent par ailleurs extrêmement déçues d'avoir été lâchées à leur triste sort.
« Là où le bât blesse, poursuit M. Youssef, c'est le nombre restreint de Libanais qui ont répondu à l'appel de solidarité que nous avons lancé samedi dernier, un an après l'enlèvement de nos fils, date qui coïncidait avec la fête de l'Armée. »
Dépité, écœuré, il dit ne pas comprendre comment les citoyens libanais « peuvent célébrer à grande pompe, hymnes, chants et danses à l'appui, l'anniversaire de l'institution militaire et complètement ignorer nos souffrances, sachant que nos fils relèvent de cette même institution ». Et de dénoncer une fois de plus « l'exploitation politique de ce dossier par certains responsables ».
Il y a un an, plus d'une trentaine de soldats et de policiers libanais étaient enlevés par des islamistes lors de combats sanglants entre l'armée libanaise et les jihadistes du Front al-Nosra et du groupe État islamique (EI) à Ersal, dans la Békaa. Probablement détenus dans le jurd de la ville, certains otages ont été relâchés, d'autres assassinés. Depuis un an, le dossier traîne, d'annonces en démentis, au grand dam des familles rongées par l'angoisse et l'attente.
À ce jour, 25 militaires, 13 policiers et 12 soldats sont toujours retenus par les jihadistes. Seize d'entre eux sont aux mains d'al-Nosra et neuf aux mains de l'EI. À la différence des familles des otages aux mains d'al-Nosra qui ont déjà eu plusieurs opportunités de se rendre auprès de leurs fils dans le jurd de Ersal, les parents des militaires enlevés par l'EI n'ont aucune nouvelle de leurs fils depuis un an. Rongés par le désespoir, ils ont organisé hier un meeting oratoire dans la localité du Qalamoun, au quartier al-Maqahi. Nizam Mghayt, le frère de l'adjudant Ibrahim Mghayt, a critiqué l'attitude du gouvernement et des responsables à l'égard de ce dossier, les accusant de faire preuve de laxisme.
« Nous n'allons pas leur permettre de fermer l'œil avant que nos fils soient libérés », a-t-il dit, menaçant de prendre des mesures d'escalade dans les prochains jours si l'État ne prend pas une initiative sérieuse à cet égard.

C'est par une phrase lapidaire que le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, a résumé hier le dossier des militaires otages :« Il n'y a plus de négociations avec les preneurs d'otages. Nous attendons que le Front al-Nosra annonce sa disposition à exécuter l'accord convenu, et le gouvernement est prêt à suivre. » Cette phrase ambiguë, du moins pour les...

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