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Économie - Focus

Du dialogue au procès, les armes des ONG pour faire plier les multinationales

Deux ans après la tragédie du Rana Plaza, électrochoc en matière de responsabilités sociétales des multinationales, les grandes entreprises échappent de moins en moins à la vigilance des ONG, qui, pour infléchir des pratiques discutables, manient tour à tour dialogue, dénonciation publique comme poursuites judiciaires. « Il n'y a aucune limite dans le type de stratégies, non violentes, que nous développons pour avoir un impact. Nous adaptons notre approche à chaque action », explique Marie Yared, chargée de campagne France pour Avaaz, mouvement revendiquant 42 millions de sympathisants dans le monde dont plus de 4 millions en France. Les pétitions sont « la face émergée » d'Avaaz, qui, en coulisses, privilégie d'abord « le dialogue », explique la responsable. Préalable à tout lancement de campagne : l'apparition d'« un moment charnière », associant une situation de « crise et une opportunité » pour « éventuellement obtenir un changement important en appuyant sur la bonne personne » car il ne s'agit « pas seulement de viser un groupe ». Dernière victoire du mouvement de cybermilitants : l'obtention fin février d'un engagement du groupe textile italien Benetton à contribuer au Rana Plaza Trust Fund, le fonds d'indemnisation des victimes de la catastrophe.
Après avoir récolté plus de 400 000 signatures d'une pétition en 24h, Avaaz adresse début février un courrier « sans attaque » au PDG de Benetton lui rappelant notamment « la distance » entre les « valeurs » et les actes de la marque, prévenant qu'elle ne manquerait pas de la dénoncer à l'approche du Fashion Week de Milan à la fin du mois, en l'absence d'engagement concret du groupe. Parallèlement, les signataires de la pétition ont saturé « en quelques heures » la page Facebook de Benetton. Avaaz fait également circuler « en permanence pendant une semaine » autour du siège de Benetton une camionnette publicitaire affichant un large panneau d'une victime du Rana Plaza dans les décombres, assorti du slogan « Montrez-moi votre vraie couleur ». Sans compter la remise en mains propres sur place de 30 000 lettres de sympathisants par un représentant des victimes du Rana Plaza et un responsable d'Avaaz.

« Bras de fer quotidien »
Au bout du compte, « un dialogue s'est créé », assure Avaaz. De son côté, Benetton reconnaît que « l'initiative a représenté une motivation supplémentaire importante pour accélérer » sa décision d'abonder le fonds à hauteur de 1,1 million d'euros, et dit considérer l'ONG « comme un interlocuteur responsable et fiable » dont elle apprécie l' « approche constructive ». L'association Sherpa, réunissant juristes et avocats pour « protéger et défendre les populations victimes de crimes économiques », s'est fixé pour objectif « d'améliorer les cadres juridiques nationaux, régionaux et internationaux », explique sa directrice Laetitia Liebert. D'où deux méthodes : la procédure judiciaire, afin « de créer un précédent » et permettre à des populations « de bénéficier de cette jurisprudence », et le dialogue « extrajudiciaire », utilisé pour obtenir « un résultat ponctuel pour une population donnée à un moment » précis. « Le travail de Sherpa au quotidien, c'est un bras de fer », estime la responsable, qui a déposé fin mars contre le groupe de BTP Vinci et sa filiale qatarie une plainte pour « travail forcé et réduction en servitude » de travailleurs sur des chantiers au Qatar.
En réponse, Vinci a déposé plainte pour diffamation contre Sherpa et ses dirigeants. « Je suis profondément indigné par les accusations fausses » et « la méthode » de Sherpa qui « jette le groupe en pâture à la vindicte populaire », a déclaré à l'AFP Franck Mougin, directeur des ressources humaines de Vinci. « C'est un peu David contre Goliath, le gros essaie d'intimider le petit » par une plainte également « importante pour son image auprès de (ses) actionnaires et investisseurs », estime de son côté Mme Liebert. La responsable préfère y voir l'occasion de « refaire parler des conditions des migrants au Qatar » et de « la nécessité de la loi » sur le « devoir de vigilance » écologique et sociale des multinationales, votée en première lecture fin mars à l'Assemblée, mais en attente d'examen au Sénat.
Carole GUIRADO/AFP

Deux ans après la tragédie du Rana Plaza, électrochoc en matière de responsabilités sociétales des multinationales, les grandes entreprises échappent de moins en moins à la vigilance des ONG, qui, pour infléchir des pratiques discutables, manient tour à tour dialogue, dénonciation publique comme poursuites judiciaires. « Il n'y a aucune limite dans le type de stratégies,...

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