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Moyen Orient et Monde - Reportage

En pleine guerre, la Syrie se lance dans l’industrie du... cigare

Oum Ali se dit fière aujourd’hui de son « cigare à 100 % syrien ». Youssef Karwashan/AFP

Dans une grande salle de la Compagnie générale du tabac à Lattaquié, fief de Bachar el-Assad, des ouvrières roulent des feuilles de tabac pour fabriquer des cigares, une toute nouvelle industrie lancée en pleine guerre.
Cette initiative devrait permettre la création de 1 000 emplois dans le pays dévasté par un conflit qui a fauché la vie à plus de 215 000 personnes et laminé l'économie, espère le directeur général de la compagnie, Nasser Abdallah.
« L'entreprise va très bientôt lancer ses cigares sur le marché intérieur et essayer de les exporter vers des pays amis », affirme son directeur adjoint, Salmane el-Abbas. Ce pari est osé car le cigare reste un produit de niche en Syrie, où il est fumé par une poignée d'aficionados aisés.
Comme de nombreuses compagnies publiques, la Compagnie générale du tabac souffre des sanctions internationales. Ses avoirs sont gelés depuis 2012 par l'Union européenne qui l'accuse de fournir un soutien financier au régime.
Avant la crise, la compagnie fondée en 1935 et spécialisée dans la production de cigarettes comptait parmi les entreprises les plus prospères du pays, et ses bénéfices renflouaient les caisses de l'État avec des millions de dollars. Pour compenser les pertes subies, « nous avons décidé d'élaborer un nouveau produit sans expertise étrangère », explique le directeur de l'usine, Chadi Moualla, en dénonçant « la guerre économique livrée à la Syrie » par les Occidentaux. Des essais ont été menés pendant trois ans pour que ces cigares soient « conformes aux normes internationales » lorsqu'ils sortent dans l'usine de Lattaquié, le chef-lieu de la province où les plants de tabac sont cultivés.

Cigare à 100 % syrien
Mais l'apprentissage n'a pas été aisé pour les ouvrières, comme la quinquagénaire Oum Ali, foulard blanc sur la tête, à qui trois années ont été nécessaires pour maîtriser correctement l'art de rouler les cigares. Un jour, l'ingénieur Houssam l'interpelle : « Vous les femmes, vous êtes habituées à faire des feuilles de vigne farcies, essayez donc de rouler un cigare », témoigne-t-elle. Or, « je ne savais même pas ce qu'était un cigare ». Oum Ali affirme avoir perfectionné sa technique sur Internet. « J'ai regardé des vidéos sur la confection de cigares à Cuba et l'ingénieur m'expliquait la manière d'assembler les feuilles de tabac », raconte-t-elle. Elle se dit fière aujourd'hui de son « cigare à 100 % syrien ». « Il a vraiment le goût du tabac syrien », précise-t-elle en tirant une bouffée. Dans la grande salle, dont les murs sont ornés des portraits du président Bachar el-Assad et de son père défunt, les 130 ouvrières et six hommes s'affairent à trier les feuilles de tabac brun, les tasser et les rouler. Ils fabriquent actuellement 400 à 500 cigares par jour, dont quelques exemplaires sont distribués à des personnalités pour en tester le goût et vérifier la qualité. L'ambition est de « défier l'embargo en créant un nouveau produit rentable et en faisant travailler la main-d'œuvre », souligne l'ingénieur Houssam Mahmoud.
Selon M. Abbas, les cigares pourront être exportés vers des pays amis comme l'Iran, la Russie, la Chine, qui soutiennent le régime de Damas depuis quatre ans, ainsi qu'en Afrique. Il espère même que le cigare syrien puisse à terme concurrencer les marques les plus prestigieuses, notamment cubaines.

Youssef KARWASHAN/AFP

Dans une grande salle de la Compagnie générale du tabac à Lattaquié, fief de Bachar el-Assad, des ouvrières roulent des feuilles de tabac pour fabriquer des cigares, une toute nouvelle industrie lancée en pleine guerre.Cette initiative devrait permettre la création de 1 000 emplois dans le pays dévasté par un conflit qui a fauché la vie à plus de 215 000 personnes et...

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