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Lifestyle - Âge d’or

À quoi rêvait Salwa el-Katrib ?

« Ils nous ont dit qu'ils voulaient en faire la nouvelle Dalida... » : témoignages et souvenirs, six ans après la disparition tragique de la diva.

Été 1984. Quand le téléphone sonne chez les Lahoud en cette chaude journée de juillet, Nahi Lahoud s'apprête à entendre des félicitations à l'autre bout du fil. La participation de son épouse Salwa el-Katrib, diva de la chanson libanaise, au Festival de musique de Timgad, quelques jours plus tôt, a en effet été un franc succès qui ne cesse d'être applaudi. Le producteur ne s'attend donc pas à entendre une nouvelle d'un tout autre genre.

« C'est la chaîne LBC, M. Lahoud, lui répond-t-on. Une certaine Simone Marouani a remarqué Salwa el-Katrib lors du reportage diffusé sur TF1 à propos du théâtre libanais au temps de la guerre, et nous a sollicités... Elle cherche à la contacter. »
Simone Marouani. Figure emblématique du monde de la chanson française et unique femme du clan Marouani qui regroupait également ses deux frères, dont le célèbre Eddy Marouani, imprésario de Michel Sardou et d'Édith Piaf. Tout ce qui comptait dans la chanson française, disait-on, de Brel à Brassens en passant par Dalida et Claude François, a été à un moment ou un autre entre les mains de ce trio de producteurs. De passage à Beyrouth pour le concert de Serge Lama au Casino du Liban, Simone Marouani, imprésario de l'artiste, a bien remarqué Salwa. Elle veut faire de la diva, qui vivait alors son âge d'or, bercée par le succès de ses tubes Khedni Maak et Alouli el-Eid et de ses comédies musicales, une star en France.

C'est sans hésiter que Nahi et son frère Roméo Lahoud, célèbre metteur en scène qui a lui-même découvert la chanteuse et a signé la plupart de ses titres, filent au Casino pour rencontrer Mme Marouani quelques instants avant le concert de Lama. Il ne s'agit pas d'une nouvelle occasion à rater ; il y en a eu tant d'autres. Déjà en 1981, Julio Iglesias avait été séduit par elle lors d'un dîner après son concert au Casino du Liban. Au Jet Set de Tabarja Beach, il l'avait invitée à chanter avec lui Besa me mucho, « moi l'Espagnol et elle l'Orientale », comme il s'était amusé à le dire. Malgré la promesse d'un duo, le contact avec l'artiste avait été ensuite perdu. Trois ans plus tard, le rêve de Salwa Katrib de faire une carrière internationale avait enfin ses chances...

 

 

 

 

Deux « non »
« Nous nous sommes rendus, Roméo et moi, au Casino du Liban, raconte Nahi Lahoud. J'ai pris avec moi toutes les cassettes de Salwa. Mme Marouani était très impressionnée, soulignant que Salwa avait une voix exceptionnelle et qu'elle allait faire carrière en France. Elle voulait en faire la nouvelle Dalida et traduire l'ensemble de son répertoire en français en lui donnant une touche orientale, les musiques de Roméo étant déjà assez occidentalisées. Il était convenu que mon frère, poète, allait également se charger de la traduction. »

Dans les coulisses du Casino du Liban, Serge Lama, examine avec attention les pochettes des albums de la diva. Il la trouve belle et salue le projet. Mais de retour à la maison, l'enthousiasme des frères Lahoud est refroidi par le premier « non » de Salwa. Celle qui pourtant était très emballée il y a quelques années par l'idée d'un duo avec Iglesias, « sans toutefois l'avoir montré », ne veut pas quitter sa fille toute jeune, la petite Aline.
« Nous avons dû faire beaucoup d'efforts pour la convaincre d'accepter l'offre, poursuit Nahi Lahoud. Deux ans plus tard, Roméo a voyagé à Paris et ramené un contrat de 5 ans avec les Marouani. Mais c'était sans compter le deuxième "non" de Salwa qui refuse de le signer. La guerre l'avait malheureusement dissuadée et nous en sommes restés là. Il était impossible de lui faire changer d'avis. Il faut savoir que Salwa était très calme, mais au fond, très anxieuse, presque angoissée. Aline était encore jeune, et sa carrière de diva au Liban était déjà lancée. »

« L'idée de la concurrence difficile pour percer en France était également un autre argument qu'elle m'avait avancé à l'époque, ajoute le producteur. Ma femme était très ambitieuse et était amoureuse du théâtre. Elle avait même beaucoup pleuré et souffert pour cet amour, sous les exigences strictes de Roméo. Elle avait souvent voulu tout quitter et je tentais de la persuader de poursuivre son rêve. Mais Salwa ne courait pas derrière le succès, elle ne frappait pas aux portes et ne prenait pas en main son travail, d'un point de vue financier. Nous étions une équipe qui lui préparait tout et l'idée d'une carrière en France, surtout loin du Liban, n'était pas facile. »

 

 « Derrière la mer »
Mais à quoi rêvait donc Salwa Katrib ? « Salwa était très attachée au Liban et à sa famille, raconte Aline Lahoud. Elle savait qu'accepter une carrière internationale allait l'éloigner de son pays et de moi, vu qu'elle serait en voyage permanent. Son rôle de mère passait avant tout, et même avant ce rêve d'aller en France. » Un rêve que la jeune chanteuse, Aline, n'a pas oublié en participant au télécrochet The Voice France l'année dernière et en interprétant le tube Khedni Maak que les frères Marouani avaient proposé de traduire en premier. La jeune vedette, qui se prépare à endosser le rôle de sa maman dans la nouvelle version de la comédie Bint el-Jabal reportée jusqu'au mois octobre, poursuit : « Un journaliste avait d'ailleurs écrit en titre une phrase qui m'a beaucoup marquée, durant ma participation à The Voice, disant que "Salwa n'a pas été en France pour Aline, mais Aline est allée en France pour Salwa". »
« Je lui ai posé la question une fois, confie pour sa part Nahi Lahoud. Quels étaient tes rêves, Salwa ? Je ne savais pas que j'avais une belle voix quand j'étais enfant, a-t-elle répondu. Je voulais juste qu'on parle de moi un jour, qu'on se souvienne de moi. »

Aujourd'hui, six ans après sa disparition tragique au mois de mars 2009, les Libanais se souviennent toujours de Salwa el-Katrib. De son aura de reine, de sa voix mélancolique porteuse de tous les beaux souvenirs, de son sourire, de sa classe scénique inégalée, de son Khedni Maak éternel. Elle qui n'a pas voulu prendre le large ni quitter son pays, sans même chercher à savoir ce qu'il y a derrière la mer et qui chantait : « Derrière la mer, que de récits captifs des palais oubliés. D'autres mers au-delà des mers, des contes d'hiver, des marches verdoyantes, des lunes errantes et des sentiers qui courent après d'autres sentiers... »

 

 

Pour mémoire
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Été 1984. Quand le téléphone sonne chez les Lahoud en cette chaude journée de juillet, Nahi Lahoud s'apprête à entendre des félicitations à l'autre bout du fil. La participation de son épouse Salwa el-Katrib, diva de la chanson libanaise, au Festival de musique de Timgad, quelques jours plus tôt, a en effet été un franc succès qui ne cesse d'être applaudi. Le producteur...

commentaires (3)

Touchante est l'histoire de Salwa el-Katrib. Une vraie mère pour qui la célèbrité était secondaire . Rare et beau .

Sabbagha Antoine

08 h 13, le 12 mars 2015

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Touchante est l'histoire de Salwa el-Katrib. Une vraie mère pour qui la célèbrité était secondaire . Rare et beau .

    Sabbagha Antoine

    08 h 13, le 12 mars 2015

  • Très touchant et bel hommage de M. Béchara Maroun à Salwa el-Katrib ! Merci.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 44, le 12 mars 2015

  • LA TAKRAHOU CHAYAAN LA3ALLAHOU KHAYRAN LAKOM...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 26, le 12 mars 2015

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