Les ultraorthodoxes reviennent en force au gouvernement israélien, annonçant un retour en arrière sur des réformes touchant aux relations sensibles entre la population religieuse et le reste de la société israélienne.
Après deux ans d'absence, le parti ashkénaze Judaïsme unifié de la Torah (6 députés sur 120 au Parlement) et le parti séfarade Shass (7 députés) ont conclu des accords de gouvernement avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Bibi (le surnom de M. Netanyahu) les avait volontairement évincés dans le précédent gouvernement pour promouvoir une série de réformes visant à intégrer davantage le public ultra-orthodoxe dans le reste de la société.
Les ultraorthodoxes (ou Haredim), représentés au Parlement par le Shass et Judaïsme unifié de la Torah, représentent plus de 10 % de la population. Ils observent strictement les règles du judaïsme dans tous les domaines de la vie. Cela se traduit pour un certain nombre d'entre eux par un rejet de la culture laïque moderne, par le port de vêtements et de signes distinctifs comme la barbe, le costume et le chapeau noir pour les hommes, et par une vie très orientée vers leur communauté.
Depuis la création d'Israël en 1948, les étudiants des Yeshivot, les séminaires talmudiques, étaient exemptés du service militaire de trois ans, obligatoire pour les autres Israéliens. Sous la pression des non-religieux, le Parlement a voté en mars 2014 une loi les contraignant à répondre à l'appel sous les drapeaux. Les accords de coalition que les partis ultra-orthodoxes viennent de signer prévoient l'annulation des peines de prison pour les ultraorthodoxes qui ne se présentent pas au bureau de recrutement. Comme d'autres sujets concernant la place des Haredim dans la société, celui-ci divise les Israéliens. Plusieurs dizaines de soldats de réserve ont protesté contre cette annulation hier devant le ministère de la Défense à Tel-Aviv. « Les bonnes poires continueront à faire l'armée et ceux qui sont proches du pouvoir seront exemptés », a déclaré le chef de file de Yesh Atid, Yaïr Lapid, lors de la manifestation, dans des propos rapportés par les médias. Son parti a été évincé du gouvernement.
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« Vers une bataille culturelle »
La question des conversions au judaïsme est un autre sujet de controverse, le nouveau gouvernement ayant promis aux partis religieux l'annulation de mesures visant à faciliter le processus, supervisé par le rabbinat ultraorthodoxe. Ces retours en arrière risquent « à nouveau d'aviver les tensions entre les ultraorthodoxes et le reste de la société israélienne (...) Cela sera mauvais pour l'intégration des ultraorthodoxes dans la société et mauvais pour tout le monde », estime Yedidia Stern, professeur de droit à l'université de Bar Ilan.
Shahar Ilan, un des dirigeants de Hiddush, ONG de défense de la liberté religieuse, s'attend également à un regain des tensions touchant aux relations entre la religion et l'État, qui s'étaient manifestées par des polémiques sur la ségrégation entre hommes et femmes dans les transports publics, l'ouverture des rues commerçantes, le shabbat et la représentation de la femme dans les lieux publics. « Nous nous dirigeons vers une bataille culturelle après une pause de deux ans. Tout cela juste pour que Netanyahu puisse se payer un gouvernement », dit-il.
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