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Économie - Liban - Social

« Halla », pour empêcher une explosion de pauvreté au Liban

Mis en place en 2011, ce programme national vient en aide à 337 701 Libanais en situation extrêmement précaire.

Pour Ali Hazima, employé municipal, le programme Halla a été d’une aide précieuse pour faire vivre sa famille. Photo Marie Kostrz

Quand on lui demande son opinion sur Halla, Ali Hazima n'hésite pas : « C'est une aide immense. » Employé journalier à la municipalité de Nabi Shit, village rural et modeste de la Békaa orientale, ce père de trois enfants est inscrit au Programme national de lutte contre la pauvreté (Halla). Lancé en octobre 2011 par le ministère des Affaires sociales, ce programme cible les cas les plus critiques. « Le but est d'offrir une assistance à ceux qui sont en situation d'extrême pauvreté, c'est-à-dire qui vivent avec moins de 2,5 dollars par jour », explique le responsable du programme John Murad. Quelque 8 % des Libanais se contentent en effet de cette somme pour subvenir à la totalité de leurs besoins. Selon une étude du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et du ministère des Affaires sociales en 2004, 18 % des Libanais vivant dans le governorat du Nord sont en situation d'extrême pauvreté, ainsi que 10,81 % des habitants de la Békaa.
L'objectif, ambitieux, est rendu possible grâce à la mobilisation de fonds internationaux : « La Banque mondiale a alloué 1,25 million de dollars à la première phase du projet allant de 2011 à 2013, le gouvernement canadien 2 millions de dollars canadiens (1,57 million de dollars) et l'ambassade d'Italie 500 000 euros (0,53 million de dollars) ». Le gouvernement libanais a, lui, contribué à hauteur de 5,49 millions de dollars et a adopté en 2012 un budget de 28 millions de dollars pour la seconde phase du projet, allant juqu'à 2017. Pour cette période, la Banque mondiale continue de participer avec un don de 8,2 millions de dollars. Le Haut-Commissariat de l'Onu pour les réfugiés (HCR) a quant à lui ajouté trois millions de dollars supplémentaires. Le programme fait partie d'un plan plus vaste établi lors de la conférence des donateurs Paris III en soutien au Liban, au lendemain de la guerre avec Israël de 2006.

 

Plus de 300 000 Libanais
Un peu plus de trois ans après son lancement, Halla vient en aide à 337 701 Libanais et 114 centres de développement social, répartis sur l'ensemble du territoire, sont chargés de suivre les familles. « Une grille de 62 critères économiques et sociaux nous permettent de savoir qui peut profiter ou non de Halla », détaille John Murad. Les individus obtenant un score inférieur à 7 651 sont intégrés au programme et peuvent bénéficier de plusieurs services. La scolarisation des enfants âgés d'un à 18 ans devient gratuite. Les soins médicaux le sont aussi : en plus des consultations délivrées dans les centres, Halla rend possible l'hospitalisation de ses bénéficiaires, grâce à des partenariats avec des hôpitaux publics et privés. Aucun frais n'est avancé : la liste des bénéficiaires est actualisée tous les quinze jours par le ministère des Affaires sociales, qui la transmet aux établissements de santé concernés.
Sur le terrain, Halla est accueilli avec enthousiasme. « Il aide énormément les habitants », assure Mohammad Moussawi, le président du centre de Nabi Shit, où 367 familles profitent du programme. « On a un médecin généraliste, un gynécologue, un pédiatre et un dentiste à leur disposition gratuitement, précise-t-il. Ils peuvent aussi avoir des médicaments gratuitement. »
La scolarisation des enfants du village a aussi augmenté : « 25 % des 160 enfants inscrits au centre de Nabi Shit n'étaient pas scolarisés avant », dit-il. Parmi eux, Hussein : à 15 ans, le jeune homme vient d'intégrer une classe de 8e. « Il n'allait plus à l'école depuis trois ans car on n'avait pas assez d'argent », reconnaît sa mère, Oum Ali. Pour les plus pauvres parmi les pauvres, Halla a aussi prévu une aide alimentaire : les 5 076 familles libanaises dont le score est inférieur à 6 848 disposent de coupons nourriture de 30 dollars par mois et par individu, dans la limite de six personnes par foyer. Les bénéficiaires disposent de carte prépayées qu'elles peuvent utiliser dans 400 magasins.
En tout, 42 % du budget alloué à Halla finance les services mis à la disposition des bénéficiaires. Les cartes prépayées représentent 7 %, la scolarisation gratuite 22 %, l'hospitalisation 11 % et les paniers-repas, distribués pendant les six premiers mois de l'application de Halla, 3 %.

 

La crise syrienne aggrave la situation des plus pauvres
Trois ans après son lancement, Halla a-t-il réussi à faire chuter l'extrême pauvreté ? « Le programme s'apparente davantage à de l'assistanat », estime Abdelatif Moussawi, président de l'union des communes de la Békaa-Est, dont relève Nabi Shit : « Aucun emploi n'ayant été créé en parallèle, tout redeviendra comme avant si le programme s'arrête. »
D'autant que l'impact de la crise syrienne sur les plus pauvres est négatif. « Beaucoup de Libanais perdent leur emploi et les loyers augmentent. » Au ministère des Affaires sociales, John Murad confirme : « Ce sont les régions les plus pauvres du Akkar et de la Békaa qui accueillent le plus de réfugiés », dit-il. Selon les chiffres publiés le 28 février 2015 par le HCR, 24,3 % des réfugiés syriens sont inscrits dans le gouvernorat du Nord et 35,2 % dans la Békaa. Selon un rapport de la Banque mondiale en septembre 2013, « 170 000 Libanais supplémentaires se retrouvent en situation de pauvreté alors que ceux qui étaient déjà dans ce cas tomberont encore plus bas » à cause de la crise syrienne. « Sans Halla, l'extrême pauvreté aurait explosé au Liban », conclut John Murad.

 

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