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Moyen Orient et Monde - Tribune

Stop à la démolition de l’orphelinat arménien d’Istanbul !

Il y a deux semaines, des bulldozers ont commencé à détruire l'orphelinat arménien d'Istanbul, appelé Kamp Armen. L'engagement de militants, menés par la jeunesse arménienne de Turquie, a permis d'occuper ce lieu symbolique et d'empêcher jusqu'à présent qu'il ne soit anéanti. Une mobilisation internationale est nécessaire pour qu'il soit préservé et rendu à ses propriétaires légitimes : la communauté arménienne de Turquie.
L'histoire de Kamp Armen est symbolique de l'histoire des persécutions contre les Arméniens et contre les minorités de manière plus générale dans ce pays. Des enfants de rescapés du génocide ont acheté une parcelle vide dans les années 60 et fondé l'orphelinat malgré les menaces, malgré les entraves, malgré la haine, afin d'apporter un peu de réconfort à ceux qui, en plus d'avoir à subir au quotidien les effets du négationnisme d'État, avaient perdu leurs parents. Après le coup d'État de 1980, son fondateur et directeur ecclésiastique Hrant Guzelyan fut arrêté et torturé au prétexte qu'il y aurait entraîné des militants arméniens. Les terrains furent illégalement expropriés par l'État, comme de nombreux autres, sous prétexte que les organisations arméniennes n'auraient jamais eu le droit d'acheter des terres à partir de 1936. Kamp Armen fut alors donné à son précédent propriétaire, à qui il avait pourtant été acheté en bonne et due forme.
Aujourd'hui, des bulldozers ont été envoyés pour détruire ce lieu afin qu'y soient bâties des villas de luxe. Cette tentative de destruction physique de Kamp Armen fait bien évidemment écho à la tentative d'extermination dont les Arméniens ont été les victimes dans l'Empire ottoman il y a un siècle. Un génocide, c'est en effet non seulement la tentative d'éradication des corps, mais également celle des histoires des individus et de la culture. Ainsi, préserver et valoriser le patrimoine arménien de Turquie fait partie de la lutte contre le négationnisme de l'État truc, lutte dans laquelle est engagée une partie de la société civile de Turquie depuis que des intellectuels puis des militants ont ouvert la voie il y a dix ans.
À l'inverse, détruire ce patrimoine, c'est perpétuer l'œuvre exterminatrice du Comité union et progrès, d'Enver, de Djemal et de Talaat, dont les noms servent toujours à nommer écoles et rues dans de nombreuses villes de Turquie, en particulier dans les anciens quartiers arméniens. Résister à la destruction du lieu, c'est résister au négationnisme, qui est la continuation de la logique génocidaire. La restitution de ce lieu à ses propriétaires légitimes, c'est-à-dire la communauté arménienne de Turquie, serait légalement juste et constituerait un acte de réparation, certes symbolique, mais véritablement novateur, car il se situerait à l'encontre de la politique séculière de spoliation, de discrimination et de persécution des Arméniens, et des minorités non musulmanes de manière générale en Turquie.
Avec la mobilisation croissante de différents secteurs de la société civile de Turquie pour la reconnaissance et pour la commémoration du génocide arménien – nous étions plusieurs milliers, jeunes, Turcs, Kurdes, Arméniens, Européens, pour commémorer à Istanbul le génocide arménien le 24 avril dernier –, cette restitution constituerait une victoire dans le combat contre le négationnisme, dont la principale ligne de front se situe aujourd'hui au sein-même de la société turque. Elle signifierait une avancée pour l'égalité entre tous les citoyens et pour la démocratie, dans un contexte particulièrement difficile marqué par un nombre record de journalistes menacés et emprisonnés.
Alors qu'il n'y a pratiquement plus d'orphelins arméniens en Turquie, Kamp Armen pourrait devenir un point d'ancrage de la société civile démocratique en Turquie, ce qu'il est depuis que la résistance civile a arrêté les bulldozers et avec eux la tyrannie de l'État, comme elle les avait arrêtés à Taksim en 2013. Pour faire avancer la justice, la lutte contre le négationnisme et la démocratie en Turquie, il est fondamental que la mobilisation soit internationale, en soutien à ceux qui se battent sur le terrain aujourd'hui.
De Turquie et de toute l'Europe s'élève donc notre cri : il faut sauver Kamp Armen et le restituer à la communauté arménienne !

Benjamin Abtan, président du Mouvement antiraciste européen Egam, et Alexis Kalk, porte-parole de la Jeunesse arménienne de Turquie Nor Zartonk.

Il y a deux semaines, des bulldozers ont commencé à détruire l'orphelinat arménien d'Istanbul, appelé Kamp Armen. L'engagement de militants, menés par la jeunesse arménienne de Turquie, a permis d'occuper ce lieu symbolique et d'empêcher jusqu'à présent qu'il ne soit anéanti. Une mobilisation internationale est nécessaire pour qu'il soit préservé et rendu à ses...

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