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Liban - Voyage

La Jordanie : des évasions à portée de main

De Amman à Petra, le visiteur est suspendu entre un passé qu'il revisite et un présent qui lui semble atemporel.

Le fameux forum ovale, au sud de la cité antique de Jerash, fut l’un des plus grands de l’Empire romain.

La Jordanie est un point de rencontre d'époques qui y ont laissé leurs édifices, une juxtaposition inattendue de panoramas naturels, un voyage à la source des religions... Ce pays, qui a pu s'abriter du tumulte régional, constitue une destination paisible, à la portée des Libanais. Le visiteur a l'impression de toucher à une arabité atemporelle, préservée dans le brassage des tribus jordaniennes, des Bédouins et des Palestiniens. De Amman à Petra, le touriste se laisse imprégner de panoramas naturels : à certaines compositions de paysage méditerranéen, vient s'ajouter, comme une escapade inattendue, l'exotisme d'espaces désertiques, de montagnes saintes, de la mer Morte en fusion avec le soleil.


La capitale, l'une des plus vieilles villes du monde, construite à l'origine sur sept collines, s'étend aujourd'hui sur dix-neuf. Vallonnés, ses quartiers présentent de légères ondulations, favorables aux courants d'air, un agrément pour le promeneur en été. Très dense, la ville est parsemée d'immeubles résidentiels, collés l'un à l'autre, inégalement élevés, délabrés ou modernes. Les quartiers anciens du centre-ville, qui mènent aux vieux souks, incorporent à cette esthétique urbaine familière une part de nostalgie. C'est à travers ces quartiers que le souffle de la ville s'intensifie, dans le brassage des identités, des accents, des chevelures et des voiles, dans les rumeurs d'une boutique populaire, reluisant de faux diamants, ou les senteurs du fameux thym jordanien, le sourire d'un marchand de douceurs ambulant, l'agilité d'un artisan de verrerie enfoui dans l'archaïsme de son atelier, ou sur le siège d'un taxi bondé, sillonnant le bourdonnement urbain. Des élans de convivialité inattendue rassurent le touriste : un habitant de Amman, se prélassant dans une rue populaire, rattrape un touriste de passage pour lui remettre un sac rempli de marchandises, qu'il avait oublié sur le trottoir.
Visiter la Jordanie, c'est se laisser emporter dans un tourbillon d'images, où l'on est suspendu entre un passé qu'on visite et un présent qui semble atemporel.

 

Jerash, une vie dans la pierre
À moins d'une heure de la capitale, ce sont les échos d'une autre ville, d'un autre temps, que le touriste peut écouter, à travers les ruines de Jerash. Cette ville antique, chef-lieu de la province qui porte son nom, est une cité grecque, fondée au IIe siècle avant J.-C. et qui a résisté au temps. Le site, qui faisait partie de la Décapole, se situe dans le nord du pays, à l'est du Jourdain, et couvre une colline de la province.
Les vestiges restés presque intacts ont permis une reconstitution quasi intégrale de la cité antique, dont plus de la moitié est toujours enfouie sous le sol. Elle invite à une véritable promenade dans l'histoire : l'arc d'Hadrien, à l'entrée de la cité, inaugure une longue voie pavée, une sorte de cardo, qui mène jusqu'au forum ovale, sans doute le plus grand de l'Empire romain. Sur cette voie, le promeneur repère des traces vivaces du passé, comme, par exemple, des sillons de roues de chariots, restés gravés sur le pavé. La voie donne sur les ruines de l'ancien marché, propices à l'imagination : des kiosques en pierre des marchands contiennent des détails de ce qui s'y déroulait (un bac en pierre a survécu à une buanderie antique ; des écorches de marbre sur les colonnes de pierre sont des empreintes de la gloire passée). Plus loin, deux colonnes imposantes fixées par une architrave révèlent un dessein particulier : l'architrave est en réalité en métal camouflé, et servait à capter les premières secousses d'un séisme afin d'en avertir la cité. La vie s'est éternisée dans la pierre et retentit dans les hippodromes, les deux grands temples de Zeus et d'Artémis, un autre temple, situé sous l'église Saint-Théodore, dédié probablement à Dionysos. Ces vestiges se réveillent chaque année, en juillet, au rythme des spectacles artistiques organisés par le Festival de Jerash, parrainé par la reine. Le festival de cette année sera clôturé samedi prochain.

 

Itinéraires historique et biblique
Cette synergie des époques se ressent dans la ville de Madaba, à 30 km au sud de la capitale, située sur la route qui mène à Karak et Petra. Les vieilles bâtisses de la ville qui se vide continuent de servir à de petits commerces manuels, ou des cafés rustiques, dissimulés derrière des haies ou des façades de pierre. À quelques mètres du marché, l'église Saint-Georges cache une mosaïque unique découverte au moment de sa construction, en 1896, sur les vestiges d'une basilique byzantine. Datée de la fin du VIe siècle, la seule partie qui en est préservée représente une carte du Moyen-Orient à cette époque et constitue la plus ancienne représentation topographique de la ville de Jérusalem découverte à ce jour. Cette mosaïque n'est pas sans susciter de vifs débats d'histoire entre les touristes curieux ou érudits.
Dans le même gouvernorat de Madaba, le mont Nébo est comme une incarnation des récits sacrés. Haut de 817 mètres, il surplombe la vallée du Jourdain et offre un panorama qui peut s'étendre jusqu'à Jérusalem par temps dégagé. Que Moïse ait été enterré sur cette colline, comme le veut la tradition chrétienne, ou dans le sanctuaire de Nabi Moussa, selon la tradition musulmane, ne change rien au mysticisme ni à la sérénité que ce site inspire : il est un cadre naturel de recueillement, de quiétude, comme de prière.
À cette proximité avec le sacré, s'ajoute une proximité géographique avec la terre de Palestine : la visite de la rive gauche du Jourdain symbolise ce dualisme. Assis sur la rive du Jourdain, contemplant les eaux du baptême du Christ, le touriste relève la tête et aperçoit, libérée de sa brume, la terre palestinienne s'étendre sur l'autre rive, à vol d'oiseau. Avec un peu de cette chance, qui est souvent le compagnon entendu du touriste, il verra défiler sur cette terre un groupe de Palestiniens (des frontières de 1948), venus eux aussi toucher au sacré de leur terre usurpée. « Vous venez d'où ? » leur lancent les visiteurs de Jordanie. « De Palestine », répondent-ils, et les échanges qui s'ensuivent grouillent de tous les murmures du Proche-Orient. Le 5 juillet, le site du baptême du Christ a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco, qui incluait déjà quatre autres sites jordaniens (Quseir Amra, Um al-Rasas, le Wadi Rum et Petra).
Le Jourdain prend sa source sur le mont Hermon et s'écoule sur 360 km jusqu'à la mer Morte, la plus basse du monde, à une altitude de 392 m sous le niveau des océans.

 

Le souffle du désert de l'Est
L'itinéraire de pèlerinage du mont Nébo au Jourdain s'achève traditionnellement par une baignade dans les sources chaudes de Ma'in, sous les plus célèbres cascades de Jordanie, nées du relief rocailleux qui surplombe la mer Morte. Celle-ci offre, elle aussi, un cadre propice à l'apaisement du corps et des sens. Réputée pour ses eaux riches en minéraux, la mer Morte est parsemée de centres d'hydrothérapie et balnéaires, au décor serein. Ses eaux qui dorment sous un soleil bas ont un effet inhibiteur.
Comme l'exotisme du désert qui se déploie, à deux heures de la mer, le Wadi Rum, ou la vallée de la Lune, la plus grande de Jordanie, préservée depuis sa redécouverte en 1984. Assis à l'arrière découvert d'un 4x4 ou d'une camionnette (pour les moins chanceux), le touriste se laisse entièrement envelopper par l'espace désertique. À travers les dunes de sable, l'infini se déploie sous ses yeux et ses sens relâchés s'adonnent aux jeux aléatoires du vent qui lui balaie la chevelure. Et, lorsque s'arrête le véhicule, près d'un massif rocheux, la sérénité se cristallise dans un instant d'immobilisme. Puis, se fait entendre le silence du désert, le murmure des couleurs, dont la splendeur se déploie à l'heure du crépuscule.


Les murmures de l'espace désertique sont perceptibles, mais différemment, à travers le site historique de Petra, redécouverte en 1812. Cité troglodyte, capitale des Nabatéens, qui l'ont fortifiée entre le IVe et le IIIe siècle avant Jésus-Christ, elle recèle les traces du génie de cette civilisation : le système d'irrigation et de climatisation, aménagé dans un relief de grès et de granite, est aussi impressionnant que la fameuse caisse aux trésors. La technicité et l'esthétique se sont incarnées dans cette ville, qui avait abrité, à son apogée, 25 000 habitants.

 

Pour mémoire
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