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Culture - Rencontre

« Si je lis autre chose que des écrits sur la musique, j’ai l’impression de la trahir »

Un vacancier pas comme les autres. Un musicien qui flâne dans un café rêve toujours de partitions et de mélodies. Rencontre avec le maestro Lubnan Baalbaki, qui place cette fois les mots non sur son pupitre et sous sa baguette de chef d'orchestre, mais sur un ton de chaleureuse et franche confidence.

« Quand je veux être heureux, j’écoute en entier la “Symphonie n° 8” de Bruckner. »

Trente-quatre ans. Fringant. Une silhouette gracile, un regard pervenche, des cheveux châtain clair drus, une barbe taillée au millimètre près, un visage entre douceur de la jeunesse et signe d'une maturité assumée. Et un brin romantique de son propre aveu... Voilà, neat and clean, Lubnan Baalbaki, jeune homme parfaitement dans le vent, qui vient de faire vivre sous sa houlette, pour le dernier concert de la saison de l'Orchestre philharmonique libanais (OPL), les lignes mélodiques et les trémolos de Verdi, Ravel et Saint-Saëns.

Qu'on ne s'y méprenne pas, chez ce trentenaire à l'allure de jeune premier, l'art est dans les gènes. Les Baalbaki, c'est une institution. Visite familiale guidée : sa sœur aînée, Soumaya, est une reine du tarab, son frère Oussama est un peintre hyperréaliste consacré, son autre frère Mounzer est acteur (avec Zoukak, Nadine Labaki, Mahmoud Hojeij...), le plus jeune de la fratrie, Salman, joue du daff (il a accompagné de ses sonnailles Warda al-Jazaïria et Julia Boutros) et son cousin Ayman, sur bicyclette, avec boucle d'oreille et turban à la omanaise, est celui qui a fait éclater la bourse de l'art avec sa toile vendue à plus d'un demi-million de dollars. Et, last but not least, on revient à la source, c'est-à-dire à son père Abdel Hamid (décédé il y a quelque temps), peintre impressionniste dont la fresque La guerre civile au Liban figurera en bonne place dans un musée qui verra bientôt le jour.
Plus de 80 concerts (avec les opéras La Traviata de Verdi et Les Noces de Figaro de Mozart) à l'actif de Lubnan Baalbaki, depuis qu'en 2008 il a embrassé sa carrière de chef d'orchestre à Bucarest, après une formation académique supérieure sous la férule de Petru Sbalcea.

De la Roumanie, où il voit régulièrement sa fille Nour, au pays du Cèdre, son point d'ancrage, la navette (après onze ans d'allers-retours) a aujourd'hui un rythme moins frénétique. Car cet enfant du Sud (il est originaire de Adaïssé) vient d'être nommé chef d'orchestre permanent de l'OPL, de même qu'il vient, dans un talent duel, de diriger l'Ensemble de musique orientale.
Comment a démarré la vocation musicale ? « Un peu en retard, vers l'âge de douze ans, dit-il. Je suis tombé amoureux du oud de ma sœur. Je le volais et en frottais les cordes. Encouragé par ma famille (quoiqu'on tremblait que je ne casse cet instrument finalement fragile !), j'ai étanché ma soif de connaissance en entreprenant des études au Conservatoire avec le violon. Ensuite, je me suis inscrit à Kaslik et mon ultime étape, par un heureux coup de hasard, ce fut Bucarest. Bucarest qui est une ville admirable et culturellement très active, avec plus de 26 formations orchestrales de haute tenue. »

Harry Potter
Que fait-il de son temps libre, quels sont ses loisirs ? Sans hésitation, le musicien déclare, avec un petit sourire amusé : « Je fais du sport (football et ski), je me passionne pour les films de science-fiction (Harry Potter, Terminator, Lord of the Rings...), je lis, mais c'est presque toujours en relation avec ma profession. Je ne sais pas pourquoi, si je lis autre chose que des écrits sur la musique, j'ai l'impression de la trahir. La musique, définitivement ma passion et le secret de mon existence. Je ne me penche que sur les partitions. Que je décrypte, décortique, souligne, commente, annote, découvre, savoure... Et quand je veux être heureux, j'écoute en entier la Symphonie n° 8 de Bruckner : c'est ma page de méditation, mon refuge et mon moment de plénitude et de bonheur... Mais il y a aussi, pour planer ailleurs, le prélude de Tristan et Yseult de Wagner. »

A-t-il des préférences pour les compositeurs étrangers en général, libanais ou arabes en particulier ? A-t-il la tentation de composer ? « J'aime diriger les œuvres symphoniques de Beethoven, confie-t-il, toutes les symphonies. Il y a là un challenge. Mais aussi Brahms, Saint-Saëns, Bruckner, Franck, Mendelssohn... Pour ce qui est de l'oriental, on connaît davantage les chanteurs et les chanteuses que les compositeurs : je nomme Baligh Hamdi, Abdel Wahab et Mohammad el-Mouji pour son inventivité. Côté libanais, il y a Gabriel Yared (magnifique, la musique du film Le Patient anglais, de Minghella), Houtaf Khoury, Abdallah al-Masry, Charbel Rouhana. Je suis sensible aussi à certains instrumentistes tels Wissam Boustany, Abdel Rahman el-Bacha, à qui d'ailleurs me lie un prochain travail. »

Pour ce jeune chef d'orchestre qui déclare en toute modestie que c'est au-delà de cinquante ans que la baguette mûrit réellement (toutes proportions gardées, il fait référence à Karajan pour appuyer son argument), la vie en ce moment lui sourit et lui tend les bras. Outre qu'il sera la prochaine saison à Beyrouth pour diriger l'OPL et l'Ensemble oriental, un chapelet d'invitations et de projets l'attendent, dont trois opéras, La Traviata, Rigoletto de Verdi et Samson et Dalila, de Saint-Saëns. Au Mexique, en Argentine, en Pologne, en Russie, à Londres et, bien entendu, en Roumanie, terre de son cœur et dont il parle la langue en toute fluidité.

 

Pour mémoire 
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