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Liban - Réfugiés

Il y a tous les jours des miracles au dispensaire Saint-Antoine de Roueissate

L'accueil quotidien d'environ 200 réfugiés, un formidable défi pour les sœurs du Bon Pasteur et les bénévoles de l'Hôtel-Dieu.

Sœur Hanane Cheikh : la personne la plus fragile, c’est généralement la femme.

Sœur Hanane Cheikh nous montre une boîte en plexi translucide où trône une croix ornementale. « C'est une petite histoire, dit-elle. Mohammad avait quatorze ans quand il est mort d'un virus au cerveau, après un coma de plusieurs mois. Nous avons aidé sa maman. Vous savez... On a été à côté d'elle comme on le ferait avec n'importe qui. Pour le quarantième de son décès, elle est venue avec ce cadeau : une croix près de laquelle elle a glissé une photo de son fils prise au sanctuaire de sitt Zeinab (proche de Damas). Elle m'a offert la croix, pas autre chose. Sachant que j'étais une religieuse pour qui ce symbole est très cher. Pour me dire merci. Pour moi, c'est un miracle. »
Il y a tous les jours des miracles comme celui-ci, au dispensaire Saint-Antoine de Roueissate, un bidonville chiite du Metn au-dessus de Jdeidé. Avec un personnel administratif de six personnes, sœur Hanane et sœur Georgette Tannoury, deux religieuses du Bon Pasteur, dirigent un dispensaire confié depuis 2005 à leur congrégation. Celui-ci assure gratuitement tous les services médicaux antérieurs à l'hospitalisation ainsi que les médicaments.
Le local, un assemblage de quatre conteneurs, accueille des Libanais, des Syriens, mais surtout, depuis juin 2014 et leur expulsion de Mossoul, des chaldéens d'Irak. Depuis peu, les assyriens expulsés du Khabour s'y retrouvent aussi.
Les fonds proviennent en partie du Haut Commissariat de l'Onu pour les réfugiés (HCR), de l'organisation Aide à l'Église en détresse (AED), de la Mission pontificale ainsi que de dons privés. Parfois, comme en ce moment à Aïn Aar, la paroisse où se trouve la maison mère au Liban des religieuses du Bon Pasteur, une collecte est faite à son intention.
En ce matin de semaine, la foule des réfugiés est déjà là, paisible et patiente. Les lieux sont d'une étonnante propreté. En moyenne, deux cents réfugiés sont là tous les jours, soit pour une consultation médicale, soit pour des médicaments. En 2014, le dispensaire a ainsi accueilli plus de 17 000 personnes ! Avec les gynécologues, les pédiatres sont les plus sollicités.

Espérance et souffrance
« Espérance au bord de la souffrance » est la devise de sœur Hanane. Pour la population qu'elle accueille, la réalité est tout autre. « Quand on souffre autant, c'est un défi de continuer d'espérer », souffle-t-elle, évoquant « les milliers de familles brisées, les jeunes filles vendues comme des marchandises, les fillettes de dix à douze ans mariées à des hommes mûrs afin de les mettre à l'abri des jihadistes... Notre monde va mal », ose-t-elle.
En vertu d'une convention passée avec l'Université Saint-Joseph, les services médicaux sont assurés par des médecins et des internes de l'Hôtel-Dieu.
« Notre attention va toujours à la personne la plus fragile, ajoute sœur Hanane, et c'est généralement la femme. S'occuper de la mère, c'est s'occuper de toute la famille. »
Le suivi psychologique des mères peut être très lourd. « Le nombre des personnes complètement désorientées qui ont besoin d'écoute augmente, explique sœur Georgette. Les épouses, en particulier, sont perdues. Elles n'ont plus la patience de s'occuper de leurs enfants ou de faire le travail ménager. Elles sont continuellement à la recherche de nouvelles aides. Elles pleurent beaucoup et n'écoutent pas ce qu'on leur dit. Parfois, c'est aux personnes qu'elles ont laissées qu'elles pensent. En général, les hommes sont restés et les femmes ont quitté avec leurs enfants. C'est très dur, surtout quand il s'agit de jeunes couples. »

La cherté de vie
« Il est important que l'opinion connaisse les souffrances des réfugiés, en particulier celle des Irakiens, explique sœur Hanane. Leur situation est très délicate. Ils ont fui leurs foyers sans aucune préparation, avec seulement les habits qu'ils portent. Souvent en oubliant d'emporter leur argent. Ils arrivent dans un pays où la vie coûte très cher. Que ce soit les loyers ou la vie quotidienne. C'est vrai qu'il existe des secours de base, mais ils sont insuffisants et, sur le plan médical, ils n'ont rien d'autre que ce que notre dispensaire leur assure. »
« Si les médicaments ne leur étaient pas assurés, par exemple pour le diabète et la tension, enchaîne la religieuse, ils ne les auraient jamais achetés. Ils préfèrent garder l'argent pour le loyer, la nourriture. Et, s'ils peuvent travailler, ils font travailler leurs enfants. En arrivant au Liban, ils prennent des visas touristiques et présentent des demandes (pour obtenir du HCR un statut de réfugié). Or, le traitement de ces demandes est long. Il faut deux ans pour avoir une réponse. Ils doivent s'arranger pour tenir pendant ces temps-là. »
« Les réfugiés syriens sont dans une autre situation, confie Sr Hanane, ils peuvent travailler. Ils étaient pauvres à l'origine. Les Irakiens, en principe, n'avaient besoin de rien. Ils ne manquaient de rien. Et soudain, ils ont tout perdu. »
Songent-ils au retour ? « Il me semble, répond sœur Georgette, que c'est une situation irréversible. Aucune des familles ne songe à revenir». «Cela ne date pas de Daech, expliquent-elles. On a été en guerre avec l'Iran, ensuite avec le Koweït. Puis il y a eu la période américaine. Parfois, c'est une menace directe. On n'en peut plus. Même si le pays se stabilise, qui sait ce qui peut se passer dans deux ou trois ans ? »
« Ils ne rêvent que sécurité, conclut la religieuse. Ils quittent l'Orient pour la trouver. Mais s'ils rêvent de partir, ils ne savent pas toujours où se rendre. Au Canada ? Aux États-Unis ? En Suède ? "On ne sait pas, ma sœur", me disent-ils. Ce sont les Nations unies qui décident ! Quelle misère ! »

F. N.

Sœur Hanane Cheikh nous montre une boîte en plexi translucide où trône une croix ornementale. « C'est une petite histoire, dit-elle. Mohammad avait quatorze ans quand il est mort d'un virus au cerveau, après un coma de plusieurs mois. Nous avons aidé sa maman. Vous savez... On a été à côté d'elle comme on le ferait avec n'importe qui. Pour le quarantième de son décès,...

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